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Virologie

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Comment le virus d‘Epstein‐Barr parvient‐il à échapper au système immunitaire de l‘hôte ? Volume 7, numéro 6, novembre-décembre 2003

Auteur
Laboratoire de virologie, CHU de Bicêtre
  • Page(s) : 465
  • Année de parution : 2003

Auteur(s) : C. Pallier

Laboratoire de virologie, CHU de Bicêtre

Nombreuses sont les stratégies qui permettent aux virus d'échapper au système immunitaire de l'hôte. Un des exemples les plus étudiés est celui du virus d'Epstein-Barr (EBV). Dans une des formes de latence de ce virus, celle dite de type I décrite dans les cellules du lymphome de Burkitt, l'expression virale est restreinte à la seule protéine EBNA1 qui est essentielle à la persistance des génomes viraux. Or cette protéine n'est pas présentée par les molécules du CMH de classe I aux CTL. Cet effet était jusqu'à présent attribué à la propriété du motif répété Gly-Ala (GAr) d'inhiber la dégradation de la protéine EBNA1 par le protéasome, puisque la présence de ce motif entraîne une augmentation de la demi-vie de la protéine et, à l'inverse, sa délétion conduit à la présentation de la protéine. Certaines questions restaient toutefois sans réponse. Pourquoi l'augmentation de la demi-vie de la protéine EBNA1 ne s'accompagne-t-elle pas d'une accumulation de cette protéine dans les lymphocytes B infectés ? Mais, surtout, comment expliquer que les peptides provenant des DRiP ne soient pas non plus présentés ? Les DRiP, pour defective ribosomal products, sont l'ensemble des polypeptides issus des inévitables erreurs qui surviennent au niveau traductionnel (mauvaise incorporation d'acides aminés, arrêt prématuré de la traduction ou délétion de résidus ; la traduction s'effectuant dans la phase ouverte de lecture correcte) et post-traductionnel (lors du repliement de la protéine, de son association avec d'autres protéines pour former des complexes multimériques ou de son adressage dans la cellule. Ils représenteraient au moins 30 % des protéines néosynthétisées. Rapidement dégradés, ils sont considérés comme une source importante de peptides antigéniques.
Les auteurs de ce travail publié dans Science sont partis d'une observation tout à fait inattendue : la concentration de la protéine EBNA1 dans les cellules exprimant la protéine sauvage (EBNA1wt) est inférieure à celle dans les cellules exprimant la protéine délétée du GAr (EBNA1ΔGAr), alors que le niveau de base et la stabilité des ARNm correspondants sont similaires. Ce résultat indique que d'autres mécanismes doivent intervenir dans la régulation de l'expression de cette protéine. Les auteurs ont ensuite montré que la traduction in vitro de l'ARNm codant EBNA1wt est 11 fois moins efficace que celle de l'ARNm codant EBNA1ΔGAr. Ils ont donc conclu que le GAr inhibe la traduction de l'ARNm codant EBNA1wt. Ils ont précisé que cet effet ne s'exerce qu'en cis, qu'aucune autre séquence n'est nécessaire et que la séquence codant le GAr doit être située dans la région traduite de l'ARNm, plus particulièrement en 5'. L'ensemble de ces résultats suggère que l'effet n'est pas dû à la séquence nucléotidique codant le GAr mais à la séquence peptidique, ce qui a été confirmé par l'utilisation d'anticorps dirigés contre le GAr.
L'inhibition de la traduction de l'ARNm codant EBNA1 dépendant de la position du GAr au sein de la protéine, ce qui n'est pas le cas de l'inhibition de la dégradation d'EBNA1, les auteurs ont démontré que l'inhibition de la dégradation d'EBNA1 par le protéasome n'est pas suffisante pour empêcher la présentation des épitopes. Finalement, le meilleur moyen pour qu'une protéine ne soit pas présentée est qu'elle soit faiblement synthétisée, tout en la maintenant à une concentration où elle est fonctionnelle. Cette double régulation semble être assurée par le GAr qui, par un mécanisme encore inconnu, contrôle à la fois l'activité des ribosomes et celle du protéasome.

Référence

Yin Y, Manoury B, Fahraeus R. Self-inhibition of synthesis and antigen presentation by Epstein-Barr Virus-encoded EBNA1. Science 2003 ; 301 : 1371-4.