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ANALYSE D'ARTICLE

L’impact biologique de l’exposition : un élément essentiel pour l’exposome

La façon dont les expositions affectent la biologie et les réponses de l’organisme doivent être intégrées au concept d’exposome selon les auteurs de cet article. Les impacts biologiques des expositions constituent des empreintes d’expériences passées qui permettent de caractériser l’exposome. Surtout, ils lui confèrent toute son utilité en tant que cadre d’étude des relations entre expositions et maladies.

According to the authors of this article, the ways that exposures affect our biology and that our organism responds to them should be an integral part of the exposome. The biological impacts of exposures form a fingerprint of past experiences that characterize the exposome. In particular, they point to its value as a framework for studying the links between exposures and diseases.

Les impacts biologiques des expositions sont exclus du concept d’exposome strictement défini comme l’ensemble des expositions subies par un individu durant toute son existence. Mais ils en font partie intégrante si l’exposome est considéré pour sa contribution à la connaissance des causes des maladies.

Sous cet angle, l’intérêt se focalise sur les expositions pouvant entraîner des effets néfastes pour la santé, et ce n’est pas tant la présence d’une substance dans l’organisme qui préoccupe que les altérations biologiques qu’elle provoque ou a provoquées, la majorité des expositions étant transitoires pour les auteurs de cet article. Ces altérations peuvent être structurelles (mutations de l’ADN, adduits macromoléculaires, modifications épigénétiques, etc.), fonctionnelles (perturbation de voies enzymatiques, activation ou inhibition de récepteurs, etc.), de l’ordre du dommage oxydatif, ou autres. L’organisme y réagit en mettant en œuvre des processus homéostatiques de réparation, d’élimination ou d’adaptation destinés à conserver sa stabilité face au changement. La somme de l’effet biologique d’une exposition et de la réponse biologique qu’elle génère constitue son impact biologique.

Importance pour l’exposome

L’article présente plusieurs raisons d’intégrer les impacts biologiques des expositions au concept d’exposome. La première est que ces impacts sont essentiels à considérer pour identifier les expositions réellement significatives pour la santé de l’individu. De plus, ils contribuent au caractère dynamique de l’exposome : l’impact d’une exposition donnée, qui dépend du niveau de résilience de l’organisme et accroît sa charge allostatique (le coût cumulé de tous les processus correctifs mis en œuvre jusque là), modifie sa vulnérabilité aux expositions subséquentes, de sorte qu’expositions et impacts biologiques interagissent tout au long de l’existence.

Par ailleurs, l’impact biologique d’une exposition persiste souvent longtemps après que la substance qui l’a provoqué a disparu de l’organisme. Ce point représente un intérêt majeur pour le concept d’exposome, critiqué pour l’impossibilité de capturer un phénomène constamment évolutif, sauf à mesurer en continu toutes les expositions, ce qui est difficilement envisageable. Cette tâche n’est pas nécessaire si l’on considère que les expositions laissent des empreintes biologiques. L’exposome peut alors théoriquement se caractériser à un instant « T » par la somme de ces traces d’expositions passées et des substances et métabolites actuellement présents dans l’échantillon biologique analysé.

Enfin, l’impact biologique est le chaînon nécessaire pour connecter une exposition à la survenue d’une maladie. Les études épidémiologiques mettent en évidence des associations, mais pour établir un lien de causalité, le mécanisme sous-jacent doit être identifié. En intégrant les impacts biologiques à la recherche dans le domaine de l’exposome, celui-ci devient un cadre particulièrement intéressant pour examiner la plausibilité biologique des associations.

Que mesurer ?

Plusieurs types d’examens biologiques couramment pratiqués en clinique peuvent être utilisés pour mettre en évidence des perturbations dans divers milieux facilement accessibles (sang, plasma, salive, urines, selles, etc.). Le développement et l’accessibilité croissante des technologies « omiques » (génomique, épigénomique, transcriptomique, protéomique, adductomique, métabolomique) et des bases de données qu’elles génèrent permettent de déterminer le profil des réponses biologiques à une exposition. Une variété d’essais fonctionnels mesurant des indicateurs d’effets biologiques (cytotoxicité, apoptose, altération de la capacité de réparation de l’ADN, etc.) peuvent être utilisés dans des plateformes de criblage à haut débit. Face aux outils et moyens potentiellement utilisables pour explorer la relation entre une exposition particulière (ou une combinaison d’expositions) et une altération biologique, la difficulté est de déterminer l’approche la plus pertinente en termes de matrice à échantillonner et de méthode d’analyse à utiliser. Les auteurs appellent à l’établissement de critères de choix en ce sens, qui devront être périodiquement mis à jour en fonction des évolutions technologiques.

La stratégie peut être guidée par les connaissances relatives à la physiopathologie d’une maladie, orientant vers un mécanisme d’action ou une voie de toxicité particulière. L’impact d’une exposition doit être évalué dans cette perspective élargie de systèmes et de voies plutôt qu’en termes de cible biologique spécifique (ADN, récepteur, etc.). Les données biologiques nécessitent d’être confrontées à des données d’exposition (recueillies par questionnaires, fournies par la mesure de biomarqueurs, la biosurveillance, etc.) afin d’élucider le lien entre l’exposition et l’impact biologique. Si les effets ne sont pas considérés dans le même contexte que les expositions, il est difficile de déterminer la cause et l’effet.

L’un des intérêts de l’exposome est la possibilité d’accéder à des données d’exposition, biologiques et sanitaires, ce qui permet d’aller au delà de simples associations pour constituer des modèles plus complexes, qui incluent les composants biologiques importants pour comprendre le cheminement menant à un état pathologique. La construction de ces modèles s’appuira sur les approches à haut débit et nécessitera de développer des solutions bioinformatiques avancées, ainsi que des moyens d’archivage et de partage des données massives produites.


Publication analysée :

* Dennis K1, Auerbach S, Balshaw D, et al. The importance of the biological impact of exposure to the concept of the exposome. Environ Health Perspect 2016; 124: 1504-10.doi: 10.1289/EHP140

1 Department of Environmental Health, Rollins School of Public Health, Emory University, Atlanta, États-Unis.