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Médecine et Santé Tropicales

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Problématique du traitement de fond des rhumatismes inflammatoires en Afrique subsaharienne : évolution à six mois de 205 patients sénégalais atteints de polyarthrite rhumatoïde Volume 22, numéro 4, Octobre-Novembre-Décembre 2012

Auteurs
Clinique Médicale I, CHU Le Dantec, Dakar Etoile, Sénégal

Contexte. Peu de données sont disponibles sur le traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR) en Afrique subsaharienne, et le retard diagnostique y est important. En raison des conditions socioéconomiques parfois défavorables en Afrique subsaharienne, le choix thérapeutique dépend des disponibilités locales. Les traitements de fond conventionnels (DMARD) sont d’autant plus efficaces qu’ils sont instaurés précocement. Les biothérapies ne sont pas disponibles. L’objectif de ce travail était d’analyser l’évolution à six mois de 205 patients sénégalais atteints de PR sous traitement de fond conventionnel. Méthode. Nous avons réalisé une étude rétrospective de janvier 2005 à juin 2009 en consultation de rhumatologie au CHU Le Dantec, Dakar, Sénégal. Tous les patients inclus répondaient aux critères ACR de la PR. Le traitement a été évalué par les critères de réponse ACR et EULAR. Résultats. Deux cent cinq patients ont été inclus. Corticoïdes, hydroxychloroquine (HCQ), méthotrexate (MTX) et sulfasalazine (SPZ) étaient prescrits respectivement chez 205, 190, 137 et 11 patients. La combinaison corticoïdes, MTX et HCQ était prescrite chez 122 patients, et la combinaison corticoïdes et HCQ chez 63. Vingt-six pour cent des patients avaient interrompu leur traitement de fond pendant cinq jours par mois en moyenne suite une rupture de stock et/ou à des difficultés financières. Le nombre moyen de rendez-vous durant ces six premiers mois était de quatre. Quarante-huit pour cent des patients n’avaient pas respecté tous leurs rendez-vous. Après six mois, on observait une amélioration significative de toutes les variables, sauf le nombre d’articulations gonflées. Les réponses ACR20, 50 et 70 étaient respectivement obtenues chez 50 %, 31 % et 6,9 % des patients. Les réponses EULAR étaient bonnes chez 53,9 % des patients, modérées chez 12,7 %, et mauvaises chez 23,1 %. L’échec thérapeutique a été noté chez 10,3 %. Durant les six mois, un patient sur deux a dû modifier son traitement, avec dix arrêts (cinq pour désir de grossesse, deux pour survenue de grossesse, et trois pour tuberculose). Conclusion. Le traitement de la PR au Sénégal repose sur la combinaison méthotrexate, hydroxychloroquine et corticoïdes. L’évolution à six mois est favorable mais non satisfaisante. Sept à dix pour cent au minimum des patients nécessiteraient une biothérapie. Un suivi optimal mais surtout une stratégie thérapeutique codifiée réduiraient à coup sûr ce taux. Ainsi, un renforcement de la formation des médecins et une intégration des affections ostéoarticulaires dans un vaste programme d’information et d’éducation des populations aideraient à mieux prendre en charge les rhumatismes inflammatoires chroniques en Afrique subsaharienne malgré les ressources thérapeutiques limitées.