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Virologie

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Infection persistante à parvovirus B19 Volume 10, numéro 1, Janvier-Février 2006

Auteur
Laboratoire de bactériologie‐virologie Faculté de médecine Jacques Lisfranc CHU de Saint-Etienne

Auteur(s) : S. Pillet

Laboratoire de bactériologie-virologie
Faculté de médecine Jacques Lisfranc
CHU de Saint-Etienne

L’érythrovirus B19 (B19) est classiquement reconnu comme responsable d’infections aiguës qui se manifestent par une atteinte spécifique des précurseurs médullaires de la lignée rouge au cours d’une virémie élevée et fugace (environ une semaine) et le dépôt de complexes immuns au niveau de la peau et des articulations. Il est rapidement neutralisé par la réponse humorale qui protège ensuite l’individu toute sa vie. Les infections persistantes à B19 ont été jusqu’à présent quasi exclusivement décrites chez des patients immunodéprimés dont la production d’anticorps neutralisants est insuffisante pour éliminer le virus. Chez ces patients, la persistance du B19 s’accompagne souvent d’une anémie chronique. Des techniques moléculaires sensibles ont également permis de mettre en évidence le génome du B19 dans la moelle osseuse et/ou les articulations de patients asymptomatiques, ainsi que dans le sang d’environ 1 % de donneurs immunocompétents, suggérant que le B19 pourrait être responsable d’infections chroniques.
Afin d’évaluer la persistance du génome du B19 dans le sang au cours de l’infection chez les sujets immunocompétents, l’équipe de J.-J. Lefrère à l’Institut national de la transfusion sanguine à Paris a analysé les marqueurs sérologiques (IgM et IgG anti-B19) et la présence d’une virémie à B19 d’une cohorte de 76 patients polytransfusés souffrant d’anomalie congénitale de l’hémoglobine pendant une période moyenne de 7 ans. Parmi les 55 patients polytransfusés séropositifs pour le B19 avant l’étude, 5 enfants présentaient une virémie à B19 au cours du suivi longitudinal : l’infection récente par le B19 est attestée par la charge virale élevée (> 1000 UI/mL) associée ou non à la présence d’IgM spécifiques. Chez les 5 patients, la virémie est devenue inférieure à 100 UI/mL au bout de 1 an et a fluctué entre 10 et 100 UI/mL pendant 2 ans, avant de devenir indétectable de façon durable ou faiblement positive de façon intermittente. La virémie B19 d’un des patients était toujours positive au bout de 5 ans de suivi. Une séroconversion a également été observée chez un patient adulte ayant reçu plus de 100 transfusions de concentrés globulaires : la virémie B19 a suivi la même cinétique que celle des 5 patients précédents.
Une virémie positive persistante a donc été observée chez 6 des 76 patients polytransfusés, soit 7,9 %. L’utilisation d’une technique moléculaire de quantification particulièrement sensible explique ces chiffres plus élevés que ceux publiés dans la littérature. Une contamination de laboratoire a été exclue car les échantillons ont été testés par trois techniques différentes réalisées dans trois laboratoires indépendants et la persistance de la virémie chez les 6 patients polytransfusés a été retrouvée par les trois laboratoires. La comparaison des trois techniques moléculaires a d’ailleurs permis de montrer que l’amplification de la région codant NS1 (protéine non structurale du B19) est plus sensible que la PCR basée sur la région codant VP1 (une des deux protéines de capside) et que l’utilisation de techniques peu sensibles sous-estime la durée de la virémie.
Les auteurs ont également étudié une cohorte de 500 femmes enceintes, parmi lesquelles 65 % étaient séropositives pour le B19 ; 4 d’entre elles, soit 1,2 %, présentaient une virémie positive sans IgM, évaluée de 17 à 136 UI/mL.
Le B19 se transmet essentiellement par voie respiratoire. La contamination par voie sanguine est possible mais rare. En raison de la faible prévalence de l’infection aiguë à B19 chez les donneurs de sang (évaluée de 1 donneur sur 3300 en période épidémique à 1 sur 50 000) et des charges virales faibles retrouvées en cas d’infection chronique, la persistance de la virémie positive chez les 6 polytransfusés ne peut pas s’expliquer par la transmission passive et répétée du virus. D’ailleurs, une seule séroconversion (1 sur 21 patients séronégatifs) a été observée dans cette population de polytransfusés, attestant du faible risque de transmission du B19 par les produits sanguins. Les transfusions multiples peuvent cependant induire un état d’immunodépression favorable à la persistance du virus. La présence d’une charge virale faible chez environ 1 % de sujets immunocompétents pose cependant le problème du risque transfusionnel pour les patients très immunodéprimés : la charge minimale « acceptable » des produits sanguins administrés doit notamment être déterminée.
Enfin, cette étude confirme la possibilité d’une infection persistante chez environ 1 % des sujets infectés par le B19, avec la présence de génome viral dans le sang plusieurs années après la contamination. La persistance virale pourrait s’effectuer plus particulièrement dans la moelle osseuse, le liquide articulaire ou encore la peau, et être associée à l’incapacité de l’immunité humorale et cellulaire à éliminer le virus.

Référence

1. Lefrère M, Servant-Delmas A, Candotti D, et al. Persistent B19 infection in immunocompetent individuals : implications for transfusion safety. Blood 2005, 106 : 2890-5.