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Hépato-Gastro & Oncologie Digestive

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Induction et traitement d’entretien de la rectocolite ulcérée par infliximab Volume 13, issue 2, Mars-Avril 2006

Authors
Service d’Hépatogastroentérologie CHU de Nantes et Inserm U539 Nantes
  • Page(s) : 144-6
  • Published in: 2006

Induction et traitement d’entretien de la rectocolite ulcérée par infliximab

Auteur(s) : Thierry Piche, Mathurin Flamant

Service d’Hépatogastroentérologie CHU de Nantes et Inserm U539 Nantes
Service d’Hépatogastroentérologie CHU de Nice et Inserm 539, Nantes

Rutgeerts P, Sandborn WJ, Feagan BG, Reinish W, Olson A, Johanns J, et al. Infliximab for induction and maintenance therapy for ulcerative colitis. N Engl J Med 2005 ; 353 : 2462-76.

La colite ulcérative est caractérisée par l’association d’ulcérations de la muqueuse, des rectorragies, de la diarrhée et des douleurs abdominales. Le traitement de cette affection repose essentiellement sur les 5-aminosalycilates, les corticostéroïdes, les immunossuppresseurs incluant les antimétabolites des purines et la ciclosporine [2]. La corticodépendance est un inconvénient majeur alors que la probabilité d’effectuer une colectomie dans les 5 ans après le diagnostic varie de 9 % chez les malades ayant une forme distale à 35 % chez ceux ayant une pancolite. Le risque cumulé d’observer une pouchite varie de 15,5 %, un an après la procédure, à 45,5 % 10 ans après. Ceci suggère l’importance de développer de nouveaux traitements. Le TNF alpha est une cytokine proinflammatoire déterminante qu’on retrouve à des taux élevés dans le sang, les biopsies coliques ou les selles de malades atteints de maladie de Crohn [3]. En revanche le rôle du TNF alpha dans la rectocolite est moins clair. L’infliximab est un anticorps monoclonal chimérique qui a une haute affinité pour lier le TNF alpha et neutraliser son activité biologique. Cet agent pharmacologique a fait la preuve de son efficacité pour induire et maintenir la rémission clinique et endoscopique, refermer durablement des fistules entéro-cutanées et favoriser les sevrages en stéroïdes chez les malades ayant une maladie de Crohn. En revanche, les données concernant l’efficacité de l’infliximab au cours de la rectocolite ont donné des résultats divergents [4-5]. Dans ce travail, les auteurs fournissent les données de l’étude ACT 1 et 2 concernant l’effet de l’infliximab administré pendant 30 semaines chez les malades ayant une rectocolite d’activité modérée à sévère. Chaque étude évaluait l’effet de l’infliximab chez 364 malades pour induire et maintenir en rémission la rectocolite. Malgré des traitements concomitants, les malades recevaient 5 ou 10 mg/kg d’infliximab par voie veineuse selon le protocole d’administration habituel à J0, puis 15 jours et 6 semaines plus tard, suivis de réadministrations tous les deux mois, pendant 46 semaines pour l’étude ACT 1 et 22 semaines pour l’étude ACT 2. Le suivi était respectivement de 54 et 30 semaines dans l’étude ACT 1 et ACT 2. La réponse était définie par une baisse d’au moins 30 % du score de Mayo sur au moins 3 paramètres avec une baisse concomitante du sous-score rectorragie ou un sous-score de rectorragie de 0 ou 1. Ce score prend en compte la fréquence des selles (0 normal, 3 selles = 5), les rectorragies (0 normal, 3 présence de sang systématique), les données endoscopiques (0 inactif, 3 ulcérations [sous-score de 0 à 3]), appréciation générale du praticien (0 normal, 3 maladie sévère). Dans la première étude (ACT 1), 69 % des malades qui recevaient 5 mg d’infliximab et 61 % des malades qui recevaient 10 mg d’infliximab avaient une réponse clinique à 2 mois contre seulement 37 % des malades traités par le placebo (p < 0,001). Dans l’étude ACT 2, 64 % des malades qui recevaient 5 mg d’infliximab et 69 % de ceux qui recevaient 10 mg avaient une réponse clinique à 2 mois contre seulement 29 % pour le placebo (p < 0,001) (figures 1 et 2). Dans les deux études, la meilleure réponse clinique était observée à la 30e semaine de traitement (p = 0,002). Ce travail de grande envergure montre que l’infliximab est un traitement efficace pour induire une rémission de la rectocolite d’activité modérée à sévère selon le protocole d’administration J 0, 2 et 6 semaines avec un maintien en rémission prolongé.
L’induction et la maintenance d’une réponse clinique associée à l’utilisation minimale de corticoïdes dans la prise en charge d’une rectocolite sont des objectifs essentiels, surtout chez les malades qui répondent peu ou pas aux stéroïdes ou aux immunosuppresseurs. Ces nouvelles données indiquent que l’infliximab est efficace malgré l’utilisation concomitante d’autres traitements conventionnels. Ces données prennent une dimension clinique particulière alors que les lésions tissulaires sont considérées comme des facteurs prédictifs importants dans la genèse des cancers sur rectocolite [6]. Il faut souligner que des malades inclus avaient une maladie active malgré les traitements conventionnels puisque 72 % recevaient des 5-aminosalycilates, 56 % des stéroïdes et 46 % des immunosuppresseurs. Chez les malades préalablement traités par corticoïdes, 22 % stoppaient la cortisone après 30 semaines d’infliximab chez 269 malades issus des deux études ou après la 54e semaine d’infliximab chez 143 malades de d’ACT 1. Compte tenu des effets délétères à long terme de la cortisone, ces résultats sont particulièrement intéressants. L’absence de différence significative entre les deux doses utilisées dans les différentes études plaide pour l’administration d’une posologie de 5 mg/kg. La survenue d’effets secondaires était similaire entre les trois groupes. Le nombre d’effets indésirables graves comme des réactions lupiques ou des complications neurologiques était légèrement plus élevé chez les malades traités par infliximab que chez les patients qui recevaient le placebo. Le cas de tuberculose et le décès lié à une plasmocytose qui ont été observés sous infliximab soulignent l’importance d’une vigilance accrue devant la survenue de tout signe en faveur d’une infection. Le design de ces études n’était pas conçu pour comparer la tolérance des traitements entre eux mais les événements indésirables répertoriés sont concordants avec les données issues d’études précédentes. Finalement, le risque de l’infliximab devrait être comparé à celui de la colectomie totale. En effet, la proctocolectomie totale avec anastomose iléoanale reste pour les malades une aventure qu’il convient de bien expliquer, du fait de ses deux temps opératoires et de sa morbidité. Les résultats à long terme et le suivi prolongé de cette intervention doivent maintenant être tempérés par les résultats fonctionnels parfois médiocres, le risque non négligeable de pouchite qui est estimé à environ 50 %, la révélation d’une maladie de Crohn voire de cancers sur le réservoir et un pourcentage non négligeable de stérilité postopératoire chez la femme [7]. Le développement d’anticorps dirigés contre l’infliximab était similaire aux données publiées dans la maladie de Crohn ; les malades qui développaient des anticorps étaient susceptibles d’avoir des réactions allergiques lors des perfusions, bien que les réactions observées aient été pour la plupart modérées. Ces données soulèvent aussi une question d’ordre physiopathologique puisque la rectocolite met en jeu une réponse immunitaire de type TH2 alors que la réponse TH1 est prédominante dans la maladie de Crohn suggérant que le TNF alpha ne « devrait » pas être un médiateur important dans la rectocolite. Il faudra maintenant comparer les résultats à long terme des traitements médicaux, incluant la ciclosporine à ceux de la chirurgie. Si une étude randomisée est nécessaire pour comparer la laparoscopie et la laparotomie, la proctocolectomie totale avec anastomose iléoanale sous laparoscopie semble apporter un bénéfice postopératoire sur la durée des hospitalisations et le retour à une alimentation normale ce qui réduirait la morbidité chirurgicale. Enfin, l’utilisation de critères clinicobiologiques voire évolutifs et des données endoscopiques permettent de reconnaître rapidement la survenue d’une rectocolite sévère et d’en apprécier la gravité. Si l’utilisation de l’infliximab se généralisait dans ces formes modérées voire sévères, le traitement relativement stéréotypé combinant l’évaluation de la corticothérapie et de la ciclosporine puis, de la chirurgie en cas d’échec pourrait être réévalué dans un avenir proche...

