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ANALYSE D'ARTICLE

Exposition maternelle à la pollution de l’air et infections respiratoires basses du nourrisson dans la cohorte MoBa

D’origine virale le plus souvent (virus respiratoire syncytial en particulier), les infections respiratoires basses (IRB) sont communes au cours de la petite enfance. Elles s’expriment cliniquement sous forme de bronchiolite, bronchite ou pneumonie, et l’inflammation des voies respiratoires de petit calibre peut provoquer une dyspnée respiratoire sifflante. Ce symptôme (wheezing) peut aussi être déclenché ou aggravé par des allergènes ou d’autres irritants respiratoires et constituer la première manifestation d’un asthme.

L’impact possible sur la santé respiratoire ultérieure des épisodes d’IRB et de wheezing de la petite enfance conduit à rechercher des facteurs favorisants évitables. De nombreuses études ont mis en évidence le rôle de l’exposition postnatale à la fumée de tabac, ainsi qu’à des niveaux de pollution de l’air excédant les recommandations internationales qui induisent une inflammation systémique de bas grade et un stress oxydant pouvant affecter le développement et la maturation des fonctions pulmonaire et immunitaire. L’hypothèse d’un effet de l’exposition in utero à la pollution atmosphérique sur la sensibilité du jeune système respiratoire aux infections et sa réactivité aux allergènes motive actuellement la recherche. Les résultats des études épidémiologiques menées jusqu’à présent sont discordants. La question a été explorée ici dans la Norwegian Mother and Child Cohort Study (MoBa), une vaste cohorte constituée entre 1999 et 2008 par le recrutement de 95 200 femmes enceintes de toutes les régions de Norvège.

Présentation de l’étude

La zone de l’étude a été limitée aux deux plus grandes villes du pays – Oslo et Bergen – et leurs comtés environnants – Akershus (encadrant Oslo à l’ouest et à l’est) et Hordaland (incluant Bergen) – qui rassemblaient 22 149 femmes incluses dans la cohorte. L’exclusion des participantes pour lesquelles la mesure de l’exposition n’était pas possible, ainsi que des naissances multiples ou non vivantes, a ramené la population à 17 533 participantes dont les enfants étaient nés entre 2001 et 2009. Respectivement 14 386 et 12 231 mères avaient retourné les questionnaires de suivi du développement et de l’état de santé du nourrisson adressés lorsqu’il avait 6 puis 18 mois. Les IRB (occurrence, nombre et éventuelle hospitalisation) étaient recueillies au deux temps : 4,5 % des enfants avaient eu au moins une IRB entre leur naissance et l’âge de 6 mois, puis 12 % entre 6 et 18 mois. Le questionnaire à 18 mois recueillait également la respiration sifflante et l’oppression thoracique : 40,6 % des enfants avaient présenté au moins un épisode de wheezing entre les âges de 6 et 18 mois.

La relation entre ces événements et l’exposition maternelle à la pollution atmosphérique a été examinée dans un modèle ajusté sur des covariables recueillies en cours de grossesse (questionnaire d’inclusion à 17-18 semaines d’aménorrhée et questionnaire suivant à 30 semaines) ou extraites du registre médical national des naissances : l’âge de la mère, son statut marital, son niveau d’études, son indice de masse corporelle de pré-grossesse, son tabagisme durant la grossesse, son statut atopique (allergies respiratoires ou cutanées, asthme), la parité, le sexe et l’année de naissance de l’enfant, ainsi que la région.

Le dioxyde d’azote (NO2) a été choisi comme marqueur de la pollution et l’exposition maternelle durant la grossesse a été estimée en référence à l’adresse de naissance selon la méthodologie développée pour le projet ESCAPE (European Study of Cohorts for Air Pollution Effects). Des modèles land-use regression (LUR) ont été construits pour Oslo, Akershus et Hordaland/Bergen tenant compte des spécificités locales (occupation des sols, densité résidentielle, type de paysage et informations du réseau routier : données 2013) et de mesures du NO2 en différents sites (14 à Oslo, 36 dans le comté d’Akershus et 46 pour la région d’Hordaland/Bergen) et moments de l’année (trois campagnes d’échantillonnage d’environ deux semaines en hiver, été et une saison intermédiaire). Le protocole de la MoBa ne prévoyant pas cette procédure, les mesures ont été réalisées postérieurement aux grossesses (en 2010 pour Oslo et Akershus et en 2011 pour Hordaland/Bergen). Une méthode de rétro-extrapolation a été employée pour retrouver l’exposition passée, tenant compte de l’évolution temporelle des niveaux de NO2 (sur la base des données des stations de surveillance de la qualité de l’air : comptes journaliers disponibles à partir de l’année 2000 pour Oslo et 2003 pour Bergen).

Pas de relation apparente entre l’exposition et les IRB

Le niveau d’exposition moyen durant la grossesse était de 13,6 ± 6,9 μg/m3, bien inférieur à la valeur limite dans l’Union européenne (40 μg/m3 en moyenne annuelle) qui n’était dépassée que pour 27 enfants. Les estimations par trimestre étaient étroitement corrélées à l’estimation pour la période entière de la grossesse (r allant de 0,73 à 0,85) qui a été retenue pour les analyses. Elles ne montrent aucune association statistiquement significative avec les événements considérés : les risques relatifs (RR) pour une augmentation de 10 μg/m3 du niveau du NO2 sont égaux à 0,99 (IC95 = 0,84-1,17) pour les IRB entre 0 et 6 mois, à 1,05 (0,94-1,16) pour les IRB entre 6 et 18 mois et à 1,02 (0,97-1,07) pour le wheezing entre 6 et 18 mois.

Des analyses séparées pour les quatre régions suggèrent un effet plus marqué (mais restant non significatif) de l’exposition à la pollution hors desgrandes villes. À titre d’exemple, le RR d’IRB entre 6 et 18 mois pour une augmentation de 10 μg/m3 du niveau du NO2 est égal à 1,04 (0,86-1,22) à Bergen versus 1,36 (0,88-2,03) dans le reste du comté du Hordaland. Les autres analyses exploratoires pratiquées (selon le sexe de l’enfant, la parité, la saison de naissance et l’atopie maternelle) n’apportent pas d’information particulière.

Deux analyses de sensibilité ont été réalisées pour tenir compte des faiblesses de l’évaluation de l’exposition : l’une excluant les participantes ayant déménagé en cours de grossesse (13,3 % de la population), l’autre restreinte aux grossesses qui se sont déroulées entre 2006 et 2008, au plus près des périodes de collecte des données pour la construction des modèles LUR. Elles ne modifient pas de façon notable les résultats obtenus dans la population totale.

 


Publication analysée :

* Madsen C1, Haberg SE, Magnus MC, et al. Pregnancy exposure to air pollution and early childhood respiratory health in the Norwegian Mother and Child Cohort Study (MoBa). BMJ Open 2017 ; 7(12) :e015796. doi : 10.1136/bmjopen-2016-015796

1 Department of Health & Inequality, Norwegian Institute of Public Health, Oslo, Norvège.