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Revue de neuropsychologie

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La classification des aphasies : un bref historique Volume 7, numéro 1, Janvier-Février-Mars 2015

Illustrations


  • Figure 1

Tableaux

Auteur
1 UNICAEN, UMR_S 1077, Caen, France
2 Inserm, U1077, Caen, France
3 EPHE, UMR_S 1077, Caen, France
4 CHU de Caen, Service de neurologie, 14033 Caen, France
* Correspondance

La diversité des formes d’aphasie a été pressentie par Broca lui-même, et c’est lui qui en a proposé la première classification. Les classifications élaborées par la suite furent un reflet fidèle des concepts physiopathologiques de chaque époque. Dès le début, l’aphasie a été considérée comme une entité anatomo-clinique, dont les diverses formes étaient supposées refléter chacune l’atteinte spécifique d’un centre ou d’une voie de connexion. Ce modèle connexionniste, centré autour de l’articulation d’un pôle postérieur et d’un pôle antérieur du langage, reliés entre eux par le faisceau arqué et entourés de structures plus périphériques, a vu le jour dès la fin du xixe siècle. Inventé par Carl Wernicke et perfectionné par ses successeurs, il a trouvé plusieurs représentations graphiques, dont le schéma « de la maison » de Lichtheim est une des plus connues. Dans ce modèle, on trouve les aphasies de Broca, de Wernicke et de conduction, les aphasies « transorticales » sensorielle motrice ou mixte, qui épargnent la répétition, et les aphasies « pures » par atteinte d’une seule modalité linguistique (agraphie, alexie, surdité verbale). Admis par des générations de neurologues, de Jules Dejerine à Norman Geschwind, ce type de modèle a résisté aux attaques des défenseurs d’une conception holistique du langage, de Pierre Marie à Kurt Goldstein. Dans le dernier quart du xxe siècle, l’avènement de l’imagerie cérébrale a conduit à nuancer voire à remettre en cause certains schémas anatomo-cliniques et à introduire des concepts inédits comme les aphasies « sous-corticales », qualifiées de dissidentes. La réelle nouveauté a été l’apport conjugué, d’abord de la linguistique, ensuite de la neuropsychologie cognitive. En appliquant à l’aphasie les grilles de lecture de la linguistique structurale, Roman Jakobson a introduit les niveaux hiérarchiques d’articulation et la notion d’axes syntagmatique et paradigmatique dans l’analyse du langage pathologique. L’avènement de la neuropsychologie cognitive a, parallèlement, contribué à l’élaboration de modèles de traitement de l’information linguistique, déduits de l’étude des productions des sujets aphasiques indépendamment des lésions cérébrales. De nouveaux syndromes purement cognitifs ont ainsi pu être identifiés, à partir desquels la recherche de corrélations anatomo-cliniques se donne aujourd’hui de nouveaux objectifs.