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Hépato-Gastro & Oncologie Digestive

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Functional dysphagia: Definition, diagnostic and management Volume 26, issue 7, Septembre 2019

Figures


  • Figure 1

  • Figure 2

  • Figure 3

  • Figure 4

  • Figure 5

  • Figure 6

  • Figure 7

  • Figure 8

Tables

Introduction

La dysphagie est un motif fréquent de consultation en gastro-entérologie. Les patients sont le plus souvent adressés au gastro-entérologue par le médecin généraliste, l’oto-rhino-laryngologiste ou encore le médecin interniste. La dysphagie peut être organique ou fonctionnelle. L’endoscopie œso-gastro-duodénale est l’examen complémentaire que le gastro-entérologue réalisera en première intention pour éliminer les causes organiques en particulier les néoplasies. Cette revue porte en priorité sur la définition de la dysphagie fonctionnelle, sa prise en charge diagnostique, qui repose essentiellement sur la manométrie œsophagienne haute résolution, et la thérapeutique. Cette prise en charge a été bouleversée par la diffusion de la myotomie endoscopique (per-oral endoscopic myotomy, POEM).

Recueillir les symptômes et s’orienter

Définition de la dysphagie

La dysphagie est une sensation de gêne ou d’obstacle à la descente des aliments survenant au cours de la déglutition. Elle peut se localiser de l’oropharynx jusqu’à l’épigastre. On distingue habituellement deux types de dysphagie : la dysphagie oro-pharyngée, caractérisée par des anomalies au cours des deux premières phases de la déglutition (buccale et pharyngée), et la dysphagie œsophagienne, correspondant à des anomalies de la progression du bol alimentaire au niveau du corps de l’œsophage ou du sphincter inférieur de l’œsophage. Le patient peut décrire un réel blocage avec la nécessité de se faire vomir pour être soulagé, ou une sensation de descente difficile ou parfois d’accrochage. Les diagnostics différentiels de la dysphagie sont l’odynophagie (douleur ressentie lors de la descente des aliments dans l’œsophage mais sans blocage), la sensation de striction cervicale, l’anorexie et la satiété précoce. L’interrogatoire doit préciser la localisation de la gêne, son ancienneté, le mode de début (brutal ou non) l’évolution, la fréquence. Il faut préciser si la dysphagie prédomine aux solides ou si elle existe également pour les liquides. Le patient peut également décrire la nécessité de boire une quantité importante d’eau pour faire passer les aliments (effet piston). Il est important de faire préciser au patient s’il a adapté son alimentation (mixée, moulinée, éviction de certains aliments) et la durée de son repas ; ces éléments pouvant témoigner de phénomènes d’évitement.

Évaluer le terrain et chercher les signes associés

L’interrogatoire doit recueillir les antécédents médicaux du patient en particulier une maladie de système, un diabète, une immunodépression, une ingestion volontaire ou accidentelle de substances caustiques, une affection maligne et les traitements proposés (radiothérapie cervico-thoracique par exemple). L’âge du malade doit également être pris en compte. Les antécédents chirurgicaux doivent bien sûr également être recueillis, notamment les chirurgies œsogastriques (Nissen, chirurgie bariatrique…). La consommation de boissons alcoolisées et un tabagisme actif ou passé doivent également être recueillis. Le traitement habituel doit être colligé mais aussi les traitements pris ponctuellement par le patient (anti-inflammatoires, tramadol, morphine et dérivés), parfois dans le cadre de l’automédication.

Il est important de chercher des signes associés à la dysphagie :

Régurgitations liquides et/ou alimentaires

Il faut bien préciser la fréquence de ces régurgitations et le délai de survenue après les repas. Les régurgitations peuvent être liées à un obstacle œsogastroduodénal mais aussi à un reflux gastro-œsophagien (RGO). Les régurgitations salivaires matinales (mousse blanche) ou la présence de résidus alimentaires sur l’oreiller au réveil peuvent être le reflet d’une mauvaise vidange œsophagienne.

