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Quand « tri-thérapie » rime avec qualité de vie dans le cancer du col avancé, métastatique ou en rechute ! Volume 10, issue 1, Mai 2015

Figures



Penson et al. rapportent, dans un article paru récemment dans Lancet Oncology [1], le ressenti par les patientes elles-mêmes, d’un traitement effectué dans le cadre de l’essai GOG 0240, comportant une bi-chimiothérapie avec ou sans cisplatine, associée ou non au bevacizumab (bev). Le traitement était administré toutes les 3 semaines et poursuivi jusqu’à toxicité ou progression [2].

La prise en compte de la qualité de vie perçue par les patientes est indispensable dès lors que le bénéfice attendu d’un traitement est limité, ce qui est le cas dans la situation d’un cancer du col métastatique d’emblée ou secondairement ou persistant ; la médiane de survie attendue après une chimiothérapie est en effet de moins d’un an. L’ajout du bev à la chimiothérapie est susceptible de renforcer la toxicité attendue de la chimiothérapie seule, avec la survenue de troubles cardiovasculaires, rénaux et de fistules ou perforations digestives. Ces dernières sont particulièrement redoutées dans ces situations à risque : rechute pelvienne, antécédent de chirurgie avec ou sans radiothérapie chimio-sensibilisée ou non. Néanmoins, les complications urinaires et digestives peuvent survenir également spontanément du fait de l’évolution tumorale.

Outre l’évaluation médicale des effets secondaires et de l’efficacité de la chimiothérapie, le recueil du vécu des patientes permet une appréciation plus précise du bénéfice/risque des traitements à l’étude. Ainsi dans les situations les plus précaires, coupler le gain en survie sans progression et en survie globale avec l’évaluation des effets secondaires et de la qualité de vie des patientes devient indispensable à l’enregistrement de nouveaux médicaments.

Dans cette optique, les patientes incluses dans l’essai GOG 0240 ont été précisément sélectionnées (performance status 0/1, fonctions biologiques correctes, pathologies cardiovasculaires équilibrées, cicatrisation post-opératoire acquise, absence de fistule), traitées (possibilité d’administrer le cisplatine à J2 pour limiter la toxicité neurologique) et suivies (soutien nutritionnel, corrections de troubles biologiques, surveillance de la qualité de l’excrétion urinaire). Les évaluations tumorales chez les patientes non progressives étaient réalisées tous les 2 cycles de traitement.

Les outils d’évaluation [3], comportant les symptômes d’intérêt dans l’évolution du cancer du col, étaient les suivants :

- Le FACT-Cx ou Functional Assessment of Cancer Therapy-Cervix (Figure 1) centré sur le bien-être physique (7 items), le bien-être fonctionnel (7 items) et 15 items spécifiques au cancer du col.

- Le FACT/GOG- Neuro-toxicité 4 (4 items) (Figure 2) pour évaluer la neuro-toxicité périphérique sensitive susceptible de survenir étant donné les schémas de chimiothérapies utilisées.

Tous les items de ces échelles sont cotés de 0 (= pas du tout) à 4 (= beaucoup) et leur somme permet de calculer le FACT- Cx TOI ou Functional Assessment of Cancer Therapy-Cervix Trial OutcomeIndex et le FACT/GOG-Ntx4.

- La douleur avec un seul item (parmi les 23 items) du BPI ou Brief Pain Inventoryreprésenté par le chiffrage (échelle de 0 ou absente à 10 ou maximale) de la douleur la plus intense des dernières 24 heures.

Il a été défini 5 temps de recueil : initial (juste avant la randomisation pour attribution du cycle 1), cycles 2 et 5, ainsi que 6 et 9 mois après le cycle 1, et ce indépendamment de la progression ou non de la maladie.

D’avril 2009 à janvier 2012, 452 patientes ont été incluses dans l’étude et la qualité de vie de 390 d’entre elles a pu être analysée en comparant l’état initial à un des autres points prédéfinis. Ainsi au point « 9 mois », point d’évaluation intéressant pour des patientes ayant reçu un nombre de cycles médian de 6 (chimiothérapie seule) ou de 7 (en cas d’association chimiothérapie + bev), 63 % des patientes (193/307) se sont ré-évaluées. Il s’agit là d’une belle performance si on prend en compte la médiane de survie sans progression dans l’étude (5,9 mois dans le bras chimiothérapie seule versus 8,2 mois dans le bras chimiothérapie + bev). À noter qu’il n’a pas été retrouvé de différence de compliance dans l’évaluation de la qualité de vie selon les groupes de traitement.

Les analyses ont été très complètes et ne seront pas toutes détaillées ici. Les points à retenir sont les suivants :

- après ajustement pour le score initial, l’âge de la patiente, le performance status(PS) et l’attribution de bev, il n’y a pas de différence significative pour le FACT-Cx TOI selon la chimiothérapie reçue ;

- au fil des évaluations, le pourcentage de patientes signalant une neuro-toxicité augmente dans les deux groupes de chimiothérapie avec ou sans cisplatine. Les patientes qui ont reçu l’association chimiothérapie et bev déclarent moins de troubles neurologiques. Par ailleurs, quand il existe une neuro-toxicité, le score FACT/GOG-Nx n’est alors pas différent, que le bev soit ou non associé à la chimiothérapie ;

- après ajustement sur le score initial « BPI », les auteurs n’ont pas rapporté plus d’épisodes douloureux ou d’aggravation de ces épisodes lorsqu’ils étaient présents, quelle que soit la chimiothérapie reçue avec ou sans bev ;

- l’association entre les scores FACT-Cx TOI initiaux et la survie a été également explorée dans un modèle de Cox comportant leperformance status, le statut de la maladie (stade IVB initial/maladie persistante/rechute), les antécédents de traitement par radio-chimiothérapie concomitante et le bras de traitement. Pour la population globale, le score FACT-Cx TOI initial était significativement associé à la survie.

En conclusion, l’étude du GOG 0240 a montré une augmentation de la survie globale de 3,7 mois lorsque le bev était associé à une chimiothérapie, quelle que soit cette chimiothérapie, et ce sans dégradation de la qualité de vie selon les critères évalués par les patientes.

L’évaluation du score FACT-Cx TOI est un outil susceptible de permettre la sélection des patientes pour participer à un essai thérapeutique de nouvelles thérapies.

Ce schéma de traitement est devenu le nouveau standard aux États-Unis et le bevacizumab a été, dans cette indication, approuvé par la FDA. Nous sommes en France en attente de l’AMM. Pour reproduire ces résultats qui marquent une avancée notable dans le traitement du cancer du col, il ne faudra pas oublier les précautions prises dans cette étude, tant pour la sélection des patientes que pour leur surveillance et leur prise en charge.

Liens d’intérêts : L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.