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Médecine thérapeutique

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Place du sildénafil dans le traitement de la dysfonction érectile Volume 7, numéro 5, Mai 2001

Auteurs
Département de médecine interne, Service d'endocrinologie, Université d'Athènes, Hôpital Hippokrateion, 108 Vas. Sophias Ave., Athènes 115 27, Grèce.

Le pénis est composé de trois cylindres très richement vascularisés : le corps spongieux, dont l'urètre occupe le centre, et deux corps caverneux (figure 1). Les corps caverneux sont enveloppés par un tissu conjonctif épais et rigide appelé albuginée. Les corps spongieux et caverneux sont des structures richement vascularisées recevant du sang artériel provenant des branches de l'artère pénienne (artères caverneuses). Dans les corps caverneux, les travées de tissu conjonctif, limitant les espaces trabéculaires (ou capillaires sinusoïdes) interconnectés entre eux à la manière d'une éponge sont recouvertes de cellules musculaires lisses (figure 2). Entre les travées de tissu conjonctif, les espaces caverneux sont remplis de sang artériel provenant des branches de l'artère caverneuse (artère spiralée) et drainés par les veinules post-caverneuses. Celles-ci convergent pour former des veines plus importantes qui traversent l'albuginée avant de rejoindre les veines caverneuses. Les corps caverneux sont richement innervés par le système nerveux autonome. L'innervation est de type cholinergique, adrénergique mais aussi non cholinergique-nonadrénergique. Les nerfs autonomes non cholinergiques-non adrénergiques du pénis synthétisent et libèrent de l'oxyde nitrique (NO) [1]. Le NO est le produit de la conversion catalytique de la L-arginine en L-citrulline par une enzyme, la NO-synthase, dont il existe plusieurs isoformes ; certaines isoformes sont constitutives, d'autres sont inductibles [2]. Les isoformes constitutives sont habituellement présentes dans les cellules endothéliales et les neurones du corps caverneux [3]. Plus de 522 décès associés à l'utilisation du sildénafil avaient été rapportés à la Food and Drug Administration (FDA) américaine entre avril 1998 et mai 1999 (communication personnelle avec la FDA le 12 mai 1999). Mais l'on doit garder en tête les estimations de la FDA qui considère qu'on ne lui signale qu'entre 1 et 10 % des effets secondaires des médicaments : il n'y a en effet aucune loi obligeant les médecins à signaler les effets secondaires des médicaments à la FDA. De plus, les médecins ne savent pas forcément quels étaient les médicaments pris par leurs patients avant leur décès. Actuellement, nous ne savons donc pas réellement combien de patients utilisant du sildénafil sont décédés car seule une fraction des décès associés à l'utilisation des médicaments aux États-Unis sont signalés à la FDA. Peut-être doit-on garder à l'esprit la remarque d'un expert dans ce domaine qui s'exprimait dans une revue récente sur le problème : « Les effets secondaires des médicaments pourraient représenter entre la quatrième et la sixième cause de mortalité » [47]. À l'inverse, les résultats d'une étude de suivi des événements secondaires survenus sous sildénafil en Angleterre, publiée de manière récente, sont plus rassurants [48]. De simples questionnaires portant sur les effets secondaires avaient été envoyés aux médecins généralistes environ 5 mois après la première prescription de Viagra® (prescriptions faites chez environ 10 000 patients). L'âge moyen des patients était de 57 ans et 14 % étaient diabétiques. Comparé à la mortalité de la population générale en Angleterre au même moment, il apparaît que la mortalité de cette cohorte est inférieure de 30 % à celle des hommes anglais après ajustement (rapport standardisé de mortalité de 69,9 ; IC 95 % 42,7-108). D'après cette étude anglaise en conditions générales de prescription, il n'y aurait donc pas d'incidence supérieure des infarctus du myocarde ou de pathologie cardiaque coronarienne fatale chez les hommes prenant du Viagra®. Ces incertitudes incitent en tout cas à respecter les contre-indications à la prescription du sildénafil. Cette précaution prise, le sildénafil reste un médicament remarquablement efficace dans le traitement de la dysfonction érectile, quelle qu'en soit la cause !