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Médecine thérapeutique / Pédiatrie

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Maladies mitochondriales et diabète sucré Volume 2, numéro 6, Novembre-décembre 1999

Auteurs
INSERM U. 342 et endocrinologie pédiatrique, Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 82, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris, France.

L e diabète est souvent l’un des éléments cliniques des maladies mitochondriales multi-organes. Cependant, l’identification récente d’anomalies de l’ADN mitochondrial dans des cas de diabète relativement isolé soulève le problème de leur fréquence, de leurs mécanismes et de leur pronostic. L’anomalie génétique la plus souvent rencontrée est la mutation 3243, qui porte sur l’ARNt de la leucine. Elle semble responsable d’environ 1,5 % des cas de diabètes familiaux. Ces diabètes ont en commun une transmission matrilinéale, un début souvent non insulino-dépendant après l’âge de 30 ans, avec passage secondaire à un traitement par l’insuline, l’association à une surdité dans 60 à 80 % des cas et plus rarement à des signes neurologiques (syndrome MELAS), cardiaques (cardiomyopathie) ou oculaires (atteinte rétinienne). Les autres anomalies génétiques décrites jusqu’à présent (autres mutations, remaniements complexes de l’ADN mitochondrial) font habituellement associées à des tableaux cliniques complexes qui font suspecter d’emblée une atteinte mitochondriale. Le mécanisme précis de l’atteinte élective des cellules b en cas de mutation de l’ADN mitochondrial n’est pas connu, mais il semble que le défaut d’oxydation mitochondriale du glucose entraîne une incapacité de la cellule à reconnaître le « signal glucose » et donc à sécréter de l’insuline. Le diabète sucré fait partie des multiples atteintes viscérales des maladies mitochondriales. Bien que cité dans les premières descriptions cliniques de ces maladies [1], la fréquence du diabète dans les maladies mitochondriales a été un temps sous-estimée au profit des atteintes neuromusculaires et sensorielles. Cependant, un grand nombre d’études récentes indiquent qu’un diabète isolé ou presque peut être associé à une anomalie de l’ADN mitochondrial. Cette association pose plusieurs types de problèmes : – quel est le mécanisme par lequel l’anomalie génétique mitochondriale entraîne une atteinte spécifique des cellules b du pancréas ? – quelle est la fréquence de ces « diabètes mitochondriaux » et quand faut-il les rechercher ? – quelle est la signification pratique et les perspectives thérapeutiques d’un tel diagnostic ? Considérés il y a seulement quelques années comme exceptionnels, les diabètes dus à des anomalies de l’ADN mitochondrial sont identifiés avec une fréquence croissante. Leur diagnostic passe essentiellement par un interrogatoire familial attentif et orienté (ne pas banaliser une grand-mère maternelle diabétique) et par une analyse clinique soigneuse du patient, à la recherche de signes associés. Seuls des patients ainsi sélectionnés peuvent être proposés aujourd’hui au biologiste moléculaire pour qu’il recherche l’anomalie génétique responsable (figure 2). Quel est l’intérêt d’une telle recherche, au-delà de la satisfaction médicale d’un « beau diagnostic » ? Au niveau familial, l’identification d’une mutation de l’ADN mitochondrial permet le repérage de cas latents chez les apparentés et leur prise en charge précoce. Il n’y a pas pour l’instant de possibilité de diagnostic anténatal : en effet, la détection des anomalies de l’ADN mitochondrial est possible in utero, mais l’expression clinique est très variable, et le degré d’hétéroplasmie de l’ADN mitochondrial peut évoluer entre les cellules chorioniques et les tissus adultes. Au niveau individuel, l’évolution souvent rapide vers l’insulinodépendance et les complications, en particulier cardiaques, imposent une prise en charge attentive et orientée des diabètes mitochondriaux, en attendant des thérapeutiques spécifiques.