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Médecine thérapeutique

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Syndrome aigu inflammatoire fébrile du scrotum chez un diabétique : une urgence urologique Volume 4, numéro 9, Novembre 1998

Auteurs

Monsieur Z, 65 ans, diabétique insulinorequérant, tabagique à 45 paquets-année, avec un antécédent de pancréatite chronique d'origine éthylique, est hospitalisé pour un abcès du scrotum et une fièvre à 40 °C. Il présentait depuis un mois des signes d'hyperglycémie (polyuropolydypsie, amaigrissement, asthénie) alors qu'il était traité par deux injections quotidiennes d'une insuline semi-lente (34 unités le matin, 30 unités le soir). Il avait été admis en urgence quatre jours auparavant (en médecine interne), pour une douleur scrotale bilatérale, une rougeur et une inflammation avec une hyperleucocytose (17 000/mm3) à polynucléaires neutrophiles (90 %). Le diagnostic d'orchite bilatérale a été évoqué et un traitement par oxacilline a été administré. Dans les 48 heures qui ont suivi, on a noté une majoration des signes locaux avec une augmentation de l'inflammation et des douleurs et l'apparition en surface d'une zone cutanée lustrée. La température était à 39-40 °C et l'hyperleucocytose à 19 800/mm3. L'antibiothérapie a été modifiée, associant une céphalosporine de 3e génération et une fluoroquinolone par voie veineuse. Devant l'aggravation des signes, le patient a été adressé 24 heures plus tard en urologie. À l'arrivée, l'examen a révélé des lésions intéressant la totalité du scrotum avec douleurs, rougeurs, suintements nauséabonds perlant en gouttelettes, sphacèles, crépitations neigeuses et zone cutanée nécrotique de 4 cm (figure 1). La fièvre montait à 39,8 °C sans signes de choc mais on notait des marbrures aux membres inférieurs ; il n'y avait pas de signes digestifs, l'abdomen était souple et la région anale normale. L'hyperleucocytose était à à 25 600/mm3. Des prélèvements à visée bactériologique ont été effectués : hémocultures, mise en culture de peau scrotale, prélèvement de liquide suintant sur milieu aérobie et anaérobie (injection sous-cutanée de 1 ml de sérum physiologique puis aspiration immédiate et mise en culture). Ils mettront en évidence une flore multiple associant Escherichia coli, streptocoques, Bacteroides, staphylocoques et Clostridium difficile. Les principaux paramètres biologiques sont indiqués dans le tableau. Le patient est opéré en urgence par débridement chirurgical (figure 2) de tous les plans cutanés et sous-cutanés, de la base de la verge à la base de l'anus avec excision très large des tissus nécrosés et douteux, abrasion des berges, lavage à la bétadine diluée, drainage du champ par des lames ondulées de type Delbet et pansement au tulle gras. Les testicules sont enfouis dans la région inguinale. La vessie est drainée par cathéter sus-pubien. Une colostomie iliaque de dérivation est effectuée par voie sous-costale gauche. L'examen anatomopathologique de la pièce opératoire confirme la présence de larges zones sous-cutanées abcédées et nécrotiques avec destruction de l'architecture, dissociation des faisceaux de collagène et musculaire, et infiltration des lobules adipeux sans thrombose vasculaire. Le revêtement épidermique est pratiquement toujours respecté sauf en regard de quelques zones ulcérées qui correspondent aux zones de nécrose cutanée (figure 3). Le patient est suivi en réanimation chirurgicale avec une triple antibiothérapie à large spectre (céphalosporine de 3e génération + fluoroquinolone + métronidazole) et correction des troubles métaboliques. Le pansement est fait tous les jours sous anesthésie générale au bloc opératoire avec excision systématique des tissus atones et douteux, abrasion et parage des berges, lavage et pansement. Au 8e jour, les berges sont toniques et propres et le pansement est alors fait sans anesthésie au lit du patient. On réalise, au 30e jour, des greffes de peau libre en filet prélevée sur la face interne des cuisses au dermatome. Le patient sort de réanimation à la 12e semaine. Des complications ont émaillé l'évolution : une encéphalite virale, une cholécystite alithiasique, une pneumopathie et un ulcère gastro-duodénal. Le rétablissement de la continuité digestive est réalisé à 4 mois par incision élective. Le patient est revu en bonne forme 2 mois plus tard (figure 4).