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Médecine thérapeutique

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Cellulite synergistique nécrosante Volume 4, numéro 7, Août-Septembre 1998

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Au sein des affections bactériennes des parties molles, les infections à germes anaérobies sont les plus redoutables et rendent compte d'une mortalité de 30 à 50 % [1, 2]. Si le diagnostic est le plus souvent évident lorsque cette infection survient dans un contexte classique (plaie chez un sujet diabétique, terrain vasculaire ischémique, traumatisme délabrant ou encore en postopératoire), un mode de présentation atypique et/ou une évolution torpide peuvent mettre le clinicien en défaut. Cette observation permet de rappeler les différents aspects cliniques et anatomiques des infections cutanées et sous-cutanées à germes anaérobies. Observation Mme G., âgée de 72 ans, est hospitalisée dans le service de médecine le 13 mars 1998 pour suspicion de sciatique. Dans ses antécédents, on retrouve une thyroïdectomie totale en octobre 1997 pour goitre multi-hétéronodulaire (substituée par hormonothérapie) et une polyarthrite rhumatoïde séronégative diagnostiquée en 1988 et traitée successivement par allochrysine, trolovol, salazopyrine et, depuis 1 an, par méthotrexate per os à raison de 7,5 mg par semaine. Elle bénéficie également d'une corticothérapie depuis 1988 dont les doses varient de 50 à 10 mg/j de prednisone (automédication). Elle a également des surinfections bronchiques itératives. Une semaine avant l'admission, elle présente une poussée articulaire au niveau des poignets accompagnée d'une douleur de la face antéro-externe de la fesse gauche qui motive l'augmentation de la corticothérapie à la dose de 50 mg/j et la prescription d'anti-inflammatoire non stéroïdien per os. Parallèlement, elle a une surinfection bronchique traitée par Augmentin® et Ciflox®. L'évolution immédiate est marquée par la résolution de la poussée articulaire et de la surinfection bronchique et par l'augmentation de la douleur de la fesse qui devient rapidement intolérable et pour laquelle elle est hospitalisée. À l'examen clinique, la patiente est apyrétique (au sixième jour d'Augmentin® et de Ciflox®) et sa tension artérielle est normale. Le membre inférieur gauche est le siège d'un œdème blanc assez dur, étendu de la racine de la cuisse au tiers inférieur du mollet, sans signes épidermiques. La mobilisation du membre inférieur entraîne une douleur intolérable quasi syncopale. Il existe un doute sur une crépitation de la face antéro-externe de la cuisse. Il n'y a pas de douleur lombaire et la pression des épineuses ne déclenche aucune manifestation douloureuse. L'examen du membre inférieur droit est normal. Il n'y a pas d'adénopathie inguinale et les pouls périphériques sont perçus. Il n'y a pas de trouble de la sensibilité et les réflexes ostéo-tendineux sont présents. Le reste de l'examen (abdominal, cardiaque et pulmonaire) est normal. Sur le plan biologique, l'ionogramme sanguin est normal ainsi que la fonction rénale. La numération formule sanguine est la suivante : leucocytes, 16 500/mm3 ; polynucléaires neutrophiles, 16 005/mm3 ; lymphocytes, 330/mm3 ; plaquettes, 540 000/mm3 ; hémoglobine, 9,8 g/dl. La vitesse de sédimentation est à 53 mm à la première heure, la protéine C réactive est inférieure à 5 (N < 5). Le cliché de bassin réalisé sous antalgiques majeurs met en évidence des clartés gazeuses des parties molles de la cuisse gauche (figure 1). La tomodensitométrie confirme les données du cliché standard (figure 2). La patiente reçoit une antibiothérapie associant tazocilline et amikacine. Lors du débridement chirurgical, la fesse et la cuisse sont le siège d'abcès purulents et de gaz localisés entre les loges musculaires et sous les fascia. Les prélèvements bactériologiques peropératoires retrouvent, à l'examen direct, un bacille à Gram positif, un bacille à Gram négatif et une levure. Les cultures sont positives à Escherichia coli et l'antibiothérapie est modifiée au profit de l'association céfotaxime/métronidazole. L'évolution sera marquée, malgré 4 séances d'oxygénothérapie hyperbare, 3 reprises chirurgicales et 1 modification du traitement anti-infectieux (Tazocilline®, Ciflox®, Fungizone®), par l'apparition d'un syndrome de détresse respiratoire aigu puis d'une défaillance multiviscérale entraînant le décès.