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Les tumeurs ORL avancées font connaissance avec l’immunothérapie : enfin une seconde ligne efficace après échec d’un sel de platine ! Volume 11, numéro 3, Juillet 2016

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Aucune communication sur l’immunothérapie lors de la session orale des cancers ORL qui faisait la part belle aux stratégies thérapeutiques. Les sujets abordés : la chimiothérapie d’induction ou le meilleur traitement concomitant à la radiothérapie dans des situations qui restent curatives. Néanmoins, l’immunothérapie des tumeurs ORL a fait l’objet d’un « Clinical Science Symposium » au titre très évocateur : « Harnessing the immune system in head-and-neck cancer : evolving standards in metastatic disease ». Même si l’on comprend peu la langue de Shakespeare, le message de l’apparition de nouveaux standards en situation métastatique est on ne peut plus clair, et ce grâce à l’immunothérapie.

En situation localement avancée non curative ou métastatique, le standard de prise en charge reste une chimiothérapie à base de platine +/- cétuximab avec des médianes de survie sans progression de l’ordre de 5 mois et de survie globale de 10 mois. En seconde ligne, il n’existe pas de standard démontré et il est proposé soit un taxane soit du méthotrexate avec des taux de réponse faibles et un impact non démontré sur la survie (médiane inférieure à 6 mois) et la qualité de vie.

C’est dans cette situation difficile d’échec après un traitement à base de platine qu’ont été rapportés ou actualisés les résultats de plusieurs études de phases I à III explorant la tolérance ou l’efficacité d’un inhibiteur de checkpoint immunologique.

Tout d’abord l’étude checkmate-141, déjà présentée en session orale au dernier AACR, a été à nouveau discutée [1]. Cette étude de phase III randomisée a comparé, avec un rapport 2/1, une monothérapie par nivolumab (anti-PD-1), 3 mg/kg i.v. tous les 14 jours, à un traitement laissé au choix de l’investigateur (monothérapie hebdomadaire par docétaxel, méthotrexate ou cétuximab) chez des patients ayant progressé pendant traitement ou dans les 6 mois suivant la dernière dose de platine. L’étude est positive pour la survie globale, son objectif principal (Fig. 1). La survie globale médiane passe de 5,1 mois dans le bras standard à 7,5 mois dans le bras nivolumab (HR = 0,70 ; IC 97.5 % = 0,51-0,96 ; p = 0,0101). 36 % des patients sous nivolumab sont en vie à 12 mois contre 16,6 % dans le bras standard. Ce bénéfice en survie est observé quel que soit le statut HPV et le niveau d’expression de PD-L1. Ces résultats ont amené à la clôture prématurée de l’étude en décembre 2015 après la première analyse intermédiaire. Au moment de l’analyse, 17,4 % des patients sous nivolumab étaient toujours en traitement contre 2,7 % dans le bras standard. De manière intéressante, on remarquera que la survie sans progression est la même dans les 2 bras : 2,3 mois pour le bras standard versus 2,0 mois pour le nivolumab (HR = 0,89; IC 95% = 0,70-1,1 ; p = 0,3236) comme cela a été observé pour d’autres types tumoraux. Ce résultat reflète le caractère tardif des réponses parfois observées sous inhibiteurs de checkpoints. Le taux de réponses reste néanmoins relativement faible : 13,3 % pour le nivolumab versus 5,8 %, avec un taux de contrôle tumoral (répondeurs et stables) équivalent dans les 2 bras (respectivement de 36,2 % et 41,3 %). Cela illustre parfaitement le profil d’efficacité de ce nouveau type de médicament avec des durées de réponse ou de stabilisation prolongées qui au final font la différence en survie globale, même si au premier abord la survie sans progression ou le taux de contrôle tumoral peuvent paraître faibles. La tolérance était en faveur du bras nivolumab avec un taux d’effets secondaires de grade 3 et 4 de 13,1 % versus 35,1 % et une meilleure qualité de vie. La conclusion des auteurs est que le nivolumab est le nouveau standard de traitement pour les cancers ORL en rechute locorégionale ou métastatique après échec d’un sel de platine.

En ce qui concerne la série des essais « keynote » avec le pembrolizumab (anti-PD-1), les données de l’étude de phase Ib keynote-012 ont été actualisées après un suivi de plus de 16 mois depuis la fin des inclusions [2]. Les objectifs principaux de l’étude étaient la tolérance et le taux de réponses selon RECIST 1.1. 192 patients en échec du cisplatine et du cétuximab ont été inclus et traités par pembrolizumab en monothérapie (10 mg/kg i.v. tous les 14 jours ou 200 mg i.v. tous les 21 jours). Les patients étaient lourdement prétraités : 45 % d’entre eux avaient reçu plus de 2 lignes de traitement antérieures et 86 % étaient à un stade métastatique M1 (stade IVc).

Le taux de réponses était de 18 % (IC 95 % = 13-24) avec 17 % de stabilisations additionnelles pour un taux de contrôle tumoral de 35 %. Surtout, 65 % des répondeurs maintiennent une réponse durable à ce jour et le quart d’entre eux finissent par obtenir une réponse complète avec une durée médiane de réponse non atteinte pendant l’étude (figures 2 et 3). La survie sans progression était de 2 mois (IC 95% = 1,9-2,1) et la survie globale de 8 mois (IC 95% = 6-10) avec une survie à 12 mois de 38 %.

Enfin, et pour clore cette session dédiée à l’immunothérapie des cancers ORL, les résultats préliminaires de l’étude de phase II keynote-055, effectuée après échec d’un sel de platine et du cétuximab, ont été présentées pour la première fois [3]. Cette étude était la suite (pas forcément logique…) de l’étude précédente (keynote-012) et consistait en un bras unique de patients traités à la dose de 200 mg i.v. toutes les 3 semaines avec les mêmes objectifs principaux que ceux de keynote-012 : taux de réponse selon RECIST 1.1 et tolérance. L’étude a inclus 172 patients et les données préliminaires d’efficacité sont disponibles pour 92 patients avec un recul > à 6 mois. 42 % des patients avaient déjà reçu plus de 2 lignes de traitements antérieurs. Le taux de réponses était de 17 % (IC 95% 9-28) avec 19 % de stabilisations additionnelles pour un taux de contrôle tumoral de 36 %. Les réponses ne dépendent pas du statut HPV ni du niveau d’expression de PD-L1. La médiane de survie sans progression est de 2,1 mois (IC 95 % = 2,0-2,3) et la médiane de survie globale de 8 mois (IC 95 % = 8-11) avec un taux de survie à 6 mois de 65 % dans cette analyse non définitive. Le profil de tolérance du pembrolizumab est habituel dans cette population. On peut légitimement discuter la pertinence de cette étude de phase II non contrôlée qui retrouve, dans la même population de patients, exactement les mêmes données d’efficacité et de tolérance que la précédente keynote-012, mais avec moins de patients inclus que dans la phase I !

Sur la base de keynote-012 et -055, deux études de phase III randomisées, keynote-040 après échec du platine et keynote-048 en première ligne, sont en cours.

Les données d’efficacité de ces 3 études sont d’une similarité frappante et sont résumées dans le tableau 1

Conflits d’intérêts : Investigateur principal pour l’étude keynote-048