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Environnement, Risques & Santé

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Assessment of risk factors for interstitial lung disease in patients’ dwellings in Paris Volume 18, issue 4, July-August 2019

Figures


  • Figure 1

  • Figure 2

Les conseillers médicaux en environnement intérieur (CMEI) du Service parisien de santé environnementale (SPSE) se rendent gratuitement, sur prescription médicale, au domicile de patients résidant à Paris et atteints de pathologies d’origine allergique, irritative ou infectieuse. Une stratégie de prélèvements est définie selon la pathologie et des analyses microbiologiques, chimiques, ainsi que la mesure des paramètres d’ambiance peuvent être effectuées au domicile du patient [1]. Un questionnaire est également administré sur site par le CMEI. L’intérêt de l’intervention des CMEI a déjà été décrit, notamment pour la prise en charge des pathologies comme l’asthme [2, 3] et les allergies [4].

Les pneumopathies interstitielles diffuses (PID) constituent un groupe hétérogène de pathologies rares pouvant évoluer vers l’insuffisance respiratoire [5]. Elles ont comme point commun une atteinte de l’interstitium pulmonaire de nature inflammatoire voire fibreuse. Leur prévalence a été estimée à 97,9/100 000 en France [6].

Certaines PID sont caractérisées par leur caractère secondaire à une exposition environnementale, comme les pneumopathies d’hypersensibilité (PHS), tandis que d’autres sont décrites comme pouvant être favorisées ou aggravées par une exposition environnementale ; il s’agit notamment des PID auto-immunes et des PID idiopathiques telles que les pneumopathies interstitielles non spécifiques (PINS) ou les fibroses pulmonaires idiopathiques (FPI).

Si le rôle de l’environnement est reconnu comme majeur dans le sous-groupe des PHS, il n’est que suspecté pour les autres PID.

L’objectif de cette étude est d’analyser les données recueillies par les CMEI du SPSE au cours des audits environnementaux en recherchant des liens entre les facteurs de risque identifiés dans l’habitat de ces patients et leur pathologie, en particulier les PID.

Méthodes

Les données de 122 patients audités de 2011 à 2017 ont été analysées.

Les données sont en partie issues des questionnaires d’enquête remplis par le CMEI pendant l’audit de l’habitat du patient. Les informations collectées concernent aussi bien le patient et les personnes vivant dans le même logement (temporalité des symptômes, habitudes et mode de vie, etc.), que les éléments du bâti (ventilation, présence de ponts thermiques, humidité, etc.) et les sources d’exposition potentielles (allergènes, moisissures, etc.).

Une autre partie des données provient des prélèvements effectués dans l’environnement domestique. Selon la pathologie du patient et les premiers éléments recueillis par téléphone avant l’audit sur site, une stratégie d’échantillonnage est prédéterminée et peut être ajustée sur site si nécessaire. Selon les sources de polluants intérieurs suspectées, les analyses suivantes peuvent être effectuées :

  • analyses biologiques et microbiologiques (essentiellement allergènes domestiques ou fongiques) : prélèvements de surfaces, prélèvements de poussière (sol, matelas et autres réservoirs textiles), prélèvements d’air (les résultats obtenus pour l’air intérieur sont comparés à ceux obtenus dans l’air extérieur à proximité du logement, comme par exemple le balcon, la cour de l’immeuble) [7] ;
  • analyses des paramètres d’ambiance : hygrométrie, température, mesure du dioxyde de carbone (CO2) pour évaluer le confinement ;
  • analyses chimiques : dioxyde d’azote (NO2), composés organiques volatils (COV), formaldéhyde, etc.

Une étude exploratoire cas-témoins a été effectuée à partir de ces données. Le groupe cas est composé de l’ensemble des patients atteints de PID audités par le SPSE entre 2011 et 2017 (47 patients). La répartition des différents types de PID des patients inclus dans l’étude est détaillée dans la figure 1. Le groupe témoin est constitué des 75 patients audités au cours de la période d’étude et répondant aux deux critères suivants : ils n’étaient pas atteints de pathologies pulmonaires (principalement des pathologies ORL ou dermatologiques) et les facteurs étudiés dans le logement étaient identiques à ceux du groupe PID.

Les prescriptions provenaient principalement de médecins spécialistes exerçant dans des centres hospitalo-universitaires (CHU) : Tenon (23 patients), Bichat (sept patients), Saint-Louis (six patients), Hôpital européen Georges Pompidou (quatre patients), Hôtel-Dieu-Cochin (deux patients), Avicenne (un patient), Ambroise Paré (un patient) ; et hôpitaux : Foch (deux patients), Marne-la-Vallée (un patient).

