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Hydatidose hépatique compliquée d’un cavernome porte par essaimage veineux portal. A propos d'un cas Volume 30, numéro 1, Janvier-Février 2018

Illustrations


  • Figure 1

  • Figure 2

  • Figure 3

  • Figure 4

La découverte d’un cavernome porte impose une recherche étiologique. L’hydatidose hépatique en est une cause qui n’est pas rare dans les pays du Maghreb où elle sévit en état endémique [1]. À cause de ses localisations exceptionnelles, le kyste hydatique du foie (KHF) est loin d’être une affection bénigne ; il pose parfois de réels problèmes dans sa prise en charge thérapeutique. L’effraction et le développement progressif de l’hydatide dans le système veineux porte sont une situation exceptionnellement décrite dans la littérature [2]. Nous rapportons une observation radiologique qui documente une effraction avec infestation larvaire latente du système veineux porte associée à un développement progressif et asymptomatique d’un cavernome porte.

Observation

Il s’agit d’un patient âgé de 37 ans connu et régulièrement suivi depuis 2014 pour un KHF multi-loculé du lobe gauche asymptomatique. Au cours de son suivi radiologique par des examens échographiques, le caractère évolutif de son hydatidose hépatique était suspecté ; il devenait inquiétant face à l’apparition d’une symptomatologie intermittente peu bruyante faite essentiellement d’accès de coliques hépatiques itératives progressivement résolutives. L’examen physique a montré une sensibilité de l’hypochondre droit sans fièvre, ni ictère, ni masse palpable. Le bilan biologique ordinaire était strictement normal et la sérologie hydatique était fortement positive. L’examen échographique a objectivé un kyste hydatique du lobe gauche associé à des formations anéchogènes ovales contiguës en projection de la veine porte et ses deux branches de division. Le mode doppler a révélé un peloton caverneux en sous hilaire sans flux couleur dans la veine porte. Pour une étude plus affinée et une cartographie exacte de la localisation du kyste, l’exploration scanographique (TDM) en triple phase a été réalisée en premier, puis complétée par une imagerie par résonnance magnétique (IRM) hépatique à titre iconographique. Le scanner a confirmé les constats échographiques ; extension du kyste au lobe gauche avec développement dans le tronc porte et ses branches ainsi que des troubles de perfusion hépatique (figure 1a, figure 2b). Le caractère chronique de cette compression parasitaire était évident du fait de l’apparition d’un peloton de suppléance porto-porte en hilaire hépatique et en péri-cystique témoignant ainsi d’une hypertension portale (figure 1b, figure 2a, b). Quant aux images IRM, elles ont montré exactement les mêmes données iconographiques de comblement de l’arbre portal vues au scanner (figure 3a, b), et ont permis de préciser l’absence de biliopathie portale : dilatation biliaire concomitante (figure 4). Une fibroscopie oeso-gastro-duodénale a été réalisée ; elle a prouvé l’existence des signes indirects d’hypertension portale asymptomatique, en l’occurrence des varices sous muqueuses œsophagiennes et en cardio-tubérositaire de bas grade.

Après une discussion en réunion de concertation multidisciplinaire, la sanction chirurgicale a été unanimement récusée vu le risque majeur peropératoire : hémorragie dès vidange du kyste ; choc anaphylactique léthal par embolie pulmonaire parasitaire à la moindre mobilisation du foie et, même par complications thrombotiques sur le système porte ou ses voies de dérivation, d’autant plus que le bénéfice attendu était incertain du fait du caractère chronique de l’obstacle supplanté par le cavernome porte et le caractère asymptomatique de l’hypertension portale. Par conséquent, une surveillance régulière moyennant un traitement médical a été retenue guettant l’apparition des complications notamment hémorragiques.

