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Reboxétine : antidépresseur inefficace et dangereux… Volume 6, numéro 9, Novembre 2010

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La méta-analyse allemande montre la différence considérable entre données publiées et données réelles…

La reboxétine est commercialisée dans de nombreux pays comme le premier antidépresseur inhibiteur sélectif de la recapture de la norépinéphrine. Les auteurs ont recherché et analysé les essais randomisés (publiés ou non) reboxétine vs placebo ou vs inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS) dans l’indication épisode dépressif caractérisé. La méta-analyse des 13 essais sélectionnés (4 098 patients) inclut les données jamais publiées concernant 3 033 patients (74 % du total). Pour ce qui est des rémissions, aucune différence n’a été constatée vs placebo (OR 1,17 ; 0,91-1,51 ; p = 0,216) et la reboxétine était moins efficace que les fluoxétine, paroxétine et citalopram (OR 0,80 ; 0,67-0,96, p = 0,015). La reboxétine était significativement (p < 0,001) plus dangereuse que le placebo pour chacun des effets adverses retenus (y compris les tendances suicidaires, tentatives et suicides accomplis). Les essais publiés surestimaient les bénéfices de la reboxétine de 115 % par rapport au placebo et de 23 % par rapport aux ISRS et sous-estimaient de même les effets adverses. Les auteurs soulignent l’impérieuse nécessité d’une obligation légale de publication de tous les résultats des essais, positifs ou négatifs. L’éditorialiste du BMJ souligne qu’après un refus initial, la firme Pfizer a finalement accepté de fournir les données non publiées, ce qui est un (petit) progrès. La transparence reste un long chemin garni d’embûches…

1. Eyding D, Lelgemann M, Grouven U, Härter M, Kromp M, Kaiser T et al. Reboxetine for acute treatment of major depression: systematic review and meta-analysis of published and unpublished placebo and selective serotonin reuptake inhibitor controlled trials. BMJ. 2010;341:c4737.
2. Groves T. Evidence debased medicine. BMJ. 2010;341:c5715. 3. Godlee F, Loder E. Missing clinical trial data: setting the record straight. BMJ 2010; 341:c5641.

Les questions que se pose la rédaction
• Transparence oblige ; le problème des conflits d’intérêt ne s’en trouve pas réglé pour autant. Voir l’éditorial de D. Dupagne, ainsi que tous les articles que nous avons consacrés à ce sujet (vous pouvez les retrouver en ligne sur www.revue-medecine.com avec le motclé « conflit d’intérêt »).
• « Mensonges par action, par omission, ou par statistiques » disait Churchill : rien de nouveau, mais l’ensemble (on peut évoquer comme F. Godlee et E. Loder « l’affaire roziglitazone ») remet en cause les méta-analyses lorsque les données sur lesquelles elles s’appuient sont insuffisantes, trompeuses, ou tronquées.
• Question d’importance quand elle concerne un antidépresseur ; tout autant lorsqu’il s’agit de « blockbusters » sources de dépenses considérables : voir la méta-analyse de JM Wright dans ce même numéro (statines en prévention primaire du risque cardiovasculaire) !

Mots clés : dépression, médecine générale