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ANALYSE D'ARTICLE

Risque sanitaire lié à l’exposition au benzène chez les employés de stations essence

Cette étude thaïlandaise indique que 15 % des employés de stations essence ont un risque d’effets sanitaires liés à leur exposition au benzène. L’estimation produite à partir du recueil des manifestations toxiques et des résultats d’échantillonnages d’air éclaire d’une manière originale l’évaluation des risques sanitaires de l’exposition professionnelle au benzène, habituellement focalisée sur le risque de cancers.

This Thai study reports that 15% of gas station employees are at risk of the health effects due to benzene exposure. This estimate, based on the collection of toxic manifestations and the results of air samples, sheds new light on the health risk assessment of occupational exposure to benzene, usually focused on risk of cancer.

L’étude a été conduite à Muang Khon Kaen, la capitale de la province de Khon Kaen, au nord-est de la Thaïlande. Du fait de sa situation géographique, cette province représente un axe de communication important entre les pays du Mékong. La tendance à l’augmentation du volume des ventes d’essence qui y est observée d’une année sur l’autre (23 millions de litres en 2014) est appelée à s’accroître avec le développement de la communauté économique de l’Asie du Sud-Est.

L’équipe universitaire signataire de cet article a précédemment montré la présence de benzène (utilisé comme solvant pétrolier et additif dans l’essence) dans l’air des stations-service et mis en évidence le manque d’information et de protection des personnes qui y travaillent. Ce nouveau travail visait à estimer le risque d’effets sanitaires liés à leur exposition au benzène.

 

Population participante

Au moment de l’étude, l’agglomération de Muang Khon Kaen comptait 98 stations essence qui employaient 686 personnes répondant aux critères d’inclusion (sujets âgés de plus de 18 ans, non-fumeurs, employés à temps plein depuis plus de six mois).

Trois zones ont été considérées : le centre-ville, sa périphérie (où les stations sont principalement localisées le long de l’autoroute menant à Bangkok) et la zone rurale alentour. Un échantillon représentatif du nombre d’employés de stations-service dans chaque zone a été construit par randomisation : il incluait respectivement 39, 29 et 30 employés des zones urbaine, suburbaine et rurale. Les 98 participants se répartissaient en 50 femmes et 48 hommes, et en 73 pompistes et 25 caissiers. Ils occupaient leur poste actuel depuis six mois à cinq ans et travaillaient entre six et 8 h par jour, six jours par semaine.

 

Symptomatologie

Les participants ont été interrogés (questionnaires administrés en face à face) sur les symptômes ressentis pendant ou au décours de leurs journées de travail durant les six derniers mois. Des symptômes appartenant à la liste des effets toxiques du benzène étaient présents chez 68,37 % des sujets. Leur catégorisation en symptômes « légers » (tels que céphalées, sensations vertigineuses, irritations cutanées, de la gorge ou du nez), « modérés » (dont difficultés respiratoires, douleurs dans la poitrine, fatigue, nausées, vomissements, crampes, vision floue) ou « sévères » (troubles de la conscience, troubles du rythme cardiaque, anémie) montre que la prévalence des symptômes modérés (33,67 %) est plus élevée que celle des symptômes légers (24,49 %), des symptômes sévères pouvant être observés (rapportés par 10,20 % des sujets).

 

Estimation de l’exposition

Le niveau d’exposition au benzène a été estimé à partir de deux données : la fréquence d’exposition, recueillie au cours de l’entretien et répartie en cinq catégories, et les résultats de mesures ponctuelles de la concentration du benzène sur le lieu de travail, réalisées selon la méthode homologuée par le National Institute of Occupational Safety and Health (NIOSH 1501 : échantillonneurs actifs personnels, analyse par chromatographie en phase gazeuse). Cinq catégories étaient également prévues, en référence à la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) recommandée par le NIOSH pour une durée de travail de 8 h.

La majorité des sujets se situait dans la catégorie la plus élevée en termes de fréquence d’exposition (exposition continue pendant plus de 4 h par jour : 71,4 % des participants) et dans la catégorie la plus faible en termes de niveau de concentration du benzène dans l’air respiré (inférieur à 10 % de la VLEP : 90,82 % des participants). La prise en compte des deux types de données a abouti à classer 89 sujets (les 25 caissiers et 64 pompistes) dans la catégorie d’exposition nulle, les neuf autres pompistes étant estimés modérément exposés (les catégories d’exposition faible, élevée et très élevée n’incluaient aucun sujet).

 

Score de risque

Une matrice a été construite à partir des deux paramètres (symptômes et exposition) pour calculer un score de risque d’effets sanitaires allant de 0 (seul niveau considéré acceptable) à 5. Un score de risque nul a été attribué à 83 employés et un score égal à 1 aux 15 autres (11 pompistes et 4 caissiers, soit respectivement 15,13 % et 16 % de la population des employés à ces postes). La prévalence des scores non nuls était plus élevée en centre-ville (18 %) qu’en zones suburbaine (13,8 %) et rurale (13,3 %).

Ces résultats devraient inciter à développer la surveillance sanitaire des employés de stations essence, ainsi que la communication sur les risques de l’exposition au benzène et les moyens de prévention.

 

Laurence Nicolle-Mir

 

Publication analysée :

Chaiklieng S, Pimpasaeng C, Thapphasaraphong S. Benzene exposure at gasoline stations: health risk assessment. Hum Ecol Risk Assess 2015; 21: 2213-22.

Department of environmental health science, faculty of public health, Khon Kaen University, Thaïlande.

doi: 10.1080/10807039.2015.1044938