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Association bévacizumab – paclitaxel dans le traitement du cancer du sein HER2 négatif en première ligne métastatique : les données de la vraie vie Volume 11, numéro 4, Octobre 2016

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Malgré des avancées scientifiques considérables, le cancer du sein métastatique reste une maladie incurable, la médiane de survie globale (SG) ne dépasse en effet pas 36 mois pour les tumeurs HER2 (human epidermal growth factor receptor 2) négatives [1]. Très peu de traitements en première ligne ont montré un bénéfice en survie globale excepté les thérapeutiques anti-HER2.

Le bévacizumab est un anticorps monoclonal anti-VEGF (vascular endothelial growth factor), inhibant ainsi l’angiogenèse [2]. L’efficacité du bévacizumab dans le traitement du cancer du sein au stade métastatique fait l’objet, ces dernières années, de discussions au sein de la communauté scientifique et médicale.

Le bévacizumab a été approuvé par la FDA (food and drug administration) en 2008 pour le traitement du cancer du sein métastatique HER2 négatif en première ligne, en association au paclitaxel après les résultats de l’étude pivot (E2100) [3]. Cette étude a montré un bénéfice en survie sans progression (SSP) de 6 mois en faveur de l’association thérapeutique ; cependant, il n’y avait pas d’impact sur la survie globale (SG).

Deux autres études ont été menées pour tester l’association du bévacizumab avec d’autres médicaments cytotoxiques ; elles n’ont pas permis de montrer de bénéfice en survie globale [4, 5, 6] (tableau 1).

En 2011, la FDA a révoqué son approbation pour l’utilisation du bévacizumab dans le cancer du sein métastatique ; cependant la combinaison thérapeutique est toujours approuvée dans plusieurs pays avec certaines restrictions.

Les données de vie réelle sont des outils complémentaires pour l’évaluation de l’efficacité de certaines thérapeutiques, l’importance de ces données est encore plus importante pour l’usage de certains médicaments dont l’utilisation est très restrictive.

ESME (epidémio stratégie médico économique), est une base de données de patients atteints de cancer du sein métastatique initiée dans les 18 centres de lutte contre le cancer gérée par UNICANCER.

L’étude en bref

Cette étude rétrospective porte essentiellement sur les patients atteints d’un cancer du sein métastatique HER2 négatif traités en première ligne par du paclitaxel avec ou sans bévacizumab du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2013. Cette étude avait comme objectif primaire la SG et comme objectif secondaire la survie sans progression (SSP).

Résultats

Parmi les 14 014 patients identifiés dans la base de données ESME, 10 605 avaient un cancer du sein métastatique HER2 négatif, et parmi eux, 3 426 avaient eu un traitement de première ligne à base de paclitaxel : 2 127 (62,1 %) en association (paclitaxel avec bévacizumab) et 1 299 (37,9 %) recevant du paclitaxel seul (figure 1).

Par rapport au groupe paclitaxel seul, les patients ayant reçu l’association de paclitaxel et de bévacizumab étaient plus jeunes (médiane d’âge : 55 ans vs. 63 ans ; p < 0,001), avaient une prévalence plus faible de métastases cérébrales (5,3 % vs. 8,2 % ; p < 0,001), moins de métastases pulmonaires et pleurales mais plus de métastases hépatiques (40,9 % vs. 35,9 %, p = 0,004). La durée médiane de suivi a été plus longue dans le groupe de patients ayant reçu l’association paclitaxel + bévacizumab (33,8 vs. 27,2 mois, IC à 95 %).

En analyse multivariée, comme cela était attendu, la survie globale a été plus longue dans le groupe paclitaxel + bévacizumab par rapport au groupe paclitaxel seul, avec une médiane de survie de 27,7 mois (95 % CI : 25,7 à 29,0) vs. 19,8 mois (18,3 à 21,0) (HR = 0,672 ; IC à 95 % 0,601 à 0,752) (figure 2).

La SSP était significativement plus longue dans le groupe paclitaxel + bévacizumab que dans le groupe paclitaxel seul : 8,1 vs. 6,4 mois) (HR = 0,739 ; 95 % CI = 0,672-0,813).

Commentaire

Le programme ESME représente la première et la plus grande base de données européenne incluant plus de 14 000 patients atteints d’un cancer du sein métastatique.

Dans les essais cliniques, la puissance d’analyse de la SG est souvent faible par rapport à la SSP, essentiellement en raison des faibles effectifs de patients et de la durée plus longue de survenue d’événements [7]. L’intérêt d’avoir de grandes études observationnelles incluant un nombre important de patients et un suivi plus long est donc primordial ; ces études permettent d’avoir des données complémentaires indispensables pour l’évaluation du traitement.

Cette étude a en effet plusieurs points positifs. On note, d’une part, la standardisation de la procédure de sélection des patients dans les 18 centres anticancéreux, et l’application d’une méthodologie statistique permettant de réduire au maximum les biais de sélection. L’analyse a donc porté sur un grand nombre de cas bien documentés.

Cependant l’étude a certaines limitations, notamment en ce qui concerne la sélection des patients suivis et traités uniquement dans les centres anticancéreux ; l’extrapolation des résultats à d’autres institutions est difficile. On note aussi que l’étude est rétrospective et observationnelle.

Dans cette étude, la SG est significativement plus élevée dans le groupe des patients ayant reçu bévacizumab + paclitaxel par rapport au groupe paclitaxel seul (HR = 0,672 ; médiane : 27,7 vs. 19,8 mois) de même que pour la SSP (HR = 0,739 ; 8,1 vs. 6,4 mois). En revanche, aucune des trois études de phase III ayant testé le bévacizumab en association à la chimiothérapie en première ligne de traitement n’avait montré un bénéfice en SG [3, 4, 5, 6].

L’étude E2100 était la seule ayant testé l’association paclitaxel et bévacizumab. Incluant 722 patients, l’étude avait montré un bénéfice significatif en SG à un an en faveur de l’association thérapeutique (81,2 % et 73,4 %, respectivement ; p = 0,01) mais ce bénéfice disparaissait au-delà de un an de suivi (médiane, 26,7 vs. 25,2 mois ; HR = 0,88 ; p = 0,16.

Conclusion

Bien que la place du bévacizumab dans le traitement du cancer du sein métastatique en première ligne reste controversée, il s’intègre dans une stratégie prometteuse pour les cancers du sein HER2 négatifs, notamment en association avec le paclitaxel.

Liens d’intérêts : L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.