JLE

e-VEGF-IMMUNO-actu

MENU

Cancer du sein et angiogenèse : peu…, mais pas rien ! Volume 10, numéro 2, Juillet-août 2015

Illustrations


Certains diraient que cette édition du congrès de l’ASCO ne fût pas une « très grande édition » pour la cancérologie mammaire et les approches anti-angiogéniques. Une recherche sur le site du congrès de l’ASCO des termes « VEGF, angiogenesis, breast cancer » ne retrouve à peine qu’une vingtaine d’abstracts. Pourtant, quelques informations sont tout de même intéressantes pour la pratique clinique et la compréhension de l’intérêt des approches anti-angiogéniques.

Anti-angiogéniques et cancers du sein hormono-dépendants

La communication la plus importante sur le plan clinique a été l’étude PALOMA 3 [1]. Il s’agit d’un essai de phase III randomisé en double aveugle, évaluant le fulvestrant avec (347 patientes) ou sans (174 patientes) palbociclib chez des patientes ménopausées ou non ayant un cancer du sein métastatique RH+, HER2 ayant progressé après un premier traitement anti-hormonal. Le critère principal de l’étude était la survie sans progression. La médiane de survie sans progression était de 9,3 mois pour le bras avec palbociclib, contre 3,8 mois pour le bras sans palbociclib (HR = 0,422 [95% CI : 0,318-0,560], p < 0,000001). Pourtant, plusieurs études, ces dernières années, avaient essayé d’améliorer les traitements antihormonaux en situation métastatique en y adjoignant une thérapie ciblée. Parmi celles-ci, le bévacizumab a été étudié dans deux essais randomisés. L’étude LEA, publiée cette année dans le Journal of Clinical Oncology a comparé, en première ligne métastatique, un traitement antihormonal (létrozole ou fulvestrant) au même traitement associé au bévacizumab [2]. Cette étude a inclus 380 patientes ; elle est considérée comme négative (HR = 0,83 [95% CI : 0,65-1,06], p = 0,126), malgré une survie sans progression passant de 14,4 mois à 19,3 mois. Une analyse de l’influence de l’hypertension artérielle (HTA) associée à 11 polymorphismes de gènes associés à l’HTA (ACE, AGTR1, AGT, VEGF, ADRB1, ADRB2, GNB3, NOS3) chez 117 patientes a été présentée au congrès cette année [3]. Dans la population générale, les patientes ayant présenté une HTA ont une meilleure survie sans progression, de 21,9 mois vs 12 mois (HR = 0,55 [95% CI : 0,43-0,71], p < 0,001), mais également une survie globale améliorée, passant de 41,6 mois à 48,6 mois (HR = 0,55 [95% CI : 0,38-0,79], p = 0,001). Cette différence a été retrouvée dans la population étudiée pour le polymorphisme. Les variants rs1799752 (287pbIN/DEL) de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et rs5186 (M235T) du récepteur de type 1 de l’angiotensine étaient associés à un risque plus élevé d’HTA (p < 0,05). Les auteurs, avec les limites d’une petite étude de population, ont retrouvé une corrélation entre rs1799752 (287pbIN/DEL) et la survie sans progression (p = 0,04), ainsi que le polymorphisme VEGF2578 et la survie globale (p = 0,0045).

La seconde étude évaluant l’impact de l’adjonction du bévacizumab à un traitement antihormonal en phase métastatique a également été présentée au congrès. Il s’agit de l’étude CALGB 40503 (ALLIANCE)/CTSU 40503/NCT00601900 qui a inclus 352 patientes en première ligne métastatique et comparé le létrozole avec ou sans bévacizumab [4]. Cette étude est positive en faveur du bras « association », avec une amélioration de la survie sans progression passant de 16 mois à 20 mois (HR = 0,74 [95% CI : 0,58-0,95], p = 0,016), sans impact toutefois sur la survie globale passant de 41 mois à 47 mois (HR = 0,84 [95% CI : 0,61-1,15], p = 0,27) (figure 1).

Les résultats d’un essai de phase II explorant l’association du pazopanib à un inhibiteur de l’aromatase non stéroïdien (IANS) ont également été présentés [5]. Dans cette étude, le pazopanib a été ajouté au traitement de patientes traitées par IANS et progressant après un mois d’exposition à ce traitement. Le pazopanib à la posologie de 800 mg/jour a été ajouté au létrozole ou à l’anastrozole. Malgré 30 % d’arrêts du traitement pour toxicité, le taux de bénéfice clinique à 12 semaines est de 44 % et à 24 semaines de 22,2 %. Cette étude est une preuve du concept préclinique de l’intérêt potentiel des anti-angiogéniques dans la population hormono-résistante.

Facteurs prédictifs de réponse aux traitements anti-angiogéniques en situation néoadjuvante

L’essai randomisé de phase II NeoAva, a évalué l’impact de l’addition du bévacizumab à une chimiothérapie séquentielle (anthracyclines puis taxanes) sur la réponse complète histologique (pCR) pour des cancers de taille ≥ 25 mm3 [7]. Les auteurs ont rapporté une augmentation du taux de pCR en cas d’utilisation du bévacizumab (10,6 % vs. 21,1 %), mais plus dans la population hormono-dépendante (9 patients sur 12) que dans la population n’exprimant pas les récepteurs (5 patients sur 9). Une étude génomique a montré, dans la population hormono-dépendante, une expression plus importante des gènes impliqués dans la réponse immune chez les patients ayant obtenu une pCR. Un autre essai néoadjuvant, BEVERLY2, avait évoqué l’impact du bévacizumab en association avec la chimiothérapie dans les cancers du sein inflammatoires HER2 positifs [8]. À partir du plasma des patients traités dans cette étude, les auteurs ont montré qu’un taux élevé de MMP2 associé à des valeurs faibles de MMP9 à l’initiation du traitement sont des facteurs pronostiques importants [9].

Même si le congrès de l’ASCO 2015 n’a pas été une « grande année » en ce qui concerne les traitements anti-angiogéniques dans le cancer du sein, leur utilisation optimale et leur intérêt éventuel en association avec les traitements immuno-modulateurs rendent nécessaire de continuer à s’intéresser à ce domaine de la recherche clinique.

Liens d’intérêts : L’auteur n’a pas précisé ses éventuels liens d’intérêts en rapport avec cet article.