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ANALYSE D'ARTICLE

Estimation du risque de cancer du poumon associé à l’exposition aux particules atmosphériques

Complétant la récente évaluation de la cancérogénicité des particules atmosphériques par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), ce travail de méta-analyse fournit une estimation quantitative du risque de cancer du poumon associé à l’exposition aux PM2,5 et aux PM10.

Following the recent designation by the International Agency for Research on Cancer (IARC) of particulate matter in outdoor air as a Group 1 carcinogen, this meta-analysis provides a quantitative estimation of the risk of lung cancer linked to exposure to PM2.5 and PM10.

Dix-huit articles rapportant les résultats de 16 études de cohortes et de deux études cas-témoins répondaient aux critères d’inclusion dans cette méta-analyse. Dix provenaient d’Amérique du Nord, cinq d’Europe, et trois d’autres parties du monde (Chine, Japon et Nouvelle-Zélande). Cinq articles donnaient une estimation du risque de cancer du poumon associé à l’exposition résidentielle aux PM2,5 et aux PM10 (qui incluent les particules fines et une fraction plus grossière considérée moins toxique par sa composition et sa moindre capacité de pénétration pulmonaire), neuf articles présentaient des résultats uniquement pour les PM2,5 et quatre autres uniquement pour les PM10.

Le critère sanitaire examiné était la mortalité par cancer du poumon dans 13 études et son incidence dans les cinq autres. Étant donné le pronostic défavorable de cette localisation et le parallèle entre les taux d’incidence et de mortalité, les auteurs ont combiné les deux critères. Les résultats ont été harmonisés par conversion, s’ils étaient exprimés autrement, en risque pour une augmentation de 10 μg/m3 de la concentration atmosphérique des polluants. Les méta-analyses ont été réalisées avec des modèles à effets aléatoires pour tenir compte du poids important de l’hétérogénéité entre les études dans la variance (I2 = 56,4 % pour l’effet des PM2,5 et 74,6 % pour celui des PM10).

 

Estimations globales

La méta-analyse des effets des PM2,5 aboutit à un risque relatif (RR) combiné de cancer du poumon associé à une augmentation de 10 μg/m3 égal à 1,09 (IC95 = 1,04-1,14). L’estimation concernant les PM10 est similaire mais moins précise : RR = 1,08 (IC95 = 1-1,17).

L’éventuelle influence dominante d’une étude particulière sur les résultats a été recherchée par des méta-analyses excluant tour à tour chacune des études. Une association positive entre l’exposition aux particules et le risque de cancer du poumon est constamment retrouvée. Cette association apparaît robuste au niveau d’ajustement sur les facteurs de confusion potentiels (si l’âge et le sexe étaient systématiquement contrôlés, les autres facteurs considérés variaient d’une étude à l’autre). Ainsi, les méta-analyses restreintes aux études ayant pris en compte le statut tabagique aboutissent à un RR égal à 1,10 (IC95 = 1,04-1,17) pour les PM2,5 (calculé à partir de 11 études) et à 1,08 (IC95 = 0,99-1,17) pour les PM10 (à partir de huit études). L’estimation de l’effet des PM2,5 varie peu avec l’ajustement sur le niveau socio-économique ou de revenus (RR = 1,04 [0,96-1,12]), le niveau d’études (RR = 1,07 [1,03-1,11]) ou la profession (RR = 1,08 [1,05-1,11]). Il en est de même pour les PM10.

 

Analyses par sous-groupes

L’exposition aux particules avait été évaluée sur la base des données de mesures de stations fixes de surveillance de la qualité de l’air dans huit études et de modélisations spatio-temporelles plus ou moins complexes dans les autres (modèles de dispersion atmosphérique des polluants ou de régression tenant compte de l’utilisation des sols). L’estimation issue de la méta-analyse des études ayant utilisé les données de stations fixes est légèrement plus élevée pour les particules fines (RR = 1,12 [1,04-1,21] versus 1,06 [1-1,13] pour la méta-analyse des études fondées sur la modélisation) comme pour les PM10 (RR = 1,17 [0,93-1,47] versus 1,07 [0,99-1,15]), sans différence statistiquement significative entre les deux groupes d’études.

Au-delà de l’ajustement sur le statut tabagique, six études ayant examiné l’effet de l’exposition aux PM2,5 fournissaient des résultats séparément chez les non-fumeurs, les ex-fumeurs et les fumeurs actuels. Un excès de risque de cancer du poumon est observé chez les ex-fumeurs (RR 1,44 [1,04-2,01]) par rapport aux sujets n’ayant jamais fumé (RR = 1,18 [1-1,39]) et aux fumeurs (RR = 1,06 [0,97-1,15]), mais cette analyse est limitée par le manque de précisions sur l’importance du tabagisme passé. L’interaction entre l’exposition à la fumée de cigarette et l’exposition aux particules atmosphériques (sur le risque de cancer du poumon et d’autres maladies majeures) nécessite d’être mieux étudiée. Par ailleurs, si plusieurs hypothèses susceptibles d’expliquer un moindre effet des particules chez les fumeurs ont été formulées, les mécanismes demandent à être clarifiés.

Seules trois études rapportaient des résultats selon le type histologique de la tumeur. Les méta-analyses indiquent un excès de risque d’adénocarcinome bronchique associé à l’exposition aux PM2,5 (RR pour une augmentation de 10 μg/m3 égal à 1,40 [1,07-1,83]) et aux PM10 (RR = 1,29 [1,02-1,63]) tandis que le risque de carcinome épidermoïde n’apparaît pas augmenté.

Dans leur ensemble, ces résultats soutiennent la décision du CIRC de classer les particules en suspension dans l’air extérieur dans le groupe 1 des agents cancérogènes pour l’homme. Ils justifient une intensification des efforts visant à réduire l’exposition de la population à la pollution atmosphérique, ainsi que la poursuite des études à la recherche des composants les plus dangereux.

Laurence Nicolle-Mir


Publication analysée :

Hamra GB1, Guha N, Cohen A, et al. Outdoor particulate matter exposure and lung cancer: a systematic review and meta-analysis. Environ Health Perspect 2014; 122: 906-11.

doi: 10.1289/ehp.1408092

 

1International Agency for Research on Cancer, Lyon, France.