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Bulletin du Cancer

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Ciblage de molécules antitumorales par les anticorps monoclonaux Volume 87, numéro 11, Novembre 2000

Auteurs
Institut Curie, 26, rue d'Ulm, 75248 Paris Cedex 05.

En dépit de nombreux travaux qui ont été réalisés dans le domaine de la vectorisation de composés antitumoraux par des anticorps monoclonaux, comme préconisée dès 1906 par Paul Ehrlich, force est de reconnaître que, jusqu'ici, rares ont été les exemples d'immunoconjugués ayant atteint le seuil clinique. Depuis quelques années, pour pallier l'un des écueils dus à la trop faible cytotoxicité des composés impliqués dans cette approche, de nouveaux conjugués ont vu le jour comme ceux dérivés de substances très cytotoxiques (maytansine, CC-1065 et surtout énediynes). Par ailleurs, l'ingénierie des anticorps a progressé de façon spectaculaire depuis une vingtaine d'années permettant de sélectionner des fragments d'anticorps, de modifier leur affinité ou, encore, de construire des anticorps plus spécifiques, voire bispécifiques. Des progrès similaires ont été réalisés dans l'élaboration des molécules chimères que sont les immunoconjugués, de sorte qu'en dépit de l'extraordinaire variabilité antigénique des tumeurs, de réels progrès ne devraient pas tarder à se dessiner en ce domaine. Parallèlement, de nouvelles stratégies ont vu le jour, comme celle liée au ciblage d'enzymes sur la tumeur. Ce protocole, dénommé Adept pour antibody-directed enzyme prodrug therapy, pourrait résoudre les problèmes liés à la charge en drogue des immunoconjugués puisque, dans ce mécanisme d'activation, c'est le turnover de l'enzyme ciblée qui sera l'élément clé de la libération du composé cytotoxique. Une fois libéré, ce dernier étant internalisé par diffusion passive, un autre écueil devrait être levé, celui de l'hétérogénéité antigénique. Un premier essai clinique a été réalisé voici déjà quelques années à partir d'un agent alkylant (une moutarde à l'azote) et d'un immunoconjugué constitué de la carboxypeptidase bactérienne G2 et d'un fragment de l'anticorps ACE. Bien que cet essai ait montré la validité du système, la nature bactérienne de l'enzyme et l'origine murine de l'anticorps ont conduit à de sévères réactions immunes, même après administration de ciclosporine. De tels problèmes devraient être maintenant évités grâce à la mise au point de protéines de fusion composées de fragment d'anticorps humanisé et d'enzyme d'origine humaine comme la beta-glucuronidase. Par ailleurs, des prodrogues susceptibles de générer les drogues correspondantes ayant une demi-vie de quelques secondes sont dorénavant disponibles. Tous ces récents développements devraient concourir au démarrage de nouveaux essais cliniques.