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Cahiers d'études et de recherches francophones / Santé

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Approche de la sexualité au Congo dans le contexte du sida Volume 11, numéro 1, Janvier - Février 2001

Auteurs
Service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, Château du Clos Saint-Victor, 3 rue de Chantepie, 37300 Joué-lès-Tours, France.

La pandémie que constitue l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est majeure en Afrique subsaharienne et notamment au Congo. Les conséquences sociales et économiques du sida s’ajoutent à celles d’une guerre civile récente. Dans ce contexte, une politique sanitaire de prévention des conduites à risque peut apparaître comme un défi. L’influence de variables culturelles dans le domaine de la sexualité est sans doute prépondérante dans les pays africains où elle est plutôt tabou. Le débat « sexualité privée/publique » y est particulièrement pertinent. Tel comportement individuel peut être vécu comme une remise en cause de l’ordre social. Dans cette revue de la littérature, les auteurs questionnent la place de la sexualité au Congo, notamment à partir de travaux d’anthropologues [2, 6, 7, 9]. Lors des échanges en 1998 avec des lycéens et collégiens de Pointe-Noire, seconde ville du Congo et capitale économique, ils ont pu constater que ceux-ci avaient un bon niveau de connaissances des mécanismes de transmission de l’infection VIH. Toutefois, celui-ci était associé à un niveau de croyances plus élevé qu’en France. Une analyse attentive d’une de leurs questions récurrente, relative au risque de contamination au cas où le pénis présenterait une irritation ou une blessure, qui porte en apparence sur un point de connaissance, nous paraît au contraire introduire la question des croyances (ou connaissances erronées) et des représentations qu’elles véhiculent. Ces croyances proscrivent des pratiques sexuelles « hors normes » qui seraient génératrices de maux divers. Les étrangers sont désignés à l’origine de cette corruption des mœurs, et la suractivité sexuelle et le « vagabondage sexuel » sont aussi bannis. À travers cela, c’est la dialectique du pur et de l’impur. Le rejet ou la stigmatisation des valeurs étrangères permettant au groupe de retrouver son identité dévoyée. Cet article aborde aussi les réticences vis-à-vis de l’usage des préservatifs et l’omniprésence du discours religieux ou parareligieux. La place des congrégations religieuses est devenue majeure dans la vie quotidienne congolaise. Dans leur activité discursive et interprétative, elles parlent du bien et du mal et donnent du sens à la vie dans ce contexte de pandémie. Enfin, les risques de dérives de ce qu’on pourrait qualifier de « nouvelle sémiologie médicale populaire » sont abordés, ainsi que les formes de dénégation ou déni des risques.