Douleur thoracique

Il est important de préciser sa localisation exacte, sa durée, l’association avec une prise de repas ou l’ingestion d’un liquide, le caractère diurne ou nocturne. Toute douleur thoracique, même si elle est associée à une dysphagie ou un autre symptôme digestif, justifie un avis cardiologique avec la réalisation au minimum d’un électrocardiogramme voire d’une coronarographie si le patient a des facteurs de risque cardiovasculaires et/ou plus de cinquante ans. La douleur thoracique peut être associée à un épisode de blocage mais elle peut être aussi isolée et survenir en dehors de toute déglutition.

Signes de reflux gastro-œsophagien

Le pyrosis et les régurgitations acides doivent également être cherchés. Il est important de préciser si ces symptômes existaient avant l’apparition de la dysphagie ou s’ils sont apparus de façon concomitante. L’existence de ces symptômes peut nous orienter vers un RGO et expliquer une éventuelle dysphagie mais leur présence ne dispense pas de réaliser les examens complémentaires détaillés dans le prochain chapitre.

Altération de l’état général

Une anorexie et un amaigrissement sont à chercher. Il est important de préciser le poids de forme et le poids actuel mais aussi la cinétique de la perte de poids. L’altération l’état général est en signe d’alarme. Une perte de poids importante peut être le témoin d’une affection organique mais aussi d’une pathologie fonctionnelle.

Symptomatologie ORL et/ou respiratoire

La toux peut être un signe atypique de RGO. Les douleurs pharyngées lors de la déglutition doivent faire suspecter une affection maligne ; la nécessité de faire des déglutitions répétées ou d’expulser un aliment lors d’un effort de toux peut témoigner d’une rétention du bol alimentaire dans la région crico-pharyngée. L’hypersialorrhée peut également être le témoin d’un défaut de vidange oropharyngée. La dysphonie peut être le témoin d’un RGO mais aussi d’une maladie neurologique. Enfin, il est important de chercher des pneumopathies à répétition notamment chez les sujets âgés, pouvant témoigner de fausses routes ou encore de régurgitations liquides ou alimentaires nocturnes.

Symptomatologie pouvant faire évoquer une cause neurologique ou musculaire

Ces symptômes peuvent être des fausses routes alimentaires/salivaires ou la conséquence de ces fausses routes : régurgitations nasales, épisodes de toux lors de la déglutition, épisodes d’inhalation. D’autres symptômes peuvent être en rapport avec des troubles neuromusculaires comme la dysarthrie, la dysphonie, une voix nasonnée ou une faiblesse musculaire.

Évaluer le terrain, recueillir les antécédents, les traitements et les symptômes associés sont essentiels pour orienter la recherche des causes de la dysphagie

S’orienter vers une dysphagie oropharyngée

La dysphagie oropharyngée se traduit par une difficulté à initier la déglutition et à propulser le bol alimentaire dans l’œsophage. Le patient est capable de localiser cette gêne ou cette sensation de blocage dans la région cervicale. La localisation décrite par le patient n’est cependant pas pathognomonique de la dysphagie oropharyngée puisqu’il n’est pas inhabituel qu’un patient ayant une achalasie se plaigne d’une dysphagie dans la région cervicale. Les signes associés à la dysphagie oropharyngée peuvent être les fausses routes alimentaires, la dysarthrie, la dysphonie, la voix nasonnée ou la faiblesse musculaire. Le patient peut avoir des douleurs pharyngées ou encore des douleurs irradiant vers les oreilles. Cette dysphagie peut être d’origine ORL en lien avec une maladie oropharyngée organique ou fonctionnelle ou encore en lien avec une maladie neurologique. Les différentes causes des dysphagies oropharyngées sont détaillées dans le tableau 1.

En cas de suspicion de dysphagie oropharyngée, le patient doit être adressé vers un ORL ou neurologue en fonction de l’cause supposée. Il est important, si la suspicion d’une cause ORL ou neurologique est forte, de réitérer les évaluations et de demander une vidéoradiographie de la déglutition et/ou une exploration endoscopique de la déglutition par un ORL entraîné.