Discussion

La découverte d’un cavernome porte au cours du suivi d’un KHF est une situation inhabituelle, bien que ce dernier soit considéré comme une parasitose classiquement bénigne due au développement intra-hépatique de l’Echinococcus granulosus. Il demeure toutefois un problème de santé publique dans certains pays du pourtour méditerranéen à forte endémie, comme l’Algérie et la Tunisie [1]. Contrairement aux parois des voies biliaires, dont la rigidité et la finesse prédisposent facilement à la rupture, son ouverture directe par effraction vasculaire de contiguïté ou par rupture est exceptionnelle, estimée à 0,8 % selon une étude multicentrique [3] ; une mortalité opératoire non négligeable grève parfois les complications vasculaires des kystes hydatiques non correctement évalués en préopératoire. Dans notre observation, la découverte d’un cavernome porte au cours du suivi radiologique périodique d’un patient connu pour KHF asymptomatique, est une surprise inhabituelle, d’autant plus que cette complication vasculaire est due non pas à une compression mécanique extrinsèque classique mais plutôt à une effraction veineuse directe du système porte, avec prolifération des vésicules filles en endoluminal, à l’origine ainsi d’un obstacle au flux porte hépatopète, de trouble de perfusion et apparition de voies de dérivation porto-porte, comme illustrées dans les iconographies TDM et IRM. À notre connaissance, une dizaine de cas révélés par une hypertension portale ont été décrits dans la littérature depuis la publication du premier cas dans les années 1990 [4-6]. La compression des structures vasculaires intra- ou péri-hépatiques est le plus souvent latente et bien tolérée [7]. Lorsque celle-ci est symptomatique, différents tableaux cliniques peuvent être rencontrés : hypertension portale, syndrome cave inférieur, syndrome de Budd Chiari (compression du carrefour cavo-hépatique), syndrome de cholestase par biliopathie portale et tableau de choc anaphylactique ou d’embolie pulmonaire qui peuvent compliquer une rupture dans la veine cave inférieure. Le diagnostic repose sur l’imagerie ; l’écho-doppler est l’examen de choix [1]. Il permet de poser le diagnostic de KHF en précisant le siège, le contenu des kystes, leur nombre ainsi que les rapports vasculaires et biliaires intra-hépatiques et d’évaluer les rapports du kyste hydatique avec les axes vasculaires (veine porte, veines sus-hépatiques, veine cave inférieure) et de détecter des signes en faveur d’une complication : thrombose, cavernome porte et hypertension portale. Le scanner est indispensable en préopératoire et dans tous les cas face à toute difficulté ou doute diagnostic à l’échographie [1]. L’imagerie IRM est très contributive si une sanction chirurgicale est envisagée. La sérologie hydatique est parfois inconstamment positive [8]. La fibroscopie oeso-gastro-duodénale est indiquée en phase symptomatique d’une hypertension portale, elle permet de faire le diagnostic, la quantification des varices œsophagiennes ou gastriques et de réaliser un geste hémostatique endoscopique en cas de saignement en attendant le traitement étiologique dès que possible. La rupture intravasculaire ou l’ouverture d’un KHF dans les gros vaisseaux par érosion pariétale de contiguïté serait la conséquence d’un double facteur : mécanique et inflammatoire ; elle se fait habituellement dans la veine cave inférieure, dans les veines hépatiques et exceptionnellement dans la veine porte [2, 9]. En effet, la richesse de la paroi vasculaire en fibres élastiques explique ses propriétés de compliance d’où la rareté de l’ouverture dans les gros vaisseaux. Au contraire, la compression vasculaire où il existe plusieurs arguments cliniques et radiologiques prédictifs, permet dans la plupart des cas de maîtriser les difficultés peropératoires et donc de prévenir la survenue de complications hémorragiques ou thrombotiques. La rupture dans un vaisseau est le plus souvent de découverte peropératoire [2] ; la rupture dans les gros vaisseaux ou dans les vaisseaux avoisinants est très rare, estimée dans la littérature à 0,05 % [2]. La fissuration vasculaire latente expose à un risque majeur de rupture peropératoire. En effet l’ouverture d’un KHF dans un vaisseau, fait communiquer des cavités où le régime des pressions est différent, le gradient résultant de pression kysto-vasculaire est important [10] et la fissure vasculaire se trouve colmatée par l’hydatide accolée à l’adventice. Le traitement est médico-chirurgical ; son objectif est de lever l’obstacle. Le geste chirurgical doit être bien préparé et mûrement réfléchi, avec prise de précautions en temps vasculaires, anesthésiques et lors de la moindre manipulation manuelle du kyste. Il devrait être réservé aux centres spécialisés de chirurgie hépatique et vasculaire, la mortalité peropératoire était loin d’être négligeable. En peropératoire dès évacuation du contenu kystique, la pression chute d’une façon brutale et la mobilisation de la membrane proligère laisse la brèche découverte d’où le saignement intra-kystique ; la thrombose et la chute tensionnelle brutales sont rapportées dans la littérature [11]. Certaines équipes chirurgicales préconisent la prise d’albendazole en périopératoire pour éviter la dissémination hydatique et la récidive [9, 12].

Conclusion

La maladie hydatique reste fréquente et bénigne en pays d’endémie ; ses complications vasculaires sont rares mais parfois graves. La découverte d’un cavernome porte sur KHF asymptomatique est exceptionnelle. Il est encore plus inédit de le voir se développer à la suite d’une localisation hydatique endoveineuse portale. La place de l’imagerie en coupe est primordiale, elle permet d’offrir une cartographie vasculaire et lésionnelle précise, de contribuer à la bonne décision du choix thérapeutique et de prévoir les risques peropératoires.

Liens d’intérêts

les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt.

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