JLE

Pathologies

Allergies

Year Book 2017

Michel Thibaudon

Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA)

Télécharger le PDF de la synthèse

Les analyses d'articles sur le même
sujet :

Les autres synthèses de la rubrique :

Synthèse publiée le : 01/04/2017

Aérobiologie et environnement

Dans le domaine de l’influence de l’environnement sur les risques allergiques, l’année 2016 a été marquée à la fois par de multiples avancées des connaissances scientifiques et par la promulgation de nombreux textes législatifs ou réglementaires qui devraient largement influencer les pratiques aérobiologiques dans les années qui viennent.

 

Les pathologies allergiques liées à l’environnement sont, pour la plupart, dues aux particules biologiques de l’air, essentiellement pollens et spores fongiques1 en ce qui concerne l’air extérieur. L’aérobiologie, discipline qui se consacre notamment au dénombrement et à l’identification de ces particules, est une science pluridisciplinaire qui fait appel à la botanique, la mycologie, la phénologie2, la météorologie et à l’étude des phénomènes de dispersion, de transport et d’immission pouvant être à l’origine d’impacts variés, dont des impacts sanitaires.

Les articles retenus dans cette brève synthèse concernent aussi bien l’utilisation de la télédétection pour l’évaluation des surfaces couvertes par des espèces végétales allergisantes, que les effets de la pollution et/ou du changement climatique sur l’allergénicité des pollens ou des moisissures et sur leur impact sanitaire.

Bien que l’année ait vu la parution, sous forme de spécification technique, d’une norme traitant du recueil et de l’analyse des pollens et des spores fongiques par les méthodes traditionnelles [1], le point le plus marquant a sans doute été la publication des premières grandes études évaluant l’utilisation de méthodes alternatives pour la mesure des particules biologiques dans l’air. Il faut dire que de nombreux développements ont été réalisés ces dernières années pour tenter de compléter les informations précises obtenues avec les capteurs traditionnels de pollen par des informations en temps réel sur le risque allergique correspondant. Les systèmes alliant recueil et analyse d’images, très complexes, ne donnent pas vraiment satisfaction. Par contre, le bilan dressé des premières campagnes de validation du dispositif instrumental conçu par la société suisse Plair SA (PA-300), et testé ces dernières années par MétéoSuisse, se révèle prometteur [2]. La technique, fondée sur la diffusion laser et la fluorescence induite, permet de distinguer et de compter les particules biologiques, parmi toutes les particules recueillies. Après calibration avec des échantillons de pollen, il devrait être possible de discriminer sans intervention d’opérateur les différents taxons allergisants.

Dans un ordre d’idées voisin, un travail novateur réalisé au Royaume-Uni [3] s’est fixé comme objectif d’utiliser les images satellitaires pour estimer les variables phénologiques liées aux différentes phases du développement végétal, en particulier à la floraison et à la libération du pollen, de façon à obtenir une prévision des dates de démarrage et de pics de pollinisation. L’étude, réalisée sur le bouleau et les graminées en utilisant un index correspondant à la chlorophylle émise par les végétaux (MERIS Terres­trial Chlorophyl Index, MTCI), a débouché sur de très fortes corrélations avec les données fournies par les capteurs – ce qui devrait permettre à l’avenir d’utiliser cette méthode, parmi d’autres, pour fournir aux allergiques au pollen une information prévisionnelle bénéficiant d’une résolution spatiale très fine.

Une autre publication ouvrant de vastes perspectives traite des effets que peuvent avoir sur l’allergénicité des pollens divers paramètres environnementaux et microbiens, notamment la présence de bactéries et de moisissures [4]. L’étude, fondée sur des analyses ADN, a été réalisée sur des grains de pollen natifs issus de chatons de bouleau et d’inflorescences mâles de fléole des prés. Le résultat essentiel est qu’il existe une corrélation positive de ces microbiotes avec l’allergénicité du pollen, mesurée par Elisa3. En revanche, la pollution chimique, principalement par le dioxyde d’azote, réduit la diversité bactérienne et, par suite, l’allergénicité des grains de pollen de bouleau (mais pas de fléole) récoltés en zone urbaine.

Une étude récente issue du projet européen Atopica souligne l’impact du réchauffement planétaire sur l’augmentation de la prévalence des allergies [5]. Dans un scénario de changement climatique modéré, il est estimé que le nombre de sujets sensibilisés au pollen d’ambroisie fera plus que doubler en Europe d’ici aux années 2040-2060, passant de 33 à 77 millions d’individus. Non seulement la plante s’établirait sur des territoires qui lui étaient jusque-là défavorables (Balkans, Ukraine, nord de la France, Allemagne, sud du Royaume-Uni, etc.), mais les concentrations de pollen d’ambroisie dans l’air augmenteraient et la saison pollinique s’allongerait, le tout renforçant la sévérité des symptômes et faisant de l’ambroisie un enjeu de santé publique encore plus prégnant.

Au reste, si la problématique du pollen demeure prioritaire dans l’esprit des médecins et des allergiques, le rôle des moisissures atmosphériques prend une importance croissante. L’environnement extérieur contient en effet, en certains endroits et à certains moments, des concentrations très élevées de spores fongiques, dont certaines peuvent avoir un caractère allergisant, et d’autres un caractère infectieux ou toxique. Un excellent article a mis en évidence le rôle du changement climatique sur la capacité de production et la croissance des concentrations des spores des moisissures atmosphériques [6]. Les auteurs prédisent ainsi, pour les deux prochaines décennies, une augmentation sensible de la production de spores de la part des moisissures dites allergisantes et une plus grande diversité taxonomique.

