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Médecine thérapeutique

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Intoxication aiguë à l'éthylène glycol Volume 7, numéro 2, Février 2001

Auteurs
Réanimation médicale et toxicologique, Hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France.

Une patiente âgée de 27 ans, psychotique connue et traitée par neuroleptiques au long cours (chlorpromazine 200 mg/j et lévomépromazine 100 mg/j) est admise en réanimation médicale, à la suite de l'ingestion accidentelle, 12 heures auparavant, d'environ 50 ml de liquide de refroidissement d'automobile. Ce liquide avait été déconditionné de son emballage d'origine par un membre de sa famille et déposé à proximité du réfrigérateur dans une bouteille d'eau minérale. À l'arrivée aux urgences, la patiente est consciente (score de Glasgow à 15) mais légèrement confuse et agitée. Elle est polypnéique (fréquence respiratoire à 28 par minute), normotendue (tension artérielle : 130/70 mmHg) et apyrétique. L'auscultation pulmonaire est normale, l'abdomen est souple et l'examen neurologique ne retrouve aucun déficit localisé. La patiente présente un érythème de la muqueuse buccale ainsi qu'un mauvais état dentaire. Les gaz du sang artériel montrent un pH à 7,12, des bicarbonates à 6 mmol/l, une pression partielle en gaz carbonique (PaCO2) à 17 mmHg et une pression partielle en oxygène (PaO2) à 119 mmHg en air ambiant. L'ionogramme sanguin retrouve une natrémie à 137 mmol/l, une kaliémie à 4,4 mmol/l, une chlorémie à 110 mmol/l, une créatininémie à 46 mumol/l et une urémie à 1,2 mmol/l. Il existe donc un trou anionique de 25,4 mmol/l (N < 17). La bandelette urinaire ne révèle pas de cétonurie et les lactates plasmatiques sont à 0,8 mmol/l. Le bilan hépatique, la numération formule sanguine, le bilan d'hémostase, la radiographie de thorax et l'électrocardiogramme sont dans les limites de la normale. En présence de cette acidose métabolique à trou anionique élevé non expliqué par l'élévation des lactates, chez une patiente suspecte d'intoxication à l'éthylène glycol, une dose de charge de 1 g de 4-méthylpyrazole est administrée par voie IV en association à 300 ml de bicarbonates 14 ‰. Le diagnostic est confirmé par le dosage plasmatique en chromatographie en phase gazeuse de l'éthylène glycol qui retrouve une concentration de 600 mg/l (facteur de conversion : 1 mmol/l = 62 mg/l). L'analyse des urines permet d'identifier de très nombreux cristaux d'oxalate de calcium. L'éthanolémie est nulle et les autres recherches toxicologiques sanguines et urinaires négatives. Des perfusions IV de 500 mg 2 fois par jour de 4-méthylpyrazole sont poursuivies pendant les 5 jours suivants. L'évolution clinique est rapidement favorable. La dyspnée disparaît dès la 24e heure et les signes d'encéphalopathie avec agitation et irritabilité s'amendent progressivement. Les résultats biologiques se normalisent rapidement (tableau 1). L'élimination urinaire de l'éthylène glycol est importante au cours des 48 premières heures avec des concentrations de l'ordre de 4 g/l. La demi-vie d'élimination s'allonge sous traitement aux environs de 15 heures (figure 1). Après avis psychiatrique, le retour au domicile de la patiente est autorisé au 6e jour d'hospitalisation.