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Cahiers d'études et de recherches francophones / Santé

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Circulation des virus en milieu tropical, socio-écologie des primates et équilibre des écosystèmes Volume 7, numéro 2, Mars-Avril 1997

Auteurs
Laboratoire de primatologie, ORSTOM, BP 1386, Dakar, Sénégal.
  • Page(s) : 81-7
  • Année de parution : 1997

Nos études sur le rôle des singes dans la transmission de la fièvre jaune et des VIS (virus de l’immunodéficience simienne) dans la nature illustrent les conséquences de la modification des écosystèmes sur l’apparition de viroses nouvelles ou sur la résurgence de celles que l’on croyait disparues. En forêt primaire, le cycle selva tique de la fièvre jaune est normalement circonscrit aux singes et aux moustiques vivant en haut des arbres. Le passage à l’homme est une anomalie nécessitant des circonstances que l’on trouve dans la zone de contact forêt-savane, ou lorsque l’homme transforme la forêt en mosaïque et décime la faune simienne, favorisant le contact moustique-homme. En zone d’émergence, une périodicité des épisodes de circulation du virus amaril a été mise en évidence. Lors de ces épisodes, pratiquement tous les singes sont infectés, puis immunisés. La fièvre jaune ne pourra réapparaître que lorsque la population de singes jeunes, non immunisés, sera redevenue suffisamment nombreuse. Les singes ne tombent pas malades. Une hypothèse classique considère que la non-pathogénicité d’un parasite est le résultat d’une sélection réciproque hôte-parasite aboutissant à un équilibre entre l’hôte et le parasite. Le sida est l’une des maladies virales transmissibles apparues récemment. Certaines espèces de singes africains sont porteurs de VIS, des rétrovirus proches des VIH à l’origine du sida chez l’homme. Comme le virus amaril, les VIS ne rendent pas leurs hôtes africains malades. De même que les singes américains meurent de la fièvre jaune, les VIS inoculés à des espèces d’autres continents (macaques) peuvent provoquer un sida. Y a-t-il apparition de pathogénicité lors d’un passage de virus d’un hôte primate à un autre ? Est-ce le cas pour l’homme ? Inoculations expérimentales, découverte de VISagm chez d’autres espèces, structure mosaïque du génome impliquant des recombinaisons, fréquence vraisemblablement élevée de transmissions interspécifiques du virus sont des arguments récents en faveur de cette ancienne hypothèse. Compte tenu du pessimisme actuel quant à la mise au point d’un vaccin HIV-1 à cours terme, la filière singe reste l’une des voies d’espoir. L’apparition de maladies nouvelles ou provenant d’autres zones géographiques, ou encore la résurgence de maladies que l’on croyait disparues est fréquente dès que l’homme modifie des écosystèmes dont il ne maîtrise pas l’équilibre et dès qu’il met en contact des espèces qui ne se sont jamais rencontrées.