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Jupiter « revisité »… Volume 6, numéro 10, Décembre 2010

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L’étude affirmait l’intérêt des statines en prévention primaire chez des patients indemnes de pathologie cardiovasculaire. L’équipe internationale qui a « revisité » cette étude dénonce erreurs et conflits d’intérêts…

L’étude JUPITER (Justification for the Use of Statins in Primary Prevention) fait état d'une diminution substantielle du risque cardiovasculaire chez des patients sans maladie coronarienne à taux de cholestérol normal ou bas. En réanalysant attentivement les résultats et méthodes de l’étude, les auteurs soulignent ses erreurs, volontaires ou non : JUPITER a été arrêté précocement après moins de 2 ans, sans que l’on constate de différence entre les deux groupes sur les critères les plus objectifs : certes, il y a une réduction significative du nombre d’infarctus du myocarde et accidents vasculaires cérébraux (AVC) non mortels, mais aucun effet sur la mortalité par infarctus du myocarde ou AVC. La mortalité cardiovasculaire a été étonnamment faible (entre 5 % et 18 %) par rapport à la mortalité totale, alors que le taux attendu était plutôt de l’ordre de 40 %. Enfin, il y a eu un très faible taux de létalité des infarctus du myocarde, loin des presque 50 % attendus. La possibilité de biais est d’autant plus inquiétante du fait des multiples et puissants intérêts commerciaux impliqués dans l'étude. Les résultats de JUPITER sont inconsistants et ne devraient en aucun cas modifier les pratiques médicales ou les recommandations. Ce type d’étude « de prévention médicamenteuse » soulève des questions troublantes sur le rôle des « partenaires commerciaux » et ne doit pas détourner l’attention des vraies priorités individuelles et de santé publique : adoption d'un mode de vie sain, y compris l'activité physique régulière, arrêt du tabagisme et alimentation de type méditerranéen [1]. La méta-analyse de Ray et al. ne trouve pas davantage de réduction de la mortalité totale avec l’utilisation des statines en prévention primaire chez des patients à risque cardiovasculaire élevé sans événement cardiovasculaire avéré [2]. L’éditorial qui commente ces deux publications conclut que nous avons besoin, pour résoudre ce problème, d’une recherche de qualité réellement indépendante [3]…

1. de Lorgeril M, Salen P, Abramson J, Dodin S, Hamazaki T, Kostucki W et al. Cholesterol Lowering, Cardiovascular Diseases, and the Rosuvastatin- JUPITER Controversy. A Critical Reappraisal. Arch Intern Med. 2010;170(12):1032-6.
2. Ray KK, Seshasai SRK, Erqou S, Sever P, Jukema JW, Ford I, Sattar N. Statins and All-Cause Mortality in High-Risk Primary Prevention. A Metaanalysis of 11 Randomized Controlled Trials Involving 65 229 Participants. Arch Intern Med. 2010;170(12):1024-31.
3. Green LA. Cholesterol-Lowering Therapy for Primary Prevention. Still Much We Don’t Know. Arch Intern Med. 2010;170(12):1007-8.

Les questions que se pose la rédaction
• Nous avons publié dans le précédent numéro la méta-analyse canadienne de Wright qui aboutissait aux mêmes conclusions…
• Sur ce thème bien particulier du « cholestérol », si porteur de « blockbusters », la vigilance est de rigueur. Les conflits d’intérêts sont particulièrement aigus !
• En bref : Exit JUPITER…

Mots clés : cholestérol, prévention primaire, statine