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Mauvaise mesure des effets indésirables de la pilule et idées fausses sur sa toxicité Volume 14, numéro 4, Avril 2018

Les effets indésirables ne sont pas correctement décrits

Les effets indésirables des pilules sont souvent décrits par un risque relatif, sans évaluation du risque absolu. Pour mémoire, le risque relatif est un rapport entre deux risques dans des populations différentes, par exemple utilisatrices de pilule A comparées aux utilisatrices de pilule B. Quand on dit que le risque est multiplié par deux chez les utilisatrices de A, on ne dit rien sur le risque absolu. Si le risque absolu est avec B de 1 cas pour 10 000 femmes par an, on aura 1 cas en plus avec A pour 10 000 femmes par an. Si le risque avec B est de 2000 cas pour 10 000 femmes par an, on aura 2 000 cas en plus avec A. La bonne mesure du risque est le risque absolu.

Les différentes pilules sont étudiées en fonction de leur génération et non en fonction de la dose d’estrogène et du type de progestatif

On trouvera une bonne mesure des risques thromboemboliques dans une étude française sur 5 millions de femmes ayant utilisé un contraceptif oral [1]. Pour 10 000 utilisatrices, on observera en un an entre 3 et 11 embolies pulmonaires, AVC ou infarctus du myocarde, à comparer à moins de 1 sans pilule, 3 avec la combinaison de 20 microgrammes d’éthynilestradiol et de levonorgestrel (2e génération) et 11 avec la combinaison de 50 microgrammes d’éthynilestradiol et de norgestrel (2e génération aussi), les risques étant intermédiaires avec 30 ou 40 microgrammes d’éthynilestradiol combinés à de la norethistérone, du gestodène ou du desogestrel (respectivement 1re, 3e et 3e générations).

La pilule est cancérigène

Des données qui vont bientôt être publiées montrent que les contraceptifs oraux auxquels la population française a été exposée (œstroprogestatifs dans 2 % des cas) ont causé en 2015 moins de cancers qu’ils n’en ont prévenus. Ceci prend en compte d’une part les cancers du sein et de l’utérus dont le risque est augmenté par l’utilisation de contraceptifs oraux et d’autre part les cancers de l’endomètre et de l’ovaire dont le risque est diminué.

Un bon exemple d’informations erronées se trouve sur le site « therapeutes T Magazine » [2] qui inclut le cancer de l’ovaire dans une longue liste d’effets indésirables soi-disant attribués à la pilule. Il attribue aussi à la pilule le nombre total de décès par cancer du sein et du col de l’utérus observés en 2011 !

La pilule est un perturbateur endocrinien

La pilule est aujourd’hui diabolisée parce que c’est un perturbateur endocrinien. Pour mémoire les glandes endocrines (hypothalamus, hypophyse, pancréas, thyroïde, testicule ou ovaire…) secrètent chacune une ou plusieurs hormones spécifiques et beaucoup de médicaments agissent sur ces systèmes endocriniens, de l’insuline au Levothyrox ®, en passant par la pilule. Considérer a priori tout ce qui modifie les systèmes endocriniens comme mauvais, ce qui englobe donc naturellement les hormones utilisées à des fins contraceptives, c’est retourner au Moyen-Âge. Oui la pilule est un perturbateur endocrinien, et non ce n’est pas une mauvaise propriété.

La pilule n’est pas naturelle

Dans le même esprit de retour au Moyen-Âge, certains reprochent à « la pilule » de ne pas être naturelle. En suivant ce raisonnement, on peut jeter la plupart des médicaments et les remplacer par diverses décoctions, de saule pour l’aspirine, de digitale pour la digitaline, d’if du pacifique pour le taxotère®, mais alors le principe actif pourra être moins efficace et la dose sera très incertaine. L’idée qu’un traitement doit être rejeté parce qu’il est étranger à notre corps nous repousse très loin en arrière dans l’histoire de la médecine, probablement quand l’espérance de vie ne dépassait pas 35 ans.

La pilule est une invention misogyne

La pilule est considérée par certains comme une invention misogyne, mais alors en quoi le stérilet serait-il moins misogyne ? Si on pousse la logique féministe jusqu’au bout, c’est la vasectomie qui devrait être la solution idéale du point de vue de la femme ! Cette solution est parfois utilisée dans les pays anglo-saxons quand une femme ne peut utiliser aucun des moyens contraceptifs disponibles ; elle reste rarement utilisée en France.

Des pseudo- experts

Les « experts » cités par les sites critiquant la pilule sont des personnes plus ou moins sulfureuses, comme Henri Joyeux, cancérologue radié récemment de l’ordre des médecins pour sa position anti-vaccinale.

Conclusion pour la pratique

  • Les femmes ont à leur disposition un large éventail de moyens contraceptifs.
  • Pour en choisir un il leur faut des informations honnêtes et compréhensibles.

Liens d’intérêts

l’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

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