Des analyses statistiques univariées ont été conduites avec le logiciel Excel pour l’étude des liens entre le diagnostic de PID et les variables renseignées par ailleurs.

Résultats

Les facteurs testés sont représentés graphiquement dans la figure 2. L’association avec les polluants chimiques n’a pas pu être recherchée en raison d’un nombre de données insuffisant. Les facteurs suivants sont statistiquement associés au diagnostic de PID chez les patients : présence de plantes dans le logement (OR = 4,14 ; IC 95 % = [1,45 ; 11,81]), présence de pigeons à proximité du logement (présence récurrente de volatiles ou fientes visibles sur les rebords de fenêtres) (OR = 3,9 ; IC 95 % = [1,56 ; 9,76]), présence majoritaire de Penicillium spp dans les prélèvements d’air, de poussière ou de surface effectués dans les logements (OR = 3,33 ; IC 95 % = [1,41 ; 7,88]), et occupation du logement de longue durée (> 10 ans) (OR = 3,06 ; IC 95 % = [1,34 ; 6,98]).

Les liens entre diagnostic de PID et d’autres facteurs ont été étudiés sans mise en évidence de corrélation significative : présence d’animaux domestiques (OR = 0,41 ; IC 95 % = [0,1 ; 1,61]), température maximale enregistrée ≥ 22 ̊C (OR = 0,72 ; IC 95 % = [0,31 ; 1,65]), hygrométrie maximale ≥ 60 % (OR = 0,63 ; IC 95 % = [0,26 ; 1,53]), présence d’autres espèces majoritairement retrouvées dans les prélèvements tels que Alternia alternata (OR = 2,33 ; IC 95 % = [0,3 ; 25,45]), Aspergillus fumigatus (OR = 3,42 ; IC 95 % = [0,34 ; 34,11]), Aspergillus versicolor (OR = 1,01 ; IC 95 % = [0,41 ; 2,46]), Chaetonium (OR = 0,96 ; IC 95 % = [0,34 ; 2,74]), Cladosporium spp (OR = 0,45 ; IC 95 % = [0,17 ; 1,16]), et Ulocladium spp (OR = 1,11 ; IC 95 % = [0,4 ; 3,09]).

La présence de moisissures apparentes dans le logement était, quant à elle, corrélée négativement avec le diagnostic de PID (OR = 0,39 ; IC 95 % = [0,18 ; 0,84]).

Discussion

L’audit d’un CMEI n’étant effectué que pour des pathologies avérées, il n’a pas été possible de constituer un groupe de témoins asymptomatiques. Les critères d’inclusion des témoins ont donc été l’atteinte extra-pulmonaire et la disponibilité de données sur les facteurs du logement identiques à celles du groupe PID.

En cas de PID, un audit environnemental est généralement déclenché par les médecins demandeurs lorsque l’environnement domestique est suspecté pour son influence négative sur la pathologie en induisant des épisodes d’exacerbation, voire comme facteur déclencheur de la pathologie. Dans ce cas, ce ne sont pas les moisissures qui sont particulièrement ciblées mais l’environnement intérieur dans son ensemble. Pour les pathologies extra-pulmonaires, la seule présence de moisissures peut être un élément déclencheur d’audit, introduisant probablement un biais notamment dans la corrélation inverse trouvée entre moisissures apparentes et diagnostic de PID. Ceci n’a pas pu être vérifié à partir du formulaire de demande d’intervention qui ne renseigne pas la présence ou non de moisissures dans le logement.

Il serait nécessaire de confirmer ces résultats dans une étude prospective ou dans une étude cas-témoins où seraient comparés les patients à des témoins atteints d’une autre pathologie respiratoire, d’une part, ou d’une pathologie non respiratoire, d’autre part, après appariement a minima sur le sexe et l’âge. De plus, afin d’explorer l’existence d’une corrélation entre moisissures et PID, cette étude devra s’affranchir du biais lié au déclenchement d’un audit environnemental lorsque les occupants déclarent la présence de moisissures dans le logement.

Conclusion

Cette étude, portant sur un domaine peu exploré jusqu’à présent, oriente vers des expositions domestiques dont le rôle en tant que facteurs de risque de survenue ou d’aggravation de PID mériterait d’être approfondi. Dans tous les cas, l’enquête réalisée par le CMEI permet d’identifier des facteurs de risque présents dans l’habitat susceptibles d’affecter la santé des occupants (en général) et de préconiser des mesures d’éviction.

Remerciements et autres mentions

Financement : ville de Paris ; liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt.

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