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P4P : à court terme et sur des chiffres peut-être, mais pour la santé ? Volume 10, numéro 1, Janvier 2014

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Deux études contrôlées américaines apportent un regard quelque peu sceptique et/ou désabusé sur les résultats réels des incitations financières du « paiement à la performance »

L’étude faite chez les patients hypertendus de 12 cliniques de soins primaires de vétérans américains a impliqué 83 généralistes et 42 non-médecins [1]. Elle portait sur 4 périodes de 4 mois à partir de 2008 après une période d’observation en 2007 et a été suivie jusqu’en 2011. La randomisation a été faite en 4 groupes : 1) prime individuelle pour les patients hypertendus atteignant les cibles recommandées, 2) prime collective, 3) combinaison des 2, 4) contrôle. Les incitations financières n’ont été efficaces qu’à titre individuel (groupe 1) et l’effet a cessé avec leur arrêt ; il n’y a pas eu de plus grande utilisation des médicaments recommandés ni d’augmentation d’incidence des hypotensions secondaires. La seconde étude a été faite à New York entre avril 2009 et mars 2010 dans 84 petits centres de soins primaires (42 vs 42 ; 179 094 patients-intervention vs 118 626 patients-contrôle) [2]. Les taux de prescription d’anticoagulants appropriés, de contrôle de la pression artérielle, de sevrage tabagique étaient meilleurs dans les groupes intervention (sauf le contrôle du cholestérol), mais sans que la différence n’atteigne la significativité statistique ; améliorations modestes dont il reste d’ailleurs à déterminer la pérennité (sans parler de l’efficacité clinique !). Selon l’éditorial qui commente ces études, elles confirment après d’autres les effets très variables de la P4P selon les contextes, plus marqués par l’intérêt de la nouveauté que par un effet structurant sur la qualité réelle des soins, avec un effet plafond indéniable et une durabilité inconnue [3]. Le 1er essai montre le retour au point de départ après arrêt des incitations, le 2nd ne dure pas assez longtemps pour conclure. Les deux suggèrent que s’il est toujours possible d’améliorer les performances ponctuelles individuelles sur des indicateurs limités, l’effet attendu au niveau du système de santé nécessite de mieux comprendre les objectifs visés et les responsabilités de chacun.

1. Petersen LA, Simpson K, Pietz K, Urech TH, Hysong SJ, Profit J et al. Effects of Individual Physician-Level and Practice-Level Financial Incentives on Hypertension Care. A Randomized Trial. JAMA. 2013;310:1042-50.
2. Bardach NS, Wang JJ, De Leon SF, Shih SC, Boscardin J et al. Effect of Pay-for-Performance Incentives on Quality of Care in Small Practices With Electronic Health Records. A Randomized Trial. JAMA. 2013;310:1051-9.
3. Dolor RW, Schulman KA. Financial Incentives in Primary Care Practice The Struggle to Achieve Population Health Goals. JAMA.2013;310:1031-2.

Que retenir pour notre pratique ?
• Les incitations financières à la « performance » se développent dans tous les systèmes de soins, le nôtre compris, sur des objectifs par définition faciles à quantifier (les chiffres de pression artérielle, d’hémoglobine glyquée, etc.) dont l’intérêt clinique reste à démontrer, leur danger étant même parfois mis en évidence par des études plus récentes que les réflexions qui ont abouti à les désigner comme cibles de performance !
• Dominique Dupagne soulignait dans l’éditorial de novembre 2013 les failles de tous les systèmes d’évaluation/rémunération sur indicateurs, aboutissant à une mascarade nocive pour la qualité des soins. Nous sommes là très loin des « pratiques réflexives » fondées sur l’intelligence des professionnels concernés…

Mots clés : Rémunération à la performance [Pay For Performance]