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Cahiers d'études et de recherches francophones / Santé

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« Silence on meurt... » La famine dans le Damergou à l’épreuve des faits Volume 5, numéro 2, Mars-Avril 1995

Auteurs
Mission française de coopération au Niger, Chef du projet Appui au développement sanitaire du département de Zinder, BP 527, Zinder, Niger, Mission française de coopération au Niger, BP 456, Zinder, Niger, Directeur départemental de la Santé, BP 237, Zinder, Niger, Responsable de l’équipe départementale de Surveillance épidémiologique et de prévention, BP 237, Zinder, Niger.
  • Page(s) : 115-23
  • Année de parution : 1995

Ce travail relate l’importance d’une enquête rapide mais sérieuse pour évaluer une situation nutritionnelle précaire dans un contexte médiatique tapageur, réalisée en juillet 1993, dans l’arrondissement de Tanout, le Damergou, département de Zinder, au Niger. En octobre 1992, le Service d’alerte précoce (SAP) du département évalue le déficit de la production agricole de l’arrondissement. Une stratégie d’assistance alimentaire est mise en place sur ces critères avec des distributions de vivres dès le mois de mai. Courant juin 1993, un organisme non gouvernemental s’appuie sur une presse à sensation pour dramatiser la situation et déclare que 75 % des enfants souffrent de malnutrition et que 56 000 personnes sinistrées sont incapables de se déplacer pour aller chercher de la nourriture. La spirale des surenchères à l’aide internationale est lancée sur de simples présomptions, sans doute justifiées mais pas vérifiées. Les premières expertises que le niveau central fait immédiatement réaliser ne permettent pas de dégager d’évaluations fiables ni de recommandations pertinentes. La Direction départementale de la santé de Zinder décide de réaliser une enquête nutritionnelle anthropométrique rapide (ENAR) sur un échantillon représentatif de la population de cet arrondissement. Il s’agit d’une enquête en grappes qui porte sur 29 villages, un échantillon de 1 088 enfants de 6 mois à 6 ans et leurs mères. Ces 29 villages représentent 10 % de la population de l’arrondissement ; 2,8 % des familles ont " émigré " depuis la dernière récolte ; le prix moyen de la tiya (2,5 kg) de mil à 183 F CFA (cours normal en période de soudure) et les réserves de petit bétail de 8,6 têtes par famille ne révèlent pas de crise due à un déstockage massif ; le taux d’attaque de la rougeole dans le mois précédant l’enquête (0,5 %) ne témoigne pas d’un caractère épidémique ; les décès déclarés du mois précédent ne révèlent pas de surmortalité ; le taux d’enfants souffrant de malnutrition (< -2 ET) est estimé à 21,4 % (± 1,9), dont 5 % gravement atteints (< -3 ET). Cette situation est préoccupante, mais sans commune mesure avec la première évaluation. Des comparaisons avec des enquêtes similaires révèlent que les résultats observés dans cette étude correspondent à la situation chronique des zones rurales du Niger en période de soudure. Il est toutefois démontré que, même dans une situation d’urgence, un diagnostic précis peut être établi dans un délai raisonnable. Les informations fournies par ce type d’enquête ont le mérite d’être précises et fiables. Elles constituent une véritable aide à la décision.