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Environnement, Risques & Santé

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Contamination by selected trace elements in groundwater in Azzaba, in Algeria. Population-based health risk assessment Volume 17, issue 3, May-June 2018

Figures


  • Figure 1

  • Figure 2

  • Figure 3

  • Figure 4

  • Figure 5

  • Figure 6

  • Figure 7

  • Figure 8

  • Figure 9

  • Figure 10

Tables

La région d’étude, Azzaba, est située au nord-est de l’Algérie, à 30 km de Skikda et 60 km d’Annaba. Les différents indices minéralisés qui affleurent dans la région sont classés en polymétalliques (plomb [Pb], zinc [Zn], cuivre [Cu]) et mercuro-polymétalliques (mercure [Hg], Pb, Zn, Cu) [1-3].

La zone d’étude est caractérisée par deux nappes aquifères. La nappe phréatique Oligocène et la nappe profonde Paléocène-Éocène. Les deux nappes sont séparées par les roches imperméables du Paléozoïque et du Lutétien-Priabonien représentant la minéralisation mercurielle de cinabre (HgS) [3].

Dans la région d’étude se localise l’usine qui avait pour activité la production de mercure, utilisait comme matière première du cinabre (HgS) et en consommait 65 000 t/an. Jusqu’à 2008, la production du mercure était de 20 000 potiches/an.

Les études antérieures dans la région d’étude ont montré que les opérations de concassage et de brûlage, rentrant dans le cycle de production de l’usine, ont entraîné la contamination de l’atmosphère, exposant ainsi le personnel de l’usine et toute la population avoisinante à des risques d’intoxication par le Hg [3].

L’analyse en composante principale (ACP) a permis de définir des zones de contamination homogènes. Le logiciel RISC 4 a été utilisé pour estimer le risque santé des polluants sur la population de la région d’étude.

Méthodologie

La campagne de prélèvements et d’analyses a concerné les deux nappes aquifères de la région d’étude. Au total, neuf forages et deux sources ont été analysées pour identifier les éléments majeurs cations et anions (calcium [Ca2+], magnésium [Mg2+], sodium [Na+], potassium [K+], bicarbonate [HCO3-], chlorure [Cl-], sulfate [SO42-]) et les éléments traces métalliques sous la forme inorganiques, à savoir le Hg, le Pb et l’arsenic (As) (tableau 1). Les analyses ont été effectuées au niveau du laboratoire du Complexe pétrochimique de Skikda (Algérie) en 2008.

Les chlorures ont été déterminés par la méthode de Mohr [4] et les sulfates par lecture de l’absorbance à λ = 420 nm pour une suspension obtenue par réaction des sulfates avec le chlorure de baryum. Le sodium et le potassium ont été dosés par photométrie à émission de flamme [5].

La détermination du Hg inorganique s’est effectuée en deux étapes. La première a consisté à oxyder toutes les formes de Hg à l’état bivalent à l’aide d’une digestion acide en Hg élémentaire. Le Hg a été extrait par barbotage d’air sec dans la solution. Le mélange gazeux a ensuite été acheminé vers la cellule du spectrophotomètre d’absorption atomique sans flamme [6]. La concentration de l’échantillon a été déterminée par comparaison entre les absorbances respectives de l’échantillon et les solutions étalons [6].

Le Pb et l’As ont été déterminés par la spectrophotométrie à absorption atomique [7].

Les points de prélèvements et les résultats des analyses des éléments traces métalliques sont représentés dans la figure 1 et le tableau 1.

Résultats et discussions

Faciès chimiques

La représentation des analyses sur le diagramme de Piper (figure 2) fait ressortir trois faciès chimiques : le bicarbonaté calcique, le sulfaté calcique et le chloruré magnésien [5].

Le faciès chimique dominant, le bicarbonaté calcique, s’explique conformément au réservoir du Paléocène-Éocène constitué de calcaires caverneux et fissurés et de grès calcaires du Paléocène [4].

Éléments traces métalliques

Les résultats des analyses des éléments traces métalliques montrent des valeurs élevées en Hg, Pb et As. Pour le Hg, les valeurs excessivement élevées de l’ordre de 80 μg/l sont localisées dans les forages captant la nappe Oligocène (figure 3). Pour le Pb et le As, les valeurs varient respectivement entre 60 et 80 μg/l, et 3 et 30 μg/l. Ces valeurs sont très élevées conformément aux normes établies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour le Hg, le Pb et l’As dans les eaux souterraines, qui sont respectivement de 1, 50 et 10 μg/l [8] (figure 4).

Application de l’ACP

L’ACP a concerné 11 puits et sources analysés et 13 variables (pH, résidu sec, titre hydrotimétrique, Ca2+, Mg2+, Na+, K+, HCO3-, Cl-, SO42-, Hg, Pb, et As). Le coefficient de corrélation le plus élevé des éléments traces métalliques est celui du Hg-Pb (0,878).

L’inertie cumulée du cercle de corrélation F1-F2 est de 57,5 % traduisant ainsi le maximum de l’information. L’axe F1 avec une fréquence de 37,70 % regroupe les éléments (variables analysées) responsables des faciès chimiques et met en évidence le Hg et le Pb qui sont bien corrélés ; il est considéré comme un axe de pollution (figure 5) [9, 10]. La projection des individus (forages et sources) dans le plan F1-F2 montre que l’axe F1 regroupe les éléments présentant le même faciès chimique et regroupe dans un nuage de points les individus présentant les teneurs élevées en Hg et en Pb (figure 6).

