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Médecine thérapeutique

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Syndrome inflammatoire induit par les anti-vitamines K Volume 8, numéro 6, Novembre - Décembre 2002

Auteurs
Service de médecine interne, diabète et maladies métaboliques, Clinique médicale B, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, 1, place de l'Hôpital, 67091 Strasbourg cedex, France.

Un homme de 45 ans, d'origine mauricienne, en France depuis 2 ans, est hospitalisé pour une dyspnée aiguë. Comme principaux antécédents, on relevait un diabète de type 2, un anévrysme de l'aorte abdominale, une artérite des membres inférieurs de stade II et, sur le plan familial, plusieurs épisodes de thromboses veineuses. Le diagnostic d'embolie pulmonaire bilatérale était rapidement posé par l'angio-scanner et la maladie thromboembolique veineuse rattachée à une probable résistance à la protéine C activée (résultat du test biologique). Un traitement par héparine non fractionnée puis par anti-vitamine K (AVK), Préviscan®, était instauré et l'évolution initiale était rapidement favorable. Quinze jours plus tard, le patient était réadmis pour fièvre à 39 °C et douleurs lombaires. On relevait une hyperleucocytose à 12 x 109/l avec hyperéosinophilie à 1 x 109/l, ainsi qu'une anémie (hémoglobine à 80 g/l), un syndrome inflammatoire (CRP > à 300 mg/l) et une insuffisance rénale aiguë (créatinine à 650 mumol/l) avec hématurie (+++) et protéinurie à 1,2 g/24 h. En l'absence de prélèvement bactériologique, le diagnostic de pyélonéphrite aiguë était retenu et une antibiothérapie probabiliste mise en place (céphalosporine de 3e génération et quinolone) aux urgences. Le traitement par AVK était relayé par une héparine de bas poids moléculaire (HPBM) en raison de l'anémie et de l'hématurie macroscopique. L'évolution était alors rapidement favorable et, après 19 jours d'antibiothérapie, le patient regagnait son domicile sous Préviscan®. Dans les semaines suivantes, le patient consultait à de nombreuses reprises (3, 5, 8 et 10 semaines après l'hospitalisation initiale) pour un état sub-fébrile à 38 °C, accompagné d'un syndrome inflammatoire (CRP > à 150 mg/l). Il n'y avait aucun signe d'orientation anamnestique et l'examen clinique était à chaque fois nu. Sur le plan rénal, on retrouvait une discrète protéinurie autour de 0,6 g/24 h. La recherche de la mutation du facteur V Leiden était finalement négative. Le traitement par AVK (Sintrom®, introduit en raison de difficultés à équilibrer l'INR) était remplacé par une HBPM (une biopsie rénale étant envisagée). Le bilan infectieux (hémoculture, uroculture, coproculture, sérologie des germes intracellulaires et « exotiques »...) était négatif, de même que la recherche d'anomalies immunologiques (FR, ANA, ANCA, APL, cryoglobulinémie, AC anti-membranes basales), mais le CH50 était à la limite inférieure de la normale. La réalisation d'une nouvelle batterie d'examens complémentaires (scanner thoraco-abdominal, ETO, scintigraphie pulmonaire, endoscopies digestives, BAT, EMG..., myélogramme) ne permettait pas d'identifier la nature de ce tableau clinique, qui s'améliorait spontanément à chaque hospitalisation. Le patient quittait l'hôpital sous Sintrom®. Après ces multiples épisodes, le diagnostic allait toutefois être évoqué... et l'histoire allait connaître sa fin. Un fond d'œil montrait en effet des emboles de cristaux de cholestérol. Un traitement par HBPM (Innohep®) à doses curatives était alors instauré pour une durée de 4 mois. Par la suite, aucun épisode clinique n'était constaté et toutes les anomalies biologiques se normalisaient.