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Chirurgies ou actes invasifs Volume 20, numéro 7, Juillet 2008

Auteurs
Sservice d’anesthésie-réanimation, Hôtel-Dieu, 1, place du parvis de Notre Dame, 75004 Paris

L’arrêt préopératoire des AVK n’est pas indispensable pour tous les actes réalisés en chirurgie. De nombreuses procédures chirurgicales ou invasives exigent cependant une correction temporaire de l’hémostase. Dans ces cas, le relais des AVK par de l’héparine non fractionnée (HNF) ou une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) permet de réduire le risque thromboembolique. Ce relais n’est pas toujours nécessaire. Il s’associe à une augmentation du risque hémorragique postopératoire et à un allongement de la durée de séjour hospitalier dans le cas de l’HNF.Il n’existe pas de consensus sur la gestion optimale de l’anticoagulation périopératoire des patients traités par AVK. Les données de la littérature sont peu nombreuses et de qualité médiocre. La gestion périopératoire du traitement anticoagulant doit prendre en compte les risques thromboemboliques et hémorragiques de chaque situation. En ce qui concerne la prise en charge des patients porteurs de valves mécaniques (PVM) cardiaques, le risque thromboembolique augmente dès que le traitement est modifié, et il est conditionné par la durée d’interruption du traitement anticoagulant. L’incidence annuelle des complications thromboemboliques graves à l’arrêt des AVK peut être évaluée à 4 % par an chez les patients porteurs de valves mécaniques d’ancienne génération (niveau de preuve 4). Elle est sans doute plus faible pour les valves de nouvelle génération, sans que les données disponibles de la littérature ne puissent préciser ce risque. L’incidence n’est pas uniforme et dépend de plusieurs facteurs de risque. Elle est plus faible en cas de valve en position aortique qu’en position mitrale (niveau de preuve 4), principale situation pour laquelle des complications thromboemboliques ont été décrites. Elle est plus élevée avec les prothèses d’ancienne génération, à cage ou à disque, plutôt qu’avec les prothèses double ailette.Les patients à haut risque thromboembolique ont comme facteurs de risque : un antécédent d’accident vasculaire cérébral constitué ou transitoire datant de moins de 6 mois, la présence d’une prothèse valvulaire mitrale, d’une double valve ou d’une prothèse valvulaire aortique de première génération (cage, disque) et l’existence d’une fibrillation auriculaire (ACFA).Les patients à risque thromboembolique modéré semblent être les patients porteurs d’une valve aortique à ailettes sans ACFA, sans antécédent d’accident vasculaire cérébral et sans autre facteur de risque thromboembolique.Dans tous les cas, et quel que soit le type de valve mécanique, un relais pré et postopératoire des AVK par une héparine sera effectué. S’il n’est pas possible de tirer des conclusions définitives sur la valeur des différentes stratégies notamment en raison des faiblesses méthodologiques des études disponibles, les HBPM apparaissent comme au moins aussi efficaces, plus sûres et plus économiques que l’HNF (niveau de preuve 2). En l’absence d’anticoagulant, les patients porteurs d’une ACFA ont un risque moyen d’embolie systémique de 4 % par an. En fonction de l’association de facteurs de risque, le risque individuel varie de 1 à 20 %. En cas d’antécédent d’AVC, le risque est évalué autour de 12 % par an. Le risque de récidive d’embolie d’origine cardiaque est d’environ 0,5 % par jour dans le premier mois suivant le premier épisode. L’anticoagulation réduit le risque embolique de 66 % pour les patients porteurs d’ACFA. On considère comme étant à risque faible une ACFA sans antécédent thromboembolique et sans valvulopathie, avec un score de CHADS strictement inférieur à 2.Les patients en ACFA aux antécédents d’embolie cérébrale ou systémique sont considérés à haut risque thromboembolique. Ils nécessiteront un relais pré et postopératoire des AVK par une héparine. Sans traitement par AVK, le risque de récidive après un accident thromboembolique veineux est majeur pendant le premier mois et décroît progressivement au cours du premier trimestre. Les AVK diminuent ce risque de 80 % au cours des 3 premiers mois. Au-delà, le risque de récidive à l’arrêt des AVK diminue proportionnellement à la durée du traitement.En l’absence de données spécifiques à la période postopératoire, le risque de récidive lié à l’arrêt des AVK prescrits en raison d’un antécédent thromboembolique veineux est estimé à partir des données existantes en dehors de ce contexte : un mois après l’épisode de MTEV le risque de récidive à l’arrêt des AVK est élevé, estimé entre 7 et 8,5 % contre moins de 4 % après 3 mois. Ce risque est donc à majorer par l’addition du risque thromboembolique propre à la période postopératoire.Les patients à haut risque doivent bénéficier d’un relais pré et postopératoire des AVK par une héparine. Une étude a montré que l’adjonction d’un filtre de veine cave au traitement anticoagulant des thromboses veineuses proximales réduisait le risque d’embolie pulmonaire au 12e jour, mais entraînait un accroissement des thromboses veineuses dans les mois suivants sans réduction de la mortalité à long terme. Les contre-indications au traitement anticoagulant apparaissent de façon consensuelle comme une indication à la pose endovasculaire d’un filtre de veine cave. Mais la définition périopératoire de ces contre-indications reste à préciser.En situation d’urgence et de risque hémorragique non programmé, la prise en charge d’un patient traité par AVK s’apparente à celle des situations hémorragiques, détaillée précédemment. En situation d’urgence chez les patients traités au long cours par AVK, l’administration de CCP permet une correction plus rapide de la coagulation que le plasma (niveau 3). En cas de mise en jeu du pronostic vital, leur administration en bolus permet une normalisation de la coagulation en 3 minutes. Les doses adaptées au poids du patient donnent de meilleurs résultats (niveau 2). Une dose unique est généralement suffisante. Elle doit être associée à l’administration de vitamine K. En préopératoire d’une chirurgie urgente, le plasma n’a pas de place pour la seule antagonisation des AVK.