Indice de risque

La notion de risque fait appel à celle de nuisance. Une nuisance est tout ce qui fait du tort, qui agresse et qui perturbe. C’est un produit ou un phénomène susceptible d’agresser l’homme et la nature en général (la flore et la faune) et d’altérer leur équilibre.

L’évaluation du risque santé sur la population a été réalisée par le logiciel RISC 4. L’étude des risques est basée sur la définition des risques d’exposition et l’estimation de la dose journalière d’exposition (DJE) [11]. Après l’estimation des concentrations des éléments traces métalliques dans les eaux souterraines, l’analyse des risques s’appuie sur l’estimation des doses d’exposition des individus vis-à-vis de ces métaux lourds. La DJE est la dose de substance reçue par l’organisme rapporté au poids de l’individu et au nombre des jours d’exposition. Elle a pour but de définir une quantité de polluant administrée, exprimée en mg/kg/j [11-13]. Le calcul de la DJE pour les différents scénarios se déroule toujours en appliquant des équations adaptées pour chacune des voies d’exposition. Les équations se présentent de la manière suivante :

DJE=C×Q×Fsp×De×FeP×t

Avec :

DJE : dose journalière d’exposition (mg/kg/j) ; C : concentration dans le milieu d’exposition (mg/kg) ; Q : quantité ingérée (kg) ; Fsp : facteur d’absorption ; De : durée d’exposition (années) ; Fe : fréquence d’exposition (j/an) ; P : poids de l’individu (kg) ; t : période de temps sur laquelle l’exposition est moyennée (j) [11-13].

La dose journalière acceptable présente la quantité de substance chimique que peut ingérer un homme par jour au cours de sa vie sans aucun risque appréciable pour sa santé. Le calcul de la DJE pour les différents scénarios se déroule toujours en appliquant des équations adaptées pour chacune des voies d’exposition [11-13].

L’estimation du risque non cancérigène est exprimée par le rapport entre la DJE et la dose journalière acceptable (DJA). Le rapport est appelé indice de risque (IR) :

IR=DJE/DJA

Si « IR » est inférieur à 1, alors le risque toxique est considéré comme acceptable [12].

Pour le calcul de l’indice de risque, nous avons pris en considération la valeur maximale des éléments traces métalliques analysés dans les eaux souterraines de la région d’étude. Pour la valeur retenue de la DJA, nous avons pris en considération la valeur limite tolérée pour chaque élément.

L’indice de risque pour le Hg est significatif (supérieur à 1), surtout pour les enfants. Le Pb présente un indice de risque acceptable aussi bien pour les enfants que pour les adultes (figures 7 et 8).

L’As présente un indice de risque inacceptable (supérieur à 1), aussi bien pour les adultes que les enfants de la région d’étude (figure 9).

Estimation du risque cancérigène

Le risque cancérigène est estimé par la notion d’excès de risque individuel (ERI) qui est obtenu par la multiplication de la DJE par l’excès de risque unitaire (ERU) ; soit une probabilité d’attraper un cancer de 1 sur 1 million comme niveau de risque certainement acceptable [11]. Si la valeur atteint 10-4, le risque sera considéré comme inacceptable en termes de santé publique [11, 12].

Le risque cancérigène de l’As est inacceptable pour les enfants et d’une façon moindre pour les adultes de la région d’étude (figure 10).

Conclusion

Les valeurs élevées en Hg dans les eaux analysées, jusqu’à 80 μg/l sont retrouvées dans les eaux des puits captant la nappe Oligocène, alors que les eaux de la nappe profonde Paléocène-Éocène présentent des teneurs en Hg relativement faibles (< 7 μg/l). Les teneurs en Hg retrouvées dans les eaux souterraines de la région sont très élevées et dépassent la norme établie par l’OMS de 1μg/l, témoignant ainsi de la contamination de la nappe phréatique Oligocène. Les valeurs excessives en Hg dans les eaux souterraines sont très probablement le résultat de la contamination par les rejets hydriques de l’usine de mercure [3].

Il est important de souligner qu’en plus de la pollution hydrique générée par le complexe mercuriel, il existe aussi une pollution atmosphérique témoignée par la contamination en mercure des deux points de prélèvements situés en amont de la source de pollution, aussi bien pour les eaux que pour les sédiments [3, 10].

L’étude des risques qui se base sur la définition des risques d’exposition et l’estimation de la DJE, par le biais du logiciel RISC 4, a montré que l’indice de risque du Pb est acceptable. Pour le Hg, l’indice de risque est significatif et inacceptable (supérieur à 1), surtout pour les enfants. L’As présente un indice de risque inacceptable, aussi bien pour les adultes que les enfants de la région d’étude. Le risque cancérigène de l’As est inacceptable pour les enfants de la région d’étude.

Remerciements et autres mentions

Nous exprimons nos remerciements aux responsables de l’Office de recherche géologique et minière, Division est Tébessa qui n’ont pas hésité à mettre à notre disposition toutes les données géologiques et hydrogéologiques de la région.

Nos remerciements s’adressent également aux responsables et au personnel du laboratoire du Complexe pétrochimique de Skikda (Algérie) et à la Direction de l’environnement d’Azzaba (Algérie).

Financement : aucun ; liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt.

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