Si on suspecte une cause oropharyngée, il faut adresser le patient à un confrère ORL ou neurologue

S’orienter vers une dysphagie œsophagienne

La dysphagie œsophagienne se traduit par un trouble de la progression alimentaire au niveau du corps de l’œsophage ou du sphincter inférieur de l’œsophage. La dysphagie œsophagienne est ressentie classiquement comme une sensation de blocage ou une gêne à la progression du bol alimentaire dans la région rétrosternale ou épigastrique mais elle peut également être perçue comme une sensation de blocage dans la région cervicale.

On distingue la dysphagie d’origine organique de la dysphagie d’origine fonctionnelle. La dysphagie d’origine organique est souvent due à une obstruction de la lumière œsophagienne en raison d’une lésion intraluminale, d’une infiltration inflammatoire de la paroi œsophagiennes (œsophagite à éosinophiles par exemple), d’une compression extrinsèque, ou d’une sténose. La dysphagie d’origine fonctionnelle comprend les troubles de la motricité œsophagienne et les anomalies de la jonction œsogastrique.

Examens complémentaires qui permettent d’éliminer une cause organique

Quel que soit le terrain, l’âge du patient et la sémiologie de la dysphagie, la démarche diagnostique doit en premier temps comporter une endoscopie œsogastroduodénale à la recherche d’une cause organique à la dysphagie. La dysphagie d’origine organique prédomine classiquement sur les aliments solides, s’aggrave rapidement et est associée à une altération de l’état général souvent marquée. Elle peut être progressive en cas de sténose œsophagienne et parfois intermittente en cas d’anneau œsophagien. La localisation de la dysphagie décrite par le patient ne permet pas de préjuger du site exact de l’obstacle au niveau de l’œsophage. L’examen clinique est souvent peu contributif. Il permet essentiellement de chercher des signes de gravité en lien avec la dysphagie : perte de poids, signes de déshydratation, foyer infectieux pulmonaire. Il peut également être cherché des adénopathies dans la région cervicale et sus-claviculaire si on s’oriente vers une cause néoplasique.

L’endoscopie œsogastroduodénale a pour objectif de chercher une cause organique à la dysphagie. C’est l’examen de première intention et il doit obligatoirement être réalisé en cas de dysphagie. Cet examen permet de faire le diagnostic :

  • De tumeur endoluminale maligne ou bénigne. L’endoscopie permet de localiser la lésion, de préciser son extension, son caractère franchissable ou non et de réaliser des biopsies.
  • De sténose non tumorale : Ces sténoses peuvent être le plus souvent peptiques, caustiques ou en lien avec un corps étranger. L’endoscopie permet là encore de localiser la sténose ou son pôle supérieur, son caractère franchissable ou non et de faire des biopsies pour orienter la cause de cette sténose
  • D’œsophagite non sténosante : Le diagnostic d’œsophagite peptique ou candidosique est souvent simple en endoscopie. Il peut parfois s’agir d’œsophagite virale (cytomégalovirus ou Herpes simplex virus), médicamenteuse, post-radique ou en lien avec des maladies de système et les biopsies sont alors importantes
  • De diverticule ou d’anneau œsophagien : l’endoscopie oriente vers un diverticule de Zenker, un diverticule œsophagien ou encore vers un anneau de Schatzki.

En l’absence de lésion muqueuse ou de sténose visualisée en endoscopie, il est indispensable de réaliser des biopsies étagées de la muqueuse œsophagienne à la recherche d’une œsophagite à éosinophiles. En effet, cette entité peut être responsable d’épisodes de dysphagie. Le terrain habituel est l’homme jeune avec atopie présentant des épisodes de dysphagie intermittents avec parfois la nécessité d’extraction d’un corps étranger alimentaire. L’endoscopie peut mettre en évidence un aspect pseudo-trachéal, des dépôts blanchâtres, des sillons longitudinaux, une sténose ou être complètement normale et seules les biopsies étagées de la muqueuse œsophagienne pourront poser le diagnostic d’œsophagite à éosinophiles (figure 1). Ce diagnostic est histologique et nécessite la présence de plus de quinze éosinophiles par grand champ. La présence de signes associés peut favoriser le diagnostic différentiel avec le RGO (épaississement de la membrane basale, abcès à éosinophiles).

