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Médecine

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Que disent les statistiques du dépistage des cancers ? Volume 9, numéro 1, Janvier 2013

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L’étude américaine montre qu’il est encore peu (re)connu que seule la différence de mortalité dans un essai randomisé constitue une preuve d’efficacité pertinente.

L’étude [1] a été réalisée par internet aux USA auprès de 412 médecins de soins primaires (297 à exercice mixte, hospitalier et ambulatoire, 115 à exercice ambulatoire exclusif) répartis par tirage au sort en 2 groupes à qui étaient proposées ces deux affirmations : 1) le dépistage augmente le taux de diagnostics précoces et améliore la survie à 5 ans (de 68 à 99 %) ; 2) il diminue l’incidence et la mortalité par cancer (de 2 à 1,6 pour 1 000 patients) ; quelle affirmation vous semble plus favorable au dépistage ? 69 % recommandaient le dépistage sur la base de la 1re affirmation, 23 % seulement sur la base de la 2e (p < 0,001) ; la plupart des médecins ne faisaient aucune distinction entre les deux affirmations (76 % vs 81 %, p = 0,39), estimant qu’elles prouvent également que le dépistage sauve des vies; 47% considéraient que le fait de diagnostiquer davantage de cancers grâce au dépistage était bien la preuve que celui-ci sauve des vies. L’éditorial de VA Moyer (l’une des signataires habituelles des recommandations de l’agence USPSTF) souligne la difficulté de l’usage des « statistiques » dans ce domaine et les incompréhensions persistantes sur la balance bénéfices/risques du dépistage [2] : il y a un problème de présentation des données et de formation à leur interprétation, mais aussi (surtout ?) un devoir impératif pour les professionnels : aucune décision ne peut être réellement « partagée » avec le patient sans argumentation factuelle.

1. Wegwarth O, Schwartz LM, Woloshin S, Gaissmaier W, Gigerenzer G. Do Physicians Understand Cancer Screening Statistics? A National Survey of Primary Care Physicians in the United States. Ann Intern Med. 2012;156:340-9.
2. Moyer VA. What We Don’t Know Can Hurt Our Patients: Physician Innumeracy and Overuse of Screening Tests. Ann Intern Med. 2012;156:392-3.

Que retenir pour notre pratique ?
• Les auteurs signalent les limites de leur « simulation » (ce n’est pas la « vraie vie ») qui ne prenait en compte ni des facteurs subjectifs tels que la crainte d’une faute professionnelle, ni l’information sur les possibles préjudices liés au dépistage.
• Les conclusions de l’étude bordelaise à propos du TDAH s’appliquent vraisemblablement encore plus aux questions de dépistage : VA Moyer pointe la présence, à côté du médecin et du patient, du 3e partenaire oublié, le journaliste…

Mots clés : Détection précoce de cancer ; Épidémiologie ; Facteurs de risque [Early Detection of Cancer; Epidemiology; Risk Factors]