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Médecine thérapeutique

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Acidose lactique Volume 8, numéro 4, Juin - Août 2002

Auteurs
Département d'anesthésie-réanimation ouest, Hôpital de l'Archet 2, 151, route Saint-Antoine-de-Ginestière, 06202 Nice cedex 3, France.

Rappels physiopathologiques [1] - Physiologie et régulation : L'acide lactique est un acide organique produit par la réduction du pyruvate. Le pyruvate est lui-même situé au carrefour du métabolisme intermédiaire entre la glycolyse, le métabolisme des acides aminés, le cycle de Krebs et donc l'ensemble du métabolisme énergétique. Il s'agit d'un acide fort, pratiquement totalement dissocié du pH plasmatique. Dans l'organisme, l'acide lactique n'existe que de manière très fugace au moment de la réaction d'oxydoréduction (réduction de pyruvate en lactate ou oxydation du lactate en pyruvate) catalysée par la lactico-déshydrogénase (LDH) d'origine cytosolique. Le couple accepteur/donneur d'électrons est le couple NADH + H+/NAD+ (communément appelé NADH/NAD), de sorte que la mesure du rapport lactate/pyruvate est une bonne mesure du potentiel d'oxydoréduction cytosolique. Ce point a au moins deux conséquences : le lactate est plus couramment dosé que le pyruvate mais comme il s'agit d'un cul-de-sac métabolique, le véritable métabolite ubiquitaire est le pyruvate, et donc c'est la concentration de celui-ci qui devrait être prise en compte ; l'équilibre entre ces deux composés via la LDH dépend du potentiel d'oxydo-réduction et du pH, il peut donc être déplacé soit vers le lactate soit vers le pyruvate [2, 3]. Du fait de sa situation particulière au sein du métabolisme intermédiaire, le pyruvate, et donc le lactate se trouvent sous la dépendance de tous les potentiels qui gouvernent la vie cellulaire : le potentiel d'oxydoréduction pour la respiration mitochondriale ; le potentiel phosphate (ATP/ADP x Pi) témoin du niveau énergétique cellulaire ; le potentiel hydrogène (pH) force physico-chimique de première importance dans l'orientation des réactions enzymatiques (figure 1). Ainsi : - l'acidose inhibe la phosphofructokinase (PFK), et donc la glycolyse et la production de lactate, tandis que l'alcalose sera un puissant stimulant de celle-ci ; - la baisse du rapport ATP/ADP active la production anaérobie d'ATP via la glycolyse, et donc la production parallèle de protons et d'équivalents réduits. Ceux-ci s'accumulent dès lors qu'il n'y a pas d'augmentation parallèle de la respiration cellulaire permettant de métaboliser le NADH et les protons grâce à l'oxydation mitochondriale ; - l'élévation du rapport NADH/NAD liée à une hypoxie par exemple et témoin de l'augmentation de l'état de réduction cellulaire est responsable d'une inhibition de la glycolyse ainsi que de l'oxydation mitochondriale du pyruvate tandis que l'équilibre lactate/pyruvate est déplacé au profit du lactate, ce qui permet de régénérer le NAD. En pratique il ressort le rôle important joué par l'acidose. L'acidose induite par l'accélération de la glycolyse en réponse à l'hypoxie représente le seul élément capable de freiner la glycolyse et donc de préserver ainsi les réserves en glucose. C'est l'une des raisons pour lesquelles un certain degré d'acidose est favorable pour la survie des cellules en situation de déficit énergétique [1]. Par ailleurs, selon l'équipement enzymatique et les caractéristiques métaboliques des différents organes, la réponse à l'hypoxie concernant le métabolisme du lactate ou du pyruvate peut être différente et opposée. Ceci est à la base de mouvements interorganes de recyclage du lactate. L'intermédiaire commun à l'ensemble de ces voies métaboliques est représenté par l'acétylCoA, substrat privilégié du cycle de Krebs (figure 2). À ce niveau, le métabolisme des lipides (beta-oxydation) est en concurrence avec les hydrates de carbone (oxydation du pyruvate). Lorsque les acides gras sont oxydés par la beta-oxydation, l'acétylCoA ainsi produit inhibe l'oxydation du pyruvate et, par là, celle de tous les hydrates de carbone. Ce phénomène est l'un des éléments du cycle de Randle (diminution de l'oxydation de glucides et élévation de la production de glucose lors de l'oxydation de lipides). D'un autre côté, par l'intermédiaire de l'acétylCoA formé, l'oxydation des lipides est un puissant activateur de la gluconéogenèse hépatique, en particulier au niveau de la pyruvate carboxylase. Ainsi les lipides contribuent à activer le recyclage du glucose en lactate et jouent de ce fait un rôle très important dans le cycle de Cori [2].