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Le « bazar » du traitement du cancer de la prostate Volume 6, numéro 4, Avril 2010

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L’expression est de MJ Barry, qui dirige la Foundation for Informed Medical Decision Making de Boston, commentant une étude épidémiologique américaine.

Les auteurs américains (équipe pluridisciplinaire) ont analysé les données du registre SEER (Surveillance, Epidemiology, and End Results) des patients Medicare et identifié près de 90 000 hommes chez qui le diagnostic de cancer localisé de la prostate a été fait à l’âge de 65 ans ou plus entre 1994 et 2002. Ils ont constitué 4 groupes selon le mode de traitement : prostatectomie radicale (21 %), radiothérapie (42 %), privation androgénique (17 %) ou surveillance (20 %) et regardé qui ces patients avaient consulté : c’était un urologue exclusivement pour 50 %, un urologue et un radiothérapeute pour 44 %, un urologue et un oncologue médical pour 3 % et les 3 pour 3 %. Il existe une association forte entre le type de spécialiste consulté et le choix thérapeutique initial. Un patient sur 5 ou 6 seulement avait consulté un généraliste entre le diagnostic et le début de la thérapeutique et quels que soient l’âge, les comorbidités existantes ou le spécialiste consulté, ces hommes ont été plus souvent traités initialement par surveillance simple. Les auteurs concluent que, en raison du manque de démonstration de la supériorité d’un choix thérapeutique sur un autre, il est essentiel de s’assurer que les hommes concernés ont bien eu accès à une information complète avant de débuter un quelconque traitement. L’éditorialiste est plus incisif : il rappelle que les choix thérapeutiques sont multiples et que la seule étude randomisée (scandinave) existant sur ce point a montré des résultats équivalents en termes de mortalité spécifique par cancer de la prostate à 12 ans (une étude américaine se termine cette année) et l’analyse des effets adverses a été faite de façon très insuffisante. De plus, les patients américains ont été diagnostiqués en majorité à l’occasion d’un dépistage par le PSA, contrairement aux patients scandinaves qui avaient un cancer clinique. M. Barry souligne les conflits d’intérêt en jeu, recommande des consultations pluridisciplinaires incluant des généralistes, seule manière d’informer objectivement les patients et de leur permettre un choix dicté par leurs préférences et non celles des spécialistes consultés.

1. Jang TL, Bekelman JE, Liu Y, Bach PD, Basch EM, Elkin EB et al. Physician Visits Prior to Treatment for Clinically Localized Prostate Cancer. Intern Med Arch. 2010;170:440-50.
2. Barry MJ. The Prostate Cancer Treatment Bazaar. Intern Med Arch. 2010;170:450-2.

Les questions que se pose la rédaction
• Une analyse exhaustive des études sur ce sujet faite récemment (2008) par l’agence américaine AHRQ, confirmait qu’aucun traitement du cancer localisé de la prostate ne peut être considéré comme meilleur que les autres en termes de survie, faute d’essais comparatifs de qualité. Raison supplémentaire pour donner au patient toutes les informations nécessaires. On ne peut être que d’accord avec Barry, évoquant des réunions de concertation pluridisciplinaire incluant le généraliste. Les questions à résoudre avant que cela puisse réellement se faire ne sont pas simples…
• Rappelons que les conflits d’intérêt en jeu ne sont pas que financiers, comme nous l’avons évoqué à de nombreuses reprises dans Médecine. • La question centrale restant bien sûr celle du dépistage par PSA…

Mots clés : cancer de la prostate, décision, information