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Virologie

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SARS ou pneumonie atypique sévère aiguë : une épidémie privilégiée du XXI e siècle Volume 7, numéro 3, Juillet 2003

Auteur
Unité d‘épidémiologie et physiopathologie des virus oncogènes, Institut Pasteur
  • Page(s) : 219-21
  • Année de parution : 2003

Auteur(s) : N. Stella Cuervo

Unité d'épidémiologie et physiopathologie des virus oncogènes, Institut Pasteur

Rubrique coordonnée par D. Challine

Le syndrome respiratoire aigu sévère (SARS) a été diagnostiqué chez plus de 3 169 malades dont 144 sont décédés, cela dans 22 pays entre le 1er novembre 2002 et le 14 avril 2003.

Depuis le 1er février 2003, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) coordonne le projet collaboratif de recherche multicentrique international sur le diagnostic du SARS ; les découvertes scientifiques et épidémiologiques ont été obtenues à une vitesse sans précédent par les laboratoires du réseau de l'OMS.

Le 12 mars, l'OMS lance l'alerte mondiale à propos de la maladie. Le 14 mars, les centres de recherche des différents pays activent leurs opérations d'urgence pour contrôler et étudier la maladie, en réponse à la demande d'aide de l'OMS. En 24 heures, des chercheurs de différentes nationalités sont invités à joindre les équipes de l'OMS dans les régions affectées par l'épidémie.

Le 24 mars, les scientifiques annoncent qu'un nouveau coronavirus (virus-sars) avait été isolé chez des patients atteints. La caractérisation du pathogène commence donc. En quelques jours, les séquences du gène de la polymérase virale sont obtenues.

À ce jour, il est mondialement accepté que le virus-sars est le plus probable agent causal du SARS. Il a été isolé par les différents laboratoires du réseau de l'OMS et à partir de patients d'origines différentes. Les études in vitro montrent qu'il provoque un effet cytopathogène (ECP) sur des cellules VERO et FRhk4. L'ECP peut être inhibé par l'addition de sérum de patients convalescents de SARS. D'autres expériences montrent que le sérum hyper-immun contre le TGEV (transmissible gastroenteritis virus), le FIPV (feline infectious peritonitis virus), le MHV (murine hepatitis virus) et le coronavirus humain 229E inhibe également la croissance du virus dans des cultures cellulaires. La microscopie électronique des virus isolés à partir des prélèvements de patients souffrant de SARS et à partir des cultures cellulaires a mis en évidence la présence de particules qui ressemblent à un coronavirus. Le séquençage partiel du virus effectué dans différents laboratoires révèle que le virus est un coronavirus, même si des différences ont été trouvées par rapport aux autres espèces du genre coronavirus. En effet, ce sont ces données qui suggèrent qu'il s'agit d'un nouveau coronavirus. Le nom proposé pour ce nouveau virus est Urbani SARS-associated coronavirus, en mémoire à Carolo Urbani, décédé de la maladie.

Cependant, l'analyse des prélèvements respiratoires de quelques patients avec SARS montre aussi la présence d'un métapneumovirus humain. Des anticorps dirigés contre ce virus ont été détectés dans le sérum de ces patients. Des infections mixtes, coronavirus-métapneumovirus, ont été également mises en évidence. La signification et la relevance clinique et épidémiologique de ces données restent à définir.

Les études réalisées sur le nouvel agent pathogène ont permis le développement de tests pour le diagnostic du SARS. Trois types différents de tests diagnostiques sont maintenant disponibles. Cependant, ils peuvent manquer de rapidité et de spécificité pour le diagnostic des cas probables du SARS.

Deux types de tests sérologiques sont utilisés : d'une part, le test Elisa qui détecte les anticorps de types IgM et IgG dirigés contre le virus-sars chez la plupart des malades, 20 jours après l'apparition des premiers symptômes cliniques. Chez quelques malades, ces anticorps ont été détectés entre le jour 14 et le jour 21 après l'apparition de symptômes. Pour ces raisons, ce test ne peut pas être utilisé pour la détection précoce de l'infection ; d'autre part, l'immunofluorescence qui détecte de façon fiable des anticorps de type IgM après le dixième jour post-infection. L'inconvénient de ce test est la mise en culture cellulaire des prélèvements suspects, ce qui retarde le rendu des résultats.

Le deuxième test est une RT-PCR qui amplifie la région codant la polymérase virale. La séquence des amorces et le protocole officiel détaillé utilisés pour effectuer cette technique sont disponibles sur internet. Les résultats obtenus grâce à cette technique peuvent être utilisés comme complément du diagnostic. Cependant, des résultats faussement négatifs ont pu être observés.

Le troisième test diagnostique fait appel à la culture sur des cellules Vero. Ainsi, la détection du virus-sars dans des prélèvements comme le sang, les selles et les sécrétions respiratoires est possible.

