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Médecine thérapeutique

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Vaccination contre les maladies diarrhéiques : nouveautés, espoirs et difficultés Volume 6, numéro 4, Avril 2000

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Chaque année, des milliards de cas de diarrhée causent plus de trois millions de décès, situation d’autant plus dramatique que cette maladie touche essentiellement les jeunes enfants. Faubourgs surpeuplés des métropoles du tiers-monde, habitats ruraux déshérités de ces mêmes régions, camps de réfugiés, représentent autant de situations où l’absence d’hygiène individuelle et collective est cause de ce fléau. La diarrhée est avant tout une maladie des pauvres et pèse lourd de ce fait sur des systèmes de santé fragiles. Elle n’est cependant pas l’apanage unique des pays pauvres. Paradoxalement, elle est aussi le fruit du développement, l’élevage de masse, l’industrialisation de la chaîne alimentaire et le développement de la restauration collective créant les conditions d’émergence ou de ré-émergence de pathogènes entériques responsables d’infections graves. C’est le cas des salmonelles non typhiques et des Escherichia coli entérohémorragiques (EHEC). Ces derniers ne sont cependant pas considérés dans le contexte de développements vaccinaux, si ce n’est en médecine vétérinaire. Il ne fait pas de doute que le domaine de la vaccination contre les maladies diarrhéiques a considérablement évolué depuis une quinzaine d’années. L’optimisme n’est cependant pas encore de mise car, à l’exception de la fièvre typhoïde, on ne peut encore considérer disposer de vaccins ayant fait définitivement la preuve d’une efficacité significative et reproductible en différentes régions du globe. L’heure est donc aux essais cliniques puis de nouveau à la recherche afin de pallier les insuffisances que seuls des essais menés en région d’endémie sur les populations appartenant aux tranches d’âge cibles de la maladie permettent d’identifier clairement. L’hydre est donc loin d’avoir perdu ses têtes. Il existe cependant de nombreux candidats vaccins à l’horizon comme présenté dans le tableau, ce qui soulève plusieurs questions tout à fait cruciales. Qui assurera le soutien financier suffisant pour que les indispensables essais cliniques puissent être réalisés dans de bonnes conditions ? Les états, les organisations internationales, les firmes pharmaceutiques fabriquant des vaccins et peut-être surtout les organisations caritatives ont un rôle fondamental à jouer dans ce domaine prioritaire. À quel stade des essais cliniques les fabricants de vaccins devraient-ils s’investir ? Est-ce que les agences de régulation comme l’Agence Européenne ou l’Agence Américaine (Food and Drug Administration, FDA) accepteront cette diversité dans les types de vaccins proposés, et en particulier les vaccins vivants oraux ? Comment une telle complexité d’approches vaccinales pourra-t-elle se mettre en place efficacement pour que tous les enfants puissent bénéficier de ces nouveaux vaccins ? Comment une batterie de vaccins aussi divers pourra-t-elle être introduite au sein d’un programme vaccinal déjà fort dense et pas toujours évident à maîtriser dans les pays d’endémie, surtout si plusieurs doses sont requises ? Ce sera le cas en particulier pour les vaccins à administrer très tôt dans la vie et venant donc en sus des composants actuels du Programme élargi de vaccination. Sauver chaque année trois millions de vies d’enfants vaut sans doute cet effort et cette réflexion. Après tout, abattre l’hydre ne fut que l’un des douze travaux d’Hercule.