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Bulletin Infirmier du Cancer

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La décision d'arrêt des traitements spécifiques en cancérologie Volume 19, numéro 2, Avril-Mai-Juin 2019

La décision d’arrêt des traitements spécifiques en cancérologie

En oncologie, la décision d’arrêt des traitements est un processus complexe et multidimensionnel faisant intervenir le médecin, le patient, l’équipe et les proches.

La France est un des rares pays à bénéficier d’une assise réglementaire permettant d’encadrer la pratique de ce processus de décision médicale partagée, mais aussi de permettre aux patients d’éviter tout acharnement thérapeutique (Loi sur les droits des patients, 2002, et Loi Claeys-Leonetti, 2016).

L’auteur identifie de nombreux facteurs pouvant influencer le processus décisionnel du médecin, ainsi que les impacts que pourrait engendrer telle ou telle décision (arrêter ou poursuivre) d’un point de vue économique et éthique.

En effet, le médecin oncologue se retrouve face à un dilemme : poursuivre ou arrêter les traitements étant donné les nombreuses alternatives thérapeutiques, la demande du patient, de ses proches, la notion de perte de chance, la rationalité de la prise en charge, la préservation de la qualité de vie, etc.

La recherche de consensus, la mise en évidence de la prise en charge pluridisciplinaire nécessitent en cancérologie une prise de décision concertée. Cette collégialité permet à chaque intervenant une prise de recul favorable, afin de surmonter la charge émotionnelle, mais aussi d’identifier des critères objectifs et singuliers dans toute la complexité d’une situation (âge, scores pronostics, dénutrition, chimiorésistance, défaillance d’organes, etc.).

Pour être réalisée dans les meilleures conditions, l’auteur nous rappelle l’importance d’avoir, en amont à cette décision, élaboré un projet de soins global afin de pouvoir solliciter l’équipe de soins palliatifs de manière précoce.

L’équipe de soins de supports palliatifs de l’Institut Curie (Paris) a réalisé une étude de cohorte observationnelle prospective pendant six mois, avec pour but de décrire le processus de décision médicale partagée pour la poursuite ou l’arrêt des traitements spécifiques.

Les patients inclus dans l’étude étaient au nombre de 47, avec une moyenne d’âge de 65 ans et un état général altéré (OMS 3), connus antérieurement par l’équipe de soins palliatifs pour 50 % d’entre eux.

« Il en ressort que, dans un premier temps, les traitements remis en cause étaient majoritairement les chimiothérapies intraveineuses (53 %) […] le questionnement survenait le plus souvent en hospitalisation conventionnelle (48,9 %) ou en hôpital de jour de soins de support (40,4 %) et les motifs les plus souvent évoqués étaient la dégradation de l’état général (90 %) ou la progression de la maladie (68 %) et la chimiorésistance (42 %). »

Ces différents critères objectifs ont été identifiés et chiffrés par cette étude et, en fonction de ces résultats, il a été constaté que l’arrêt des traitements spécifiques survenait dans 58 % des cas et que « la décision finale suit l’avis de l’oncologue dans 90 % des cas, en discordance avec l’équipe de soins palliatifs dans la moitié des cas. »

Il est à noter que lorsque l’annonce d’arrêt des traitements est faite, le terme « pause » plutôt qu’« arrêt » est utilisé, malgré la non-reprise de traitement avant le décès.

Cette étude nous permet d’ouvrir des perspectives de réflexions sur les enjeux actuels survenant dans cette décision partagée d’arrêt des traitements spécifiques, et de développer des outils favorisant la collégialité dans ces processus, tout en tenant compte de l’éthique.

 

Laouisset C, Waechter L, Rossi A, et al. The decision to withdraw specific treatments in oncology. Soins 2019 ; 64 (833) : 38-40. Doi : 10.1016/j.soin.2019.01.00

 

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