Références

1. Van Oudenhove L, Vandenberghe J, Geeraerts B, Vos R, Persoons P, Kindt S, et al. Influence on anxiety on gastric sensorimotor function in functional dyspepsia. (Abstract). Gastroenterology 2005 ; 128 : A-135.

2. Hanauer SB. Medical therapy for ulcerative colitis 2004. Gastroenterology 2004 ; 126 : 1582-92.

3. Braegger CP, Nicholls S, Murch SH, Stephens S, MacDonald TT. Tumour necrosis factor alpha in stool as a marker of intestinal inflammation. Lancet 1992 ; 339 : 89-91.

4. Sands BE, Blank MA, Patel K, van Deventer SJ. Long-term treatment of rectovaginal fistulas in Crohn’s disease : response to infliximab in the ACCENT II Study. Clin Gastroenterol Hepatol 2004 ; 2 : 912-20.

5. Sands BE, Tremaine WJ, Sandborn WJ, Rutgeerts PJ, Hanauer SB, Mayer L, et al. Infliximab in the treatment of severe, steroid-refractory ulcerative colitis : a pilot study. Inflamm Bowel Dis 2001 ; 7 : 83-8.

6. Rutter M, Saunders B, Wilkinson K, Rumbles S, Schofield G, Kamm M, et al. Severity of inflammation is a risk factor for colorectal neoplasia in ulcerative colitis. Gastroenterology 2004 ; 126 : 451-9.

7. Ording Olsen K, Juul S, Berndtsson I, Oresland T, Laurberg S. Ulcerative colitis : female fecundity before diagnosis, during disease, and after surgery compared with a population sample. Gastroenterology 2002 ; 122 : 15-9.

Figure 1. Proportion de malades ayant une réponse clinique (A), une rémission (B), une rémission endoscopique (C) à 8 semaines de traitement dans les études ACT 1 et 2.

 

Figure 2. Proportion de malades ayant une réponse clinique soutenue (A) et (B) dans les deux études ACT 1 et 2.