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Épistaxis et traitements antithrombotiques Volume 26, numéro 3, Mai-Juin 2014

Auteurs
1 Coordinatrice de la clinique d’anticoagulation (CREATIF, Centre de Référence et d’Éducation des Anti-Thrombotiques d’Ile-de-France), Hôpital Lariboisière, 2 rue Ambroise Paré, 75475 Paris cedex 10, France
2 Responsable médical de la clinique d’anticoagulation (CREATIF, Centre de Référence et d’Éducation des Anti-Thrombotiques d’Ile-de-France), Hôpital Lariboisière, 2 rue Ambroise Paré, 75475 Paris cedex 10, France ; Université Paris VII Denis Diderot
* Tirés à part

Les épistaxis sont la première cause de consultation pour un événement hémorragique dans les services d’urgences.

Deux tiers de ces patients adultes présentent une épistaxis idiopathique mais un traitement antithrombotique (anticoagulant et/ou antiplaquettaire) est la première étiologie d’induction ou d’aggravation du saignement. Les données des USA permettent d’estimer que pendant les années 2006-8 : 60 000 patients sous traitement AVK ont présenté une épistaxis suffisamment grave pour nécessiter la consultation d’un service d’urgence. Il est estimé qu’un nombre similaire de patient sous aspirine a consulté pour une épistaxis. Donc, dans les années récentes un tiers des épistaxis pris en charge dans les services d’urgence l’étaient pour un patient sous traitement antithrombotique et d’un point de vue risque, l’aspirine et/ou le clopidogrel comme les AVK augmentent l’incidence des épistaxis d’un facteur 5 à 10 fois. Mais c’est une vision classique des années passées qui va être amplifiée/aggravée par la large utilisation des nouveaux anticoagulants et des nouveaux antiplaquettaires récemment commercialisés :

– parce que les nouveaux antiplaquettaires sont beaucoup plus puissants que ceux classiquement prescrits ;

– parce que les nouveaux anticoagulants oraux ne sont plus régulièrement monitorés comme le sont encore les AVK et qu’ils présentent un risque d’accumulation en cas de mésusage en particulier chez les patients fragiles (dégradation de la fonction rénale, âge avancé, faible poids) ;

– parce qu’en France le nombre de patients anticoagulés a doublé dans les toutes dernières années, augmentation due à la conjonction de la facilité d’utilisation de ces nouveaux anticoagulants oraux, de la meilleure application des recommandations de prescription associée au vieillissement de la population : avec le vieillissement, les raisons médicales indiquant un traitement anticoagulant, (principalement la fibrillation atriale) augmentent de manière logarithmique.

La prise en charge thérapeutique d’une épistaxis chez un patient recevant un traitement anticoagulant doit en premier lieu évaluer les pertes sanguines et leurs conséquences circulatoires pour décider de la nécessité de les compenser en fonction de leur degré d’intensité et mettre en place la conduite thérapeutique la mieux adaptée pour arrêter le saignement.

Cette attitude thérapeutique devra satisfaire à plusieurs principes dont certains sont contradictoires :

– identifier la cause de épistaxis : locale (pour mettre en place le moyen le mieux adapté pour stopper le saignement) ou systémique (parmi lesquelles la part du traitement antithrombotique doit être évaluée) ;

– la réponse thérapeutique pour modérer ou reverser le traitement antithrombotique doit mettre en balance le risque thrombotique de la pathologie sous-jacente qui a motivé la prise du traitement et le risque lié à la spoliation sanguine de l’épisode hémorragique actuel pour au mieux stopper l’hémorragie sans faire courir un risque thrombotique majeur au patient ;

– quand l’épistaxis est causée ou aggravée par un traitement antithrombotique, il est nécessaire d’identifier clairement : la ou les molécules responsables, les traitements associés (comme les AINS ou les IRS), la pathologie ayant indiqué le traitement antithrombotique et les comorbidités (en prêtant une attention spéciale à la fonction rénale) et si possible de déterminer la concentration plasmatique et/ou les conséquences hémostatiques pour adapter au mieux la stratégie sur l’antithrombotique et l’intervention locale. Ceci permettant de temporiser jusqu’à ce que l’effet du traitement antithrombotique s’atténue ou de décider si une action additionnelle de réversion est nécessaire.

Comme les nouveaux traitements ont été récemment introduits sur le marché (certains ne l’étant même pas encore), à l’heure actuelle, les expériences de prise en charge des événements hémorragiques et plus spécialement des épistaxis sont assez restreintes. Cette revue va essayer d’aider à comprendre les attitudes thérapeutiques à conseiller actuellement mais il est à prévoir qu’avec l’acquisition d’expérience, il pourra y avoir des ajustements dans le futur.