Des tests visant à identifier des molécules pouvant être utilisées dans le traitement ou pour la prophylaxie de la maladie sont en cours de réalisation. De même, les premiers travaux vers le développement d'un vaccin ont déjà commencé.

Si la vitesse d'obtention des résultats scientifiques à propos du SARS a été remarquable, la communication et l'échange de données ont eu une ampleur mondiale et continuent à l'être en temps réel. Toutes les technologies scientifiques ont été mises en action pour étudier la maladie et pour identifier l'agent pathogène responsable. Mis à part tous les outils de communication de masse habituels, internet est sans doute l'outil le plus utilisé. Les sites officiels SARS de l'OMS et du CDC sont révisés en permanence dans tout leur contenu : définition des cas, prise en charge des malades, méthodes diagnostiques et leurs protocoles, conseils au voyageurs, etc. Des conférences et discussions virtuelles entre les cliniciens ont été aussi réalisées.

La vitesse des découvertes scientifiques du SARS reflète des exploits étonnants dans la science, la technologie et la collaboration internationale. Cependant, en dépit de ces avances, l'épidémie progresse malgré toutes les mesures mises en place et la situation épidémique n'est pas encore très claire dans certaines régions de la Chine.

Est-ce que l'épidémie serait stoppée ? Si le ou les modes de transmission étaient parfaitement identifiés, le contrôle de la propagation de la maladie serait plus facilement envisageable. Le mode de transmission du virus le plus plausible à ce jour est le contact avec une personne contaminée par exposition aux gouttelettes disséminées par les éternuements et la toux. Il est aussi probable que la contamination par contact avec d'autres fluides corporels souillés existe. Cependant, les toutes dernières données publiées ont mis en évidence que le virus-sars est excrété dans les selles par les malades lors de la période de convalescence. De ce fait, sa transmission par les selles pourrait être une autre source de propagation de l'épidémie. Ce type d'excrétion peut laisser supposer que le virus est stable dans l'environnement. Cette dernière possibilité rendrait plus difficile le contrôle de l'épidémie. Même si l'épidémie est enrayée, le virus va-t-il disparaître ? Le virus-sars est un virus à ARN. Ces virus sont bien connus pour leurs degrés élevés de variabilité génétique comme résultat des mutations ponctuelles et de la recombinaison génétique. Vraisemblablement, le virus aurait une origine animale et, du fait de mutations ou de recombinaisons, il aurait acquis la capacité d'infecter et de circuler chez l'homme ainsi qu'un pouvoir pathogène particulièrement élevé. Des variantes génétiques du virus pourraient donc continuer à circuler chez l'homme.

Toutes les maladies infectieuses ayant une origine virale ou bactérienne ont eu un foyer d'origine de localisation géographique plus ou moins restreint ; par des échanges entre les populations, elles se sont répandues. Dans l'Antiquité, les déplacements étaient limités au degré d'avancement technologique et, par conséquent, la dissémination d'une maladie infectieuse était aussi limitée. Un très bon exemple est la poliomyélite, maladie connue par l'Égypte ancienne mais qualifiée de fléau mondial après les ravages occasionnés par les épidémies des années 1950, qui se sont arrêtées au moment de l'introduction des vaccins efficaces. Cependant, les épidémies dues aux variants pathogènes du poliovirus vaccinal sont encore d'actualité. L'avenir du SARS pourrait être semblable. Des malades et des décès seraient provoqués, dont le nombre serait le reflet du degré de virulence de la souche circulante, comme c'est le cas aussi pour les épidémies saisonnières mondiales de grippe. Les conséquences du SARS pourraient être alors contrôlées par l'introduction d'un vaccin.

L'action mondiale déployée pour contrôler l'épidémie pourrait devenir un modèle d'intervention épidémiologique pour les maladies infectieuses futures, mais il est peut-être trop tard pour les maladies infectieuses « anciennes ».

Références

1. Lee N, Hui D, Wu A, et al. A major outbreak of severe acute respiratory syndrome in Hong Kong. Article publié dans http://www.nejm.org le 7 avril 2003.

2. Tsang KW, Ho PL, Ooi GC, et al. Cluster of cases of severe acute respiratory syndrome in Hong Kong. Article publié dans http://www.nejm.org le 31 mars 2003.

3. Drosten C, Gnther S, Preiser W, et al. Identification of a novel coronavirus in patients with severe acute respiratory syndrome. Article publié dans http://www.nejm.org le 10 avril 2003.

4. Ksiazek TG, Erdman D, Goldsmith C, et al. A novel coronavirus associated with severe acute respiratory syndrome. Article publié dans http://www.nejm.org le 10 avril 2003.

5. Gerberding JL. Faster... but fast enough ¿ Responding to the epidemic of severe acute respiratory syndrome. Éditorial publié dans http://www.nejm.org le 2 avril 2003.

6. Site SARS de l'OMS : http://www.who.int/csr/sars/en/

7. Site SARS du CDC : http://www.cdc.gov/ncidod/sars/