Par ailleurs, l’année 2016 aura été riche en textes législatifs, règlementaires et informatifs quant aux allergies liées aux particules biologiques de l’environnement. En premier lieu, la loi de modernisation du système de santé, en date du 26 janvier, a modifié par son article 46 le Code de l’environnement. Le nouveau titre II de l’article L. 221-1 indique qu’« Afin de prévenir leurs effets sur la santé, une surveillance des pollens et des moisissures de l’air ambiant est coordonnée par des organismes désignés par arrêté des ministres chargés de l’environnement et de la santé ». De fait, à la suite à la promulgation de cette loi, les ministres concernés ont publié le 5 août un arrêté portant désignation des organismes chargés de coordonner cette surveillance. En outre, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a émis le 28 avril un avis relatif à l’information et aux recommandations à diffuser en vue de prévenir les risques sanitaires liés aux pollens allergisants. De plus, concernant les organismes nuisibles et envahis­sants, l’article 57 de la loi du 26 janvier a modifié le livre III de la première partie du Code de la santé publique et introduit un chapitre VIII intitulé Lutte contre les espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine ; un texte réglementaire d’application est en préparation. On notera encore que, le 13 juillet, le règlement d’exécution 2016/1141 de l’Union européenne a établi une liste de 37 espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union européenne, conformément au règlement (UE) 1143 /2014 du Parlement européen et du Conseil en date du 22 octobre 2014, relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes ; malheureusement des espèces allergisantes comme les ambroisies n’ont pas été inscrites sur cette liste.

Enfin, parmi les événements marquants de l’année, il convient de citer le 6e Symposium européen d’aérobiologie, organisé du 18 au 22 juillet 2016 à l’Université de Lyon 2 par l’European Aerobiology Society (EAS) en partenariat avec le Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA) et l’As­sociation française d’étude des ambroisies (AFEDA), avec plus de 160 participants provenant de 35 pays différents. Les principaux domaines ayant fait l’objet de communications orales et de posters concernent l’allergie, la phénologie, la modélisation, les nouvelles méthodes utilisant des capteurs en temps réel, l’ambroisie, etc.

Parmi les points forts, on peut retenir que les enjeux sanitaires de la surveillance aérobiologique nécessitent une communication envers le grand public, à la fois accessible et facilement compréhen­sible. Par ailleurs, il a été montré que la modélisation des concentrations de pollens dans l’air, en dépit de progrès évidents, souffre encore d’un certain nombre de limites liées soit à un maillage trop large, soit à une intégration insuffisante de la dispersion verticale des particules biologiques, soit à une prise en compte trop partielle de l’occupation des sols. Enfin, en ce qui concerne l’ambroisie, une part importante des débats a été consacrée à la lutte biologique à l’aide du petit coléoptère Ophraella communa : c’est seulement si l’on est en mesure de prouver qu’elle ne cause aucun dégât à d’autres plantes que cette chrysomèle pourra être introduite sur de nouveaux espaces et utilisée pour le biocontrôle de l’ambroisie ; dans le cas contraire, une délicate analyse du rapport bénéfices/risques s’imposera, susceptible de susciter bien des controverses tant les intérêts en jeu seront divergents. Le développement croissant de nouveaux types de capteurs en temps réel semble prometteur même si, à cette date, seuls les totaux pollens présentent une bonne corrélation avec les données des capteurs traditionnels ; par contre, la discrimination des différents taxons reste mauvaise ou inexistante.

Liens d’intérêt en rapport avec le texte publié : aucun

 

Notes

[1] La spore fongique est la cellule reproductrice des champignons en général et des moisissures en particulier.

[2] La phénologie est l’étude de l’apparition d’événements périodiques (annuels le plus souvent) dans le monde vivant, détermi­née avant tout par les caractéristiques biologiques de l’espèce considérée, mais influencée par les variations saisonnières du climat.

[3] Technique enzymatique.

 

Références
  1. The European Normalization committee. Ambient air - Sampling and analysis of airborne pollen grains and fungal spores for networks related to allergy - Volumetric Hirst method. CEN/TS 16868 : 2015, London : BSI, Technical Specification, 2016.
  2. Crouzy B, Stella M, Konzelmann T, et al. All-optical automatic pollen identification: Towards an operational system. Atmos Environ 2016 ; 140 : 202-12.
  3. Khwarahm NR, Dash J, Skjøth CA, et al. Mapping the birch and grass pollen seasons in the UK using satellite sensor time-series. Sci Total Environ 2017 ; 578 : 586-600.
  4. Obersteiner A, Gilles S, Frank U, et al. Pollen-associated microbiome correlates with pollution parameters and the allergenicity of pollen. PLoS ONE 2016; 11: e0149545.
  5. Lake IR, Jones NR, Agnew M, et al. Climate change and future pollen allergy in Europe. Environ Health Perspect 2017; 125 : 385-91.
  6. Sady’s M, Kennedy R, West JS. Potential impact of climate change on fungal distributions: analysis of 2 years of contrasting weather in the UK. Aerobiologia 2016; 32 : 127-37