Virologie
MENUConcentration d‘ADN du VHB et risque de transmission de l‘hépatite B par les professionnels de santé Volume 7, numéro 5, septembre-octobre 2003
- Page(s) : 375-6
- Année de parution : 2003
Auteur(s) : Hélène Peigue-Lafeuille
Service de virologie, Faculté de médecine, Clermont-Ferrand
Rubrique coordonnée par D. ChallineLe risque de transmission du virus de l'hépatite B (VHB) à un
patient par le personnel de santé est rare mais prouvé. Les
facteurs de risque essentiels sont le niveau de la virémie, une
défaillance dans le respect des précautions d'hygiène standard et
le type d'acte de soins. L'estimation du risque présente un intérêt
à la fois collectif pour les patients et individuel pour le
professionnel. En effet, elle débouche sur des recommandations
nationales autorisant ou au contraire limitant, voire interdisant,
un pan de l'activité professionnelle, cela en fonction des
marqueurs sérologiques vis-à-vis des différents antigènes et
anticorps du VHB, dont la présence (ou l'absence) essaye de définir
un « niveau d'infectiosité ».
Chez une personne présentant l'antigène HBs, la détection
simultanée de l'antigène Hbe est un signe d'infectiosité. À
l'opposé, la présence d'anticorps anti-Hbe était associée jusqu'à
présent à un risque d'infectiosité suffisamment réduit pour que les
professionnels dans ce cas puissent continuer à pratiquer des
gestes à haut risque de transmission (exposure prone
procedures des Anglo-Saxons). Cependant, des observations de
transmission du VHB à des patients à partir de chirurgiens porteurs
d'AgHBs sans AgHbe ont été rapportées récemment, même si elles
restent rares.
Un groupe de travail s'est donc mis en place au Royaume-Uni, à la
demande des autorités de santé, pour étudier le risque de
transmission du VHB en fonction des différents marqueurs
sérologiques, en particulier la concentration d'ADN, dans le but
d'actualiser les recommandations en vigueur. Les auteurs se sont
attachés à déterminer la charge virale de l'ADN du VHB, d'une part
chez les porteurs asymptomatiques du VHB avec ou sans AgHbe dans la
population générale, et d'autre part chez les six chirurgiens
infectés présentant l'AgHBs sans AgHbe ayant contaminé leurs
patients au cours d'un acte de chirurgie. Ce travail s'est
intéressé à la quantification de l'ADN (avec la trousse Chiron
Quantiplex Branched DNA assay et la trousse Roche Amplicor
HBV DNA Monitor assay dont la limite de détection est de
400 copies/mL), la détection de mutation dans la région
pré-core à l'origine d'une fausse négativité de l'AgHbe et le
dosage des transaminases. Les résultats ont servi de base
scientifique pour la révision des recommandations nationales
concernant les professionnels infectés pratiquant des gestes à haut
risque de transmission.
Les résultats montrent que l'ADN du VHB peut être détecté et
quantifié chez 64,5 % (136/211) des porteurs de VHB sans AgHbe
(médiane : 3,6 log10 copies/mL). La recherche d'une
mutation dans la région pré-core, réalisée chez 97 d'entre
eux, a montré une mutation du codon 1 dans 25 % des cas, du
codon 28 dans 42 % et des deux chez 4 % des individus.
Ces mutations ne semblent pas toutefois affecter les chiffres de la
charge virale. Tous les chirurgiens présentaient une mutation au
codon 28 et avaient transmis ce variant à leur patient. D'autre
part, il n'y a pas d'association entre le taux de transaminases et
le nombre de copies d'ADN du VHB.
Ces six chirurgiens à l'origine d'une transmission présentaient
des taux d'ADN de 4.104 à
3,55 × 109 copies/ml. Pour trois d'entre eux,
ces valeurs suivaient la distribution de la population témoin
AgHbe-négative, mais les trois autres correspondaient davantage à
un profil AgHbe positif, avec des chiffres élevés et inchangés lors
d'un dosage itératif de l'ADN 3 mois et 12 mois plus
tard. Ainsi, les mutations pré-core sont fréquentes chez les
porteurs de VHB sans AgHbe ; l'absence de ce marqueur ne
signifie pas une faible infectiosité.
Les auteurs concluent prudemment que le risque de transmission du
VHB peut être considéré comme nul lorsque l'ADN n'est pas
détectable (certes), mais probablement aussi en deçà de
1000 copies/mL, voire 10 000. Cela ne signifie pas que la
transmission est impossible dans ce cas, mais qu'à l'heure
actuelle, avec les données à leur disposition et sur lesquelles ils
ont fondé leur stratégie, ils n'ont pas identifié de telles
personnes. L'avenir affinera probablement ces résultats. Pour eux,
il s'agit d'un compromis entre deux extrêmes : d'un côté
continuer à autoriser les gestes à haut risque de transmission dans
toutes les situations où l'AgHbe n'est pas détecté - comme c'était
le cas dans les recommandations précédentes mais ce qui s'avère
dangereux -, de l'autre interdire à tous les porteurs d'AgHBs de
pratiquer ces gestes, ce qui serait tout à fait exagéré. Les
auteurs estiment qu'environ la moitié des professionnels porteurs
de VHB ont un taux d'ADN inférieur à 103 copies/mL,
qu'ils considèrent avec les données actuelles comme le seuil
critique au-delà duquel la transmission du VHB lors de gestes à
haut risque « ne peut pas être exclue ».
Référence
S. Corden, A. L. Ballard, S. Ijaz, et al. HBV DNA levels and transmission of hepatitis B by health care workers. J Clin Virol 2003 ; 27 : 52-8.