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ANALYSE D'ARTICLE

À la recherche des composants et des sources de PM2,5 les plus dangereux

Cette étude dans la population âgée du Connecticut et du Massachusetts, qui repose sur une méthode d’analyse multivariée particulière, participe à l’avancée des connaissances concernant la toxicité cardiovasculaire et respiratoire variable des PM2,5 en fonction de leur composition.

This study among the 65-and-older populations of four counties in Connecticut and Massachusetts, based on multivariate time series analyses, helps to advance our knowledge of the variable cardiovascular and respiratory toxicity of PM2.5 according to their composition.

De plus en plus de travaux indiquent que la toxicité des particules fines PM2,5 dépend de leur composition chimique, variable selon leur origine, ce qui peut expliquer pourquoi les estimations concernant leurs effets sanitaires diffèrent d’un endroit à l’autre, mais aussi d’une saison à l’autre. L’identification des composants des PM2,5 qui contribuent le plus à un effet donné permettrait de progresser dans la compréhension des mécanismes biologiques sous-jacents. Il s’agit également d’un champ de recherches important pour la santé publique, qui débouche sur la possibilité de mesures ciblées sur des sources d’émission, au-delà de la simple détermination d’une limite réglementaire de concentration atmosphérique des PM2,5. L’observation d’effets sanitaires pour des niveaux de concentration inférieurs à la limite réglementaire pourrait signifier qu’il n’existe pas de valeur seuil en-dessous de laquelle l’exposition aux PM2,5 n’est pas dangereuse, mais elle pourrait aussi s’expliquer par la richesse particulière des PM2,5 en certains composants toxiques.

Les possibilités de recherches sont néanmoins limitées par la disponibilité encore réduite des données de spéciation chimique des PM2,5. Ainsi, aux États-Unis, la surveillance de la concentration atmosphérique des PM2,5 a été mise en place au niveau national à partir de 1997, et 1 387 stations de surveillance étaient en activité en 2012. À cette date, le réseau de spéciation chimique, qui a commencé à être opérationnel en 1999, ne comportait que 192 stations qui fournissent des données couvrant certaines périodes de l’année seulement.

Une autre approche a été adoptée dans cette étude qui intéresse trois comtés du Connecticut et un comté du Massachusetts. Elle a permis de disposer de pratiquement dix fois plus de données que celles qui auraient été obtenues par le biais du réseau de spéciation des PM2,5. De plus, elle a permis d’examiner le risque d’hospitalisation pour maladie respiratoire ou cardiovasculaire dans la population âgée en fonction de l’exposition à différents constituants mais aussi à différentes sources de PM2,5.

 

Méthode suivie

Les auteurs se sont procurés les filtres des capteurs de cinq stations du réseau de surveillance national des PM2,5 pour la période allant d’août 2000 à février 2004. Ces échantillons ont été analysés par fluorescence à rayons X afin de déterminer leur contenu en éléments précédemment identifiés comme potentiellement dangereux : aluminium (Al), brome (Br), calcium (Ca), chlore (Cl), nickel (Ni), potassium (K), soufre (S), silicium (Si), titane (Ti), vanadium (V) et zinc (Zn). Le carbone-suie a été mesuré par réflectance optique.

Les jeux de données chimiques quotidiens ainsi obtenus ont fait l’objet d’une factorisation en matrices positives (Positive Matrix Factorization –PMF) qui a permis de quantifier la contribution de cinq sources : gaz d’échappement, poussière de route/croûte terrestre, combustion d’huiles, sel de mer, sources régionales (centrale thermique à charbon et autres activités).

Des analyses de séries temporelles ont ensuite été réalisées pour estimer les effets à court terme (le jour-même et avec des décalages d’1 ou 2 jours) de l’exposition aux PM2,5 (concentration massique), à leurs composants et à leurs sources, sur les admissions hospitalières pour cause respiratoire (bronchopneumopathie chronique obstructive et infections) ou cardiovasculaire (insuffisance cardiaque, troubles du rythme, cardiopathie ischémique, événement cérébrovasculaire, maladie vasculaire périphérique) dans la population des sujets de 65 ans et plus bénéficiaires de Medicare. Lorsque le modèle à un seul polluant mettait en évidence une association significative avec un composant des PM2,5, sa robustesse était testée par ajustement progressif pour les autres composants introduits un à un.

 

Résultats

Respectivement 95 831 et 34 169 admissions pour maladies cardiovasculaires et respiratoires ont été enregistrées pendant la période d’étude. La concentration atmosphérique des PM2,5 était en moyenne égale à 14 μg/m3 (valeur médiane : 11,7 μg/m3) et la contribution des sources régionales à la masse totale des PM2,5 dominait (40,8 %) devant celles des émissions des moteurs des véhicules (28 %), des produits de combustion d’huiles (13,1 %), de la poussière de route (12 %) et du sel marin (1,75 %). Les analyses montrent une association entre la concentration des PM2,5 et les hospitalisations pour maladie cardiovasculaire seulement, et l’effet d’une augmentation du niveau des PM2,5 est significatif uniquement le jour-même.

La poussière de route apparaît exercer une influence sur les admissions pour cause cardiovasculaire comme respiratoire. L’augmentation d’un intervalle interquartile (IIQ) de sa contribution à la masse des PM2,5 (1,71 μg/m3) est associée, le même jour, à une augmentation de 2,11 % (IC95 = 1,09-3,15) des admissions pour cause cardiovasculaire et de 3,47 % (IC95 = 2,03-4,94) des admissions pour cause respiratoire, l’effet étant plus prononcé (4,51 % [3,30-6,01]) avec un jour de décalage. Les hospitalisations pour maladie respiratoire paraissent par ailleurs sensibles à la contribution du sel marin.

Trois composants des PM2,5 sont associés à la fois aux hospitalisations pour maladie cardiovasculaire et pour maladie respiratoire : le carbone-suie, le calcium et le vanadium. Les analyses montrent, de plus, des associations entre les admissions pour maladie cardiovasculaire et le zinc, et entre les admissions pour maladie respiratoire et les éléments suivants : Al, Cl, Ni, Si et Ti.

Ces résultats, qui ne sont pas forcément généralisables à d’autres sites ni à d’autres périodes, renforcent les preuves d’une dangerosité variable des particules fines selon leur composition et incitent à continuer les explorations en ce sens.

Laurence Nicolle-Mir


Publication analysée :

Bell ML1, Ebisu K, Leaderer BP, Gent JF, Lee HJ, Koutrakis P, et al. Associations of PM2,5 constituents and sources with hospital admissions: Analysis of four counties in Connecticut and Massachusetts for persons ≥ 65 years of age. Environ Health Perspect 2014; 122: 138-44. http://dx.doi.org/10.1289/ehp.1306656

1 Yale University, School of Forestry and Environmental Studies, New Haven, États-Unis.