L’endoscopie œso-gastro-duodénale avec biopsies œsophagiennes étagées est l’examen de première intention à réaliser en cas de dysphagie

Le transit œso-gastro-duodénal (TOGD) peut être utile après l’endoscopie en cas de sténose non franchissable pour apprécier la longueur de la sténose, son caractère centré ou non, et évaluer le pôle inférieur de la sténose par rapport à la jonction œsogastrique. Ceci permet de guider la prise en charge thérapeutique. Cet examen peut également être utile en cas de diverticule œsophagien ou lorsque la manométrie œsophagienne est mise en défaut, par exemple si le passage de la jonction œsogastrique (JOG) n’est pas possible. La mise en évidence d’un aspect sténosé de la JOG en « queue de radis » et un retard de la vidange œsophagienne fait évoquer une achalasie.

Le scanner thoraco-abdominal et l’échoendoscopie œsogastrique ont pour objectifs de chercher une masse médiastinale ou un processus infiltrant de la jonction œsogastrique. Ces examens peuvent être demandés avant la manométrie œsophagienne mais aussi après, dans le cadre du bilan étiologique d’un œsophage marteau-piqueur, de spasmes œsophagiens, ou d’un défaut de relaxation de la JOG (cf. chapitre ci-dessous). Il faut savoir les demander devant un tableau d’achalasie, notamment si le patient a plus de 50 ans, une histoire récente et présente un amaigrissement important et rapide [1].

Place de la manométrie œsophagienne

Si l’endoscopie et les biopsies œsophagiennes ne permettent pas d’expliquer la dysphagie du patient, une manométrie œsophagienne à la recherche de troubles moteurs œsophagiens doit être proposée. Cet examen est le seul qui permet d’enregistrer les variations de pressions dans l’œsophage et de la JOG, reflétant l’activité motrice. L’enregistrement est réalisé à l’aide d’une sonde introduit dans l’œsophage par voie transnasale chez un patient à jeun (figure 2, tableau 2). La manométrie œsophagienne haute résolution a montré sa supériorité [2] par rapport à la manométrie conventionnelle et est devenue l’examen de référence pour le diagnostic des troubles moteurs œsophagiens(figure 3). Les autres indications de la manométrie œsophagienne sont la douleur thoracique à « coronaires saines » et le bilan préopératoire avant une chirurgie anti-reflux.

Les troubles moteurs œsophagiens sont définis, en manométrie œsophagienne haute résolution, et en l’absence d’antécédent de chirurgie œsogastrique, par la classification de Chicago[3]. À partir de cette classification, on distingue trois groupes de troubles de la motricité œsophagienne : les anomalies de la relaxation de la JOG (achalasie ou défaut isolé), les troubles majeurs et les troubles mineurs du péristaltisme œsophagien (figure 3). Les troubles mineurs isolés du péristaltisme œsophagien ne sont pas à eux seuls responsables de dysphagie et cet item ne sera pas abordé.

La manométrie œsophagienne haute résolution est l’examen de référence pour le diagnostic des troubles moteurs œsophagiens

