JLE

Médecine

MENU

Exposition au risque infectieux en médecine générale – Projet ECOGEN Volume 14, numéro 1, Janvier 2018

Illustrations


  • Figure 1

Le risque d’infection associée aux soins (IAS) est bien évalué au sein des établissements de santé, notamment par le biais des centres de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (CCLIN). L’exercice ambulatoire diffère du modèle hospitalier en termes d’hygiène. Des précautions particulières font l’objet de recommandations de bonne pratique [1, 2]. D’après une étude concernant la gestion des risques infectieux, réalisée entre 2010 et 2011 auprès de médecins libéraux, 93 % des médecins interrogés disposaient d’une solution hydro-alcoolique, 57 % disposaient d’un lavabo en salle de consultation et 14 % avaient une poubelle pour les déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI) mous [3]. Une des hypothèses pour expliquer de telles constatations serait que les médecins généralistes considèrent le risque d’IAS comme faible voire inexistant dans le cadre de leur pratique ambulatoire. L’objectif de cette étude était donc de décrire de manière non déclarative la prévalence de l’exposition au risque d’IAS en médecine générale.

Méthode

Il s’agissait d’une étude ancillaire du projet ECOGEN [4, 5] : étude transversale nationale multicentrique réalisée en médecine générale. Les investigateurs étaient 54 internes rattachés à 27 facultés de médecine, en stage supervisé de niveau 1 chez 128 maîtres de stage universitaires.

Ils ont recueilli et saisi des variables spécifiques à chaque consultation sur une période de 20 jours répartis entre décembre 2011 et avril 2012, ainsi que des données déclaratives relatives à leur(s) maître(s) de stage. Tous les patients examinés par les médecins participant étaient éligibles. Les critères d’exclusion étaient le refus de participation à l’étude ou le refus de la présence de l’interne lors de la consultation. Le recueil de données était effectué en texte libre par l’interne, puis saisi et codé selon la deuxième version de la classification internationale des soins primaires (CISP-2) à l’aide d’un logiciel sur un site internet dédié.

À partir des données de l’étude ECOGEN, les codes CISP-2 correspondant à des consultations avec un risque infectieux potentiel ont été sélectionnés selon une méthode par consensus. Puis, à partir des données de la littérature, six modes de contamination ont été identifiés : contact ; gouttelettes ; air ; sang ou liquide biologique, vecteur ; pas d’exposition. Pour chaque code CISP-2, six chercheurs devaient choisir le mode de contamination qui leur semblait pertinent. Un consensus a été établi en cas de divergence.

Pour l’étude ancillaire, l’analyse a été limitée aux modes de contamination directs pour le médecin : contact ; gouttelettes ; air ; sang ou liquide biologique. Ce travail préliminaire a permis de retenir une liste de 21 codes au sein de la CISP-2 (1,5 %) pouvant correspondre au résultat d’une consultation potentiellement contaminante. Cinq zones géographiques ont par ailleurs été définies à partir des codes postaux de la zone d’exercice des médecins généralistes : Ile-de-France, Nord-Est, Nord-Ouest, Sud-Est, Sud-Ouest.

Résultats

Au total, 5 125 consultations sur 20 613 correspondaient à une exposition à un risque infectieux par voie directe, soit 24,9 % des consultations réalisées au cours de l’étude. Cela correspondait à des infections aiguës des voies aériennes supérieures et inférieures (15,7 % des cas), des gastro-entérites aiguës (GEA) (3,1 % des cas), ou à la grippe (1,4 % des cas). Il n’y avait pas de différence significative d’exposition aux IAS selon le milieu d’activité, le mode d’exercice, l’activité des médecins ou le nombre d’actes réalisés par an. En revanche, selon le type d’infection, on pouvait retrouver une différence significative entre les régions. L’exposition aux infections aiguës des voies aériennes variait selon la zone d’exercice, avec notamment 17,5 % dans le Nord-Ouest et 11,9 % dans le Sud-Ouest (p = 0,05) (figure 1). De même pour l’exposition par voie directe aux agents infectieux, avec notamment 26,6 % dans le Nord-Est et 20 % dans le Sud-Ouest (p = 0,01).

Discussion

Un quart des consultations de l’étude ECOGEN représentaient un risque d’IAS pour les médecins généralistes. Cela doit être mis en perspective avec les recommandations de la Haute Autorité de Santé qui recommandent de se laver les mains avec un savon doux liquide en début et en fin de journée, en cas de mains visiblement souillées et de se laver les mains par friction hydro-alcoolique entre chaque patient [1].

En 2009, l’étude observationnelle CABIPIC réalisée auprès de 12 médecins généralistes a montré que 17 % se lavaient « toujours » les mains entre chaque patient, 8 % « souvent », et 75 % « parfois » (alors qu’une solution hydro-alcoolique était présente dans leurs cabinets) [3].

En 2007, une enquête réalisée auprès de 25 médecins généralistes montrait que le risque infectieux était perçu comme minime [4]. Une thèse réalisée chez 152 médecins généralistes militaires a montré que 85,4 % des médecins percevaient ce risque comme très faible [6].

Enfin, concernant la couverture vaccinale, l’étude Baromètre santé médecins généralistes de 2009 a montré que 74,8 % des médecins généralistes déclaraient s’être fait vacciner contre la grippe au cours de l’hiver précédent [7]. Par extrapolation, on peut en déduire que les médecins hiérarchisent le risque infectieux selon la pénibilité des symptômes des pathologies concernées.

Les résultats montrent une différence significative d’exposition aux infections aigues des voies aériennes, (avec une plus forte exposition dans le Nord-Ouest que dans le Sud-Ouest de la France) et d’exposition par voie directe aux agents infectieux (avec une plus forte exposition dans le Nord-Est que dans le Sud-Ouest de la France).

Pour l’épidémie de grippe 2011-2012, les cartographies semblent mettre en évidence un gradient géographique de l’Est vers l’Ouest pour le démarrage de l’épidémie, et du Sud vers le Nord pour la décrue. Pour l’épidémie de gastroentérite 2011-2012, les cartographies montrent une différence de prévalence entre le Nord et le Sud. On peut en conclure à une prévalence plus importante pour les régions du Nord par rapport au Sud. Cela corrobore les résultats statistiquement significatifs de l’étude pour l’exposition aux infections par voie directe ainsi que pour l’exposition aux infections aigües des voies aériennes supérieures et inférieures.

Conclusion

Cette étude ancillaire du projet ECOGEN avait pour objectif de décrire l’exposition des médecins généralistes aux infections transmissibles par voie directe, au cours de leurs consultations. Les résultats viennent confