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Médecine thérapeutique

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Traitement du syndrome de sécrétion inappropriée d'ADH Volume 8, numéro 4, Juin - Août 2002

Auteur
Service de médecine interne générale, Hôpital universitaire Érasme, 808, route de Lennik, 1070 Bruxelles, Belgique.

On estime que près de 2 % des patients admis à l'hôpital présentent une hyponatrémie et que ce chiffre monte à 5 % chez les patients hospitalisés (hyponatrémie iatrogène). L'incidence est encore plus élevée dans la population gériatrique. Le syndrome de sécrétion inappropriée d'ADH (SIADH) est une affection très fréquente et représente la principale cause d'hyponatrémie (au moins 30 % des cas si l'on ne tient pas compte des hyponatrémies associées aux états œdémateux). Bartter et Schwartz ont établi des critères de diagnostic qui sont toujours valables actuellement [1]. En bref, il s'agit d'une hyponatrémie associée à une hypo-osmolalité sérique et à une osmolalité urinaire inappropriée (c'est-à-dire > 100 mOsm/kg d'eau) bien qu'en général l'osmolalité urinaire soit plus élevée que l'osmolalité sérique. Ces patients ont typiquement une natriurie > 30 mEq/l (du moins si les apports en sel sont suffisants). Comme quatrième critère, il faut normaliser la natrémie par la restriction hydrique qui s'accompagne d'un abaissement des natriuries. Les patients par définition n'ont pas d'affection rénale, surrénalienne, thyroïdienne, cardiaque ou hépatique et ne présentent pas de signes cliniques de déplétion volémique (pas de prise de diurétiques). Rappelons que cette hyponatrémie résulte avant tout d'une rétention d'eau qui, dans un deuxième temps, s'accompagnera d'une perte excessive de solutés. La natriurie paradoxale (dépassant les apports) qui caractérise le syndrome n'est en général observée que lors de l'induction de l'hyponatrémie et lorsque l'expansion volémique est relativement aiguë. Après quelques jours, la balance sodée va se rétablir et on assiste également à une diminution du pouvoir de concentration des urines par l'ADH (phénomène d'échappement). Ce phénomène d'échappement est en rapport avec une diminution des récepteurs V2 et des canaux aquaporines 2 des tubes collecteurs [2]. Ce phénomène d'échappement à l'ADH est très variable d'un sujet à l'autre. Certains sujets vont échapper à l'ADH très rapidement, de sorte qu'ils ne risquent guère d'hyponatrémie sévère ; en revanche, d'autres sujets échapperont tardivement et pourront présenter des hyponatrémies gravissimes [3]. Le degré de rétention d'eau est trop faible pour induire des œdèmes (une partie de cette eau se localise en intracellulaire). En clinique, on parle de sécrétion inappropriée d'ADH lorsque cette sécrétion n'est pas secondaire à une stimulation « volémique ». La mesure de l'osmolalité urinaire apporte peu au diagnostic différentiel en dehors de permettre de repérer les hyponatrémies liées à une polydipsie. En général, l'anamnèse permet d'orienter rapidement vers cette étiologie. En effet, l'osmolalité urinaire est élevée aussi bien dans les SIADH que dans les hyponatrémies associées à une hypovolémie (tableau 1). Nous ne discuterons pas du traitement des hyponatrémies associées à une expansion du liquide extracellulaire (syndrome néphrotique, cirrhose, insuffisance cardiaque), ces hyponatrémies sont en général faciles à reconnaître (œdèmes). Le rein dans ces affections se comporte d'ailleurs d'une façon similaire aux hyponatrémies de déplétion pure (diminution du volume extracellulaire). L'osmolalité urinaire élevée est due à une teneur élevée en urée, ce qui permet une excrétion d'eau libre sans électrolytes [4]. Dans le SIADH, la régulation de l'excrétion sodée est restée intacte, de sorte que, si les apports en sel sont restreints, les urines peuvent ne plus contenir de sel. En revanche, lorsque les apports en sel sont élevés, on assiste typiquement à une excrétion sodée. De nombreux patients présentant des SIADH paranéoplasiques auront des teneurs en sels dans les urines basses en raison du manque d'apport (anorexie) ; ces patients ne doivent pas être confondus avec des patients présentant une déplétion sodée. Ceux-ci doivent être traités par une augmentation des apports sodés. Les signes cliniques de déplétion sodées sont fréquemment absents chez ces patients et il n'est pas rare que la cause de la déplétion n'apparaisse pas (en dehors d'une prise diurétique) [5]. Certains éléments dans la biologie permettent en général d'orienter le diagnostic (tableau 1). Si l'on a un doute, la meilleure façon de les distinguer d'un SIADH est de perfuser du sérum physiologique. Dans un SIADH, une perfusion de sérum physiologique s'accompagnera d'une excrétion sodée rapide, alors que, dans les hyponatrémies de déplétion, le rein gardera le sel. Il peut arriver qu'au début, l'hyponatrémie ne se corrige guère parce que le rein garde également l'eau. Une fois l'expansion du volume circulant suffisamment rétablie, il y aura une inhibition de la sécrétion d'ADH et une augmentation de la clairance d'eau libre. Les hyponatrémies de déplétion se caractérisent également par l'absence de récidives de l'hyponatrémie, et ce malgré des apports élevés en eau. En général, l'interprétation des différents paramètres sanguins et éventuellement urinaires permet de bien catégoriser le patient et il n'est en général pas nécessaire de faire une épreuve de perfusion de sérum physiologique. Dans une série récente de plus de 100 patients [6] présentant une hyponatrémie non associée à des états œdémateux, nous n'avons observé d'aggravation de l'hyponatrémie suite à une perfusion de sérum physiologique que chez une dizaine de patients qui tous présentaient des osmolalités urinaires élevées (> 530 mOsm/kg H2O) [7]. De nombreux SIADH ont présenté une élévation de leur natrémie du même ordre que les patients présentant une déplétion sodée. Toutefois, ces patients avaient beaucoup de sel dans leurs urines (diurèse osmotique au sel), alors que les patients présentant une déplétion sodée gardaient le sel infusé tant qu'ils étaient en hyponatrémie [6]. Pour des osmolalités urinaires de l'ordre de 300 mOsm/kg d'eau, on peut observer une élévation de la natrémie de près de 5 à 6 mEq/l, et ce, sous l'effet d'une simple perfusion de sérum physiologique (2 l NaCl 0,9 %/24 h). En revanche, si les osmolalités urinaires sont très élevées (par exemple, 900 mOsm/kg d'eau), il est clair que la perfusion de sérum physiologique va aggraver l'hyponatrémie [7].