L’achalasie

Le trouble moteur de l’œsophage le plus connu est l’achalasie. L’association d’un défaut de relaxation de la JOG et de l’absence d’ondes œsophagiennes propagées permet de poser le diagnostic d’achalasie. On peut ensuite différencier trois types d’achalasie : le type I (absence d’onde œsophagienne), le type II (au moins 20 % de pressurisation pan-œsophagienne) et le type III (au moins 20 % d’ondes prématurées ou de spasmes) (figure 4). Le type d’achalasie serait un facteur prédictif de réponse au traitement [4]. La dysphagie fait partie des symptômes permettant la découverte de l’achalasie mais d’autres symptômes peuvent être associés ou même dominant : la douleur thoracique, les régurgitations. Il est aussi important de chercher une perte de poids. Ces critères permettent de renseigner le score d’Eckardt[5](tableau 3), score permettant d’évaluer la sévérité des symptômes et la réponse au traitement. La perte de poids peut parfois être rapide et massive, faisant craindre une cause organique ou un syndrome paranéoplasique, motivant la réalisation ou la relecture d’examens morphologiques (scanner ou échoendoscopie). Dans certaines formes incomplètes ou atypiques (absence d’élévation de la pression résiduelle intégrée de la JOG), une sensibilisation de la manométrie haute résolution par l’utilisation d’un repas solide est possible [6]. Une nouvelle technique d’exploration œsophagienne a été proposée, l’EndoFLIP™ (Functional Lumen Imaging Probe). Cette méthode permet de mesurer la distensibilité de la JOG et de quantifier l’ouverture du sphincter (la manométrie quant à elle mesure la relaxation) [7]. Cette méthode permet également d’évaluer la distensibilité œsophagienne et la réponse péristaltique œsophagienne à la distension par un ballonnet placé dans l’œsophage. Elle pourrait être plus sensible que la manométrie pour le diagnostic de troubles de la motricité œsophagienne [8].

En cas de découverte d’une achalasie après 50 ans et/ou associées à une perte de poids importante et/ou une histoire récente, il faut savoir demander un scanner thoraco-abdominal ou une échoendoscopie œsogastrique

Les défauts isolés de relaxation de la jonction œsogastrique

Les défauts de relaxation de la JOG avec contractions œsophagiennes normales ou hypotoniques sont de cause variable. Ils peuvent correspondre à une forme débutante ou incomplète d’achalasie (variant), mais aussi à un processus infiltrant de la JOG comme une linite ou un adénocarcinome du cardia. Il peut alors être justifié de refaire l’endoscopie digestive avec un examen attentif de la JOG avec des biopsies et éventuellement une échoendoscopie associée. Le défaut de relaxation de la JOG peut aussi se voir en cas d’œsophagite à éosinophiles ou encore d’antécédent de chirurgie œsogastrique (chirurgie antireflux, chirurgie bariatrique). Cette anomalie peut parfois régresser chez certains patients.

Les troubles majeurs de la motricité œsophagienne

Les troubles majeurs de la motricité œsophagienne regroupent les spasmes œsophagiens, l’œsophage marteau-piqueur et l’absence de contraction. Pour poser le diagnostic de spasmes œsophagiens, il est nécessaire d’avoir au moins 20 % d’ondes prématurées, c’est-à-dire ayant une latence distale inférieure à 4,5 secondes (figure 5). Les spasmes œsophagiens peuvent être dus à la prise d’opiacés, à un obstacle de la JOG ou être idiopathiques. L’œsophage marteau-piqueur est un trouble moteur hypercontractile de l’œsophage. Il est défini par la présence d’au moins 20 % d’ondes hypercontractiles c’est-à-dire ayant une intégrale de contraction distale ≥ 8 000 mmHg.s.cm (figure 6). Les causes de l’œsophage marteau-piqueur sont multiples : obstacle de la JOG, œsophagite à éosinophiles, RGO, prise d’opiacés ou idiopathique. Cette anomalie peut parfois régresser spontanément chez certains patients [9]. Enfin, l’absence de contractions œsophagiennes sans défaut de relaxation de la JOG doit faire chercher une sclérodermie. Cette entité s’accompagne souvent d’une symptomatologie de RGO.

En cas de découverte d’un œsophage marteau-piqueur, de spasmes œsophagiens, d’un défaut de relaxation de la jonction œsogastrique, il faut savoir demander un scanner thoraco-abdominal ou une échoendoscopie œsogastrique

Prise en charge thérapeutique

Si le patient n’a pas spontanément adapté son alimentation, il est possible de lui donner quelques conseils simples : bien mastiquer les aliments, boire de l’eau pendant les repas, prendre des petites collations. Le plus souvent, le patient a de lui-même adapté son alimentation.

