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Faut-il dépister les sténoses carotidiennes asymptomatiques ? Volume 10, numéro 8, Octobre 2014

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La revue systématique et métaanalyse de l’agence américaine USPSTF conclut que l’échographie de dépistage a de nombreux faux positifs et que nous manquons d’outils de stratification des risques.

Les auteurs ont analysé 76 articles (56 études), dont une récente méta-analyse de bonne qualité méthodologique incluant 47 études publiées depuis 2003 [1]. Aucune étude ne montre que le dépistage de la sténose carotidienne asymptomatique réduit le risque d’AVC ipsilatéral. La sensibilité et la spécificité de l’échographie carotidienne pour détecter une sténose carotidienne de plus de 70 % dépasse généralement 90%, avec de larges variations interopérateurs et de nombreux faux positifs dans une population où la prévalence de la maladie est faible (< 10 %). Les auteurs n’ont pas trouvé d’essais comparant les résultats du stenting ou de l’endartériectomie carotidiennes avec les thérapeutiques médicales usuelles, ni ceux d’une intensification thérapeutique par rapport à la thérapie standard. La réduction absolue des AVC non périopératoires après endartériectomie a été dans 3 essais (5 223 participants) de 5,5 % (3,9%-7,0%) sur environ 5 années de suivi par rapport à un traitement médical. Les taux d’AVC ou de décès à 30 jours après endartériectomie étaient dans les essais et les études de cohorte respectivement de 2,4% (1,7%-3,1% ; 6 essais ; n = 3 435) et 3,3% (2,7%-3,9% ; 7 études ; n = 17 474), sans tenir compte des autres effets adverses (infarctus myocardique, lésion nerveuse, et hématomes), mais ces données surestiment peut-être les avantages de l’intervention en ayant soigneusement sélectionné les chirurgiens ou sous-déclaré les effets adverses, en ne tenant pas compte des progrès du traitement médical, ni du fait que le taux d’AVC a diminué au cours des dernières décennies. Les données actuelles ne permettent pas de privilégier l’une des 3 méthodes (intensification du traitement médical, endartériectomie ou pose de stents). L’éditorial qui commente cette revue souligne les données épidémiologiques [2] : la sténose carotidienne sévère (> 70%) asymptomatique concerne moins d’1% des personnes âgées de plus de 60 ans ; le risque relatif d’AVC de cette sténose est de 1,8. D’autres facteurs de risque sont beaucoup plus importants : l’hypertension, la fibrillation auriculaire, le tabagisme… L’éditorialiste rappelle la recommandation de l’American Board of Internal Medicine : pas d’endartériectomie sauf garantie d’un taux d’effets adverses inférieur à 3%. Il souhaiterait que cette recommandation devienne : pas de dépistage systématique de la sténose carotidienne en population asymptomatique. En attendant, il nous faut être bien conscient du fait que ce dépistage est peu susceptible d’éviter un AVC ou d’améliorer les conditions de santé de nos patients.

1. Jonas DE, Feltner C, Amick HR, Sheridan S, Zheng ZJ, Watford DJ et al. Screening for Asymptomatic Carotid Artery Stenosis: A Systematic Review and Meta-analysis for the U.S. Preventive Services Task Force. Ann Intern Med. doi:10.7326/M14-0530.
2. Goldstein LB. Screening for Asymptomatic Carotid Artery Stenosis: Caveat Emptor. Ann Intern Med. doi:10.7326/M14-1332. 

Que retenir pour notre pratique ?

• « Caveat emptor », titre l’éditorialiste, ce qui pourrait être traduit par « client roi » ? Mais qui est « client » ? Il y va là de la responsabilité directe du corps médical et du « primum non nocere ».
• Prévention quaternaire, too much medicine, Choosing Wisely Initiative : il ne s’agit pas pour ces différents courants de pensée d’« anti-médecine », mais de réflexion sur nos pratiques… et leurs méfaits potentiels.   

Mots clés : Diagnostic précoce ; Sténose carotidienne [Carotid Stenosis; Early Diagnosis]