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Cahiers d'études et de recherches francophones / Santé

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Lutte antivectorielle dans l’épidémie des plateaux de Madagascar Volume 5, numéro 6, Novembre-Décembre 1995

Auteur
Médecin entomologiste-épidémiologiste, Directeur générale de la santé, BP 88 Antananarivo 101, Madagascar.
  • Page(s) : 392-6
  • Année de parution : 1995

Les plateaux ou plus exactement les hautes terres couvrent presque toute la partie centrale de Madagascar à une altitude supérieure à 1 000 mètres. Le climat y est tropical avec alternance d’une saison humide et chaude (octobre/avril), période de recrudescence du paludisme, et d’une saison sèche (mai/septembre), avec une température peu favorable au développement des vecteurs et au cycle extrinsèque du parasite. Le paludisme est instable. La transmission saisonnière courte est quelquefois amplifiée par des pluies anormalement abondantes ou par l’élévation de la température moyenne. La population ne développe que peu ou pas de prémunition. Les épidémies sont meurtrières. La transmission est essentiellement assurée par Anopheles arabiensis, espèce zoophile, exophage et anthropophile d’occasion et An. funestus anthropophile et endophile. À partir de 1949, le Programme de lutte était fondé sur la chimioprophylaxie et les pulvérisations domiciliaires d’insecticides à effet rémanent qui ont donné des résultats spectaculaires en éliminant la maladie d’une manière durable, d’où la mise en place de la zone de surveillance des hauts plateaux (ZSHP). Les efforts de lutte s’amenuisant, la transmission a repris progressivement à partir de 1975 avec des bouffées épidémiques. La plus meurtrière se situe entre 1984 et 1987 et fut marquée par une augmentation des morbidité et mortalité spécifiques. Les facteurs favorisant cette recrudescence du paludisme ont été répertoriés : - le relâchement du système de surveillance ; - le contexte socio-économique entraînant la faiblesse du système sanitaire national et l’inaccessibilité aux médicaments antimalariques pour la masse paysanne ; - la réapparition d’Anopheles funestus, excellent vecteur qui avait été éliminé par les traitements de 1949 à 1960 ; - l’absence quasi totale de la prémunition de la population à la suite de l’éradication ; - les aléas climatiques : passage d’une série de cyclones ; - les mouvements des travailleurs migrants non prémunis, originaires des hautes terres, vers les côtes ou les versants (zones à paludisme stable) pour des travaux agricoles. À partir de 1988, les autorités sanitaires malgaches, avec l’aide internationale et bilatérale, ont mis en place une approche stratégique basée sur la chimiothérapie précoce et la pulvérisation intradomiciliaire de DDT pm 75 à la dose de 2 g/m2. Ces opérations ont pu couvrir des zones focalisées avec successivement 720 000 (1988-1989), 380 000 (1989-1990) et 480 000 (1990-1991) puis 2 400 000 (1993-1994) habitants protégés. L’évaluation de l’efficacité de ces méthodes de lutte a montré des résultats très spectaculaires et concluants sur le plan épidémiologique (prévalence parasitaire, morbidité, mortalité) ainsi que des impacts importants sur les vecteurs (contact vecteurs/hommes, faune résiduelle, raccourcissement de la longévité).