Méthodes thérapeutiques dans l’achalasie de l’œsophage

Les données sur le traitement de l’achalasie sont les plus nombreuses. Il n’existe pas de traitement étiologique de l’achalasie permettant de restaurer la motricité œsophagienne. Les traitements proposés dans l’achalasie sont dits palliatifs et ont pour objectif de diminuer l’obstacle fonctionnel de la JOG et permettre ainsi le passage des aliments. Plusieurs traitements sont disponibles : les traitements médicaux, les traitements endoscopiques et la chirurgie.

Le traitement médical a pour objectif de diminuer la pression de repos de la JOG en entraînant une relaxation de la fibre musculaire lisse œsophagienne. Cette diminution peut être obtenue en augmentant la biodisponibilité du monoxyde d’azote (par les dérivés nitrés ou le sildénafil) ou en diminuant l’entrée du calcium dans la cellule pour bloquer la contraction musculaire (antagonistes calciques). Quel que soit la molécule, l’efficacité de ces traitements est modeste et des effets secondaires comme les céphalées et l’hypotension sont possibles. Ces traitements sont ainsi recommandés chez les patients en très mauvais état général après échec de la toxine botulinique.

Les traitements endoscopiques sont l’injection de toxine botulinique dans le cardia, la dilatation pneumatique et la myotomie endoscopique (ou POEM).

Les injections de toxine botulinique sont réalisées dans le cardia, lors d’une endoscopie. Dans l’achalasie, il existe une atteinte des neurones inhibiteurs intrinsèques de l’œsophage. La toxine inhibe la libération d’acétylcholine au niveau du plexus myentérique. Elle agit donc surtout sur la voie excitatrice en inhibant la contraction permanente cholinergique et va restaurer la balance entre l’excitation et l’inhibition. Elle entraîne une inhibition modeste de la pression de la JOG mais parfois suffisante pour permettre la clairance œsophagienne. L’efficacité immédiate est bonne (80 %) mais la perte d’efficacité à moyen (50 % à 6 mois) et à long terme (30 %) rend nécessaire de répéter les injections [10]. Les complications sont rares mais parfois très graves comme la médiastinite [11]. Les indications sont donc très limitées.

La dilatation pneumatique peut se faire en une ou trois séances en fonction de la réponse au traitement. Lors de la première séance, on utilise un ballon de 30 mm ou de 35 mm chez l’adulte jeune. Le résultat symptomatique est évalué après chaque séance, préférentiellement en utilisant le score d’Eckardt (tableau 3). Un score inférieur à 3 est témoin de l’efficacité du traitement. En cas d’efficacité incomplète, la dilatation peut être répétée en augmentant progressivement la taille du ballon. Après une séquence (une à trois dilatations), les résultats sont bons à très bons. Cependant les récidives sont assez fréquentes (30 à 50 % au bout de cinq à six ans) et il est important de prévenir le patient. Dans la méta-analyse de Richter [12] évaluant 1 444 patients (24 études, suivi de 37 mois), l’efficacité est évaluée à 90 %. Des facteurs prédictifs de mauvaise réponse au traitement ont été identifiés : l’âge de moins de 40 ans, le traitement incomplet avec un ballon de 30 mm, le sexe masculin, le type d’achalasie (type III : 45 % de bons résultats) [4].

La POEM fait partie des options thérapeutiques récentes. Cette méthode a été mise au point chez le porc en 2007 et les premières publications chez l’homme datent de 2010 [13]. Depuis, cette technique a été rapidement développée et est proposée en première intention dans les centres experts. La première étape consiste à réaliser une dissection sous-muqueuse 10 à 15 cm au-dessus du cardia ; un tunnel est ensuite réalisé dans la sous-muqueuse au contact de la musculeuse et poursuivi quelques centimètres sur le versant gastrique. Dans la troisième phase, la myotomie est faite sur une longueur qui dépend du type de l’achalasie. Enfin, le tunnel est fermé par des clips (figure 7). Les premiers résultats sur 17 patients ont été confirmés par des études de plus de 500 patients puis par des méta-analyses. L’efficacité est très bonne puisque 90 à 98 % de bons résultats sont obtenus et 88,5 % à trois ans [14]. Les risques sont les plaies muqueuses mais aussi le RGO puisqu’il n’y a pas de montage antireflux comme dans la myotomie de Heller. Il existe un risque d’œsophagite post-POEM dont la fréquence augmente entre la première et la deuxième année, parfois asymptomatique et justifie un suivi endoscopique. Lorsqu’elle est cherchée, l’œsophagite est présente dans 23 % des cas [15]. En raison du manque de recul, il n’est pas encore possible d’évaluer le risque d’évolution vers une métaplasie de Barrett. Initialement cette méthode était réservée aux patients « faciles », c’est-à-dire d’âge moyen, naïfs et dont l’œsophage n’est pas dilaté ou sigmoïde. Actuellement, les indications sont étendues notamment à des patients âgés octogénaires [16], aux œsophages de type sigmoïde mais la dissection est alors plus complexe avec des plaies muqueuses plus fréquentes et cette indication est à réserver aux centres experts ; enfin, chez les patients ayant des traitements préalables, la dissection est plus lente mais sans effets secondaires supplémentaires [17].

La myotomie de Heller est le traitement chirurgical de l’achalasie. Cette myotomie est associée dans la majorité des centres à une hémivalve pour limiter le risque de reflux post-opératoire. L’efficacité de la méthode est démontrée et documentée avec des bons résultats à court et moyen terme chez 80 à 90 % des patients. Dans une méta-analyse de Richter [12] (1 487 patients, suivi de 32 mois), l’efficacité est de 87 %. L’efficacité est comparable à celle de la dilatation pneumatique. Les risques sont les plaies de muqueuses mais aussi à long terme le RGO.

Les traitements de l’achalasie les plus efficaces sont la dilatation pneumatique, la myotomie endoscopique ou POEM et la myotomie de Heller

Comparaison de l’efficacité des traitements proposés dans l’achalasie

Les méthodes dont l’efficacité à court et à long terme a été montrée sont les dilatations pneumatiques et la myotomie de Heller. La POEM a une efficacité démontrée à court et moyen terme mais cette méthode est trop récente pour en connaître l’efficacité à long terme.

L’efficacité de la dilatation pneumatique est supérieure à l’injection de toxine botulique dans le cardia [10] et est comparable à celle de la myotomie de Heller à un, deux et cinq ans [18]. Le coût de la dilatation est inférieur à celui de la myotomie de Heller mais la dilatation doit être répétée chez un quart des patients.

La POEM a une efficacité de 89 à 97 % des patients dans les séries de plus de 100 patients [19]. Une seule étude contrôlée a comparé l’efficacité de la POEM à la dilatation pneumatique (une seule séance), publiée sous forme de résumé : la POEM semble plus efficace (90 %) que la dilatation pneumatique (70 %). Les études ayant comparé l’efficacité de la POEM à celle de la myotomie de Heller sont plus nombreuses. Dans une méta-analyse récente [14] ayant comparé les données de 1 958 POEM de 21 études à celles de 7 834 Heller de 34 études, il est mis en évidence une légère supériorité de la POEM (93 % vs. 90 %) mais au prix d’un RGO plus important, notamment d’œsophagite, après POEM.

Adapter le traitement au type d’achalasie

Il est en effet important de bien caractériser le type d’achalasie selon la classification de Chicago pour proposer le traitement le plus efficace.

Pour les achalasies de type I et II, la dilatation pneumatique et la myotomie de Heller ont une efficacité comparable selon les essais randomisés contrôlés [19]. En cas d’œsophage dysmorphique (sigmoïde, dilaté), la POEM est plus difficile et doit être réalisée dans les centres experts. La POEM a une efficacité très élevée, supérieure à celle de la dilatation mais les données à long terme sont attendues.

Pour les achalasies de type III, la dilatation est moins efficace. Selon les recommandations de l’AGA, sous réserve que l’opérateur ait une expertise suffisante c’est-à-dire avoir réalisé plus de 20 POEM dans un centre expert, la POEM est le traitement de première intention de l’achalasie de type III [19]. L’avantage de la POEM est de pouvoir calibrer la longueur de la myotomie sur le segment spastique repéré en manométrie ou sur le segment épaissi repéré en échoendoscopie.

Méthodes thérapeutiques dans les autres troubles moteurs œsophagiens

Les défauts isolés de relaxation de la jonction œsogastrique

Le traitement des défauts de relaxation de la JOG est en premier lieu étiologique, notamment s’il s’agit d’un processus infiltrant. S’il s’agit d’un variant d’achalasie, les options thérapeutiques sont celles de l’achalasie de type I et II : dilatation pneumatique, myotomie endoscopique ou chirurgicale. Il n’existe aucune donnée dans la littérature ayant évalué spécifiquement les traitements des défauts de relaxation de la JOG.

Les troubles majeurs de la motricité œsophagienne

Le traitement des spasmes œsophagiens et l’œsophage marteau-piqueur est en premier lieu étiologique si ces anomalies sont secondaires (comme le RGO par exemple [9]). Si ces troubles sont idiopathiques, l’objectif des traitements sera de diminuer l’activité contractile de l’œsophage. Des traitements médicamenteux ou endoscopiques peuvent être proposés. Les dérivés nitrés, le sildénafil et les inhibiteurs calciques peuvent réduire l’activité contractile de l’œsophage, selon les mêmes mécanismes que décrit ci-dessus. Les traitements médicamenteux sont souvent peu efficaces et peuvent être utilisés si les symptômes sont peu fréquents et ont peu de retentissement (poids stable ou perte de poids faible). Les traitements endoscopiques peuvent être l’injection de toxine botulique étagée dans l’œsophage ou la myotomie. L’injection de toxine botulique dans le corps est efficace sur les symptômes [20] contre placebo, mais son efficacité est transitoire et les complications peuvent être graves (médiastinite). La POEM fait partie des nouvelles options thérapeutiques des spasmes œsophagiens et l’œsophage marteau-piqueur mais les études sont encore peu nombreuses, de faible effectif et avec un recul insuffisant (moins d’un an) [19, 21]. L’évolution parfois spontanément favorable des symptômes chez certains patients incite à la prudence pour les traitements invasifs [9].

Dans le cas particulier de l’absence de contractions de l’œsophage, la symptomatologie est plus fréquemment celle du RGO que la dysphagie. Le traitement repose sur l’cause de cette anomalie (sclérodermie, diabète…). Le traitement du RGO est essentiel et repose sur la prescription d’inhibiteurs de la pompe à protons qui peuvent être associé à des antiacides, des alginates ou des prokinétiques. Il n’existe à ce jour aucun traitement permettant de restaurer la motricité œsophagienne.

La myotomie endoscopique est un traitement efficace dans l’achalasie et les troubles majeurs de la motricité œsophagienne

Conclusion

La dysphagie est fonctionnelle s’il n’est pas mis en évidence une cause organique lors de l’endoscopie œsogastrique et les biopsies œsophagiennes. La dysphagie d’origine fonctionnelle comprend les troubles de la motricité œsophagienne et les anomalies de la jonction œsogastrique. La manométrie œsophagienne haute résolution est actuellement l’examen de référence pour diagnostiquer ces anomalies. Il est important de demander un scanner thoraco-abdominal ou une échoendoscopie œsogastrique pour éliminer une néoplasie dans certains cas. Un algorithme de prise en charge diagnostique et thérapeutique est proposé sur la figure 8.

Take home messages

  • L’endoscopie œso-gastro-duodénale avec biopsies œsophagiennes étagées est l’examen de première intention à réaliser en cas de dysphagie.
  • La manométrie œsophagienne haute résolution est l’examen de référence pour le diagnostic des troubles moteurs œsophagiens.
  • En cas de découverte d’une achalasie après 50 ans et/ou une perte de poids importante, il faut savoir demander un scanner thoraco-abdominal ou une échoendoscopie.
  • Les traitements de l’achalasie sont la dilatation pneumatique, la myotomie endoscopique et la myotomie de Heller. La myotomie endoscopique est efficace dans l’achalasie et les troubles majeurs spastiques de la motricité œsophagienne.

Liens d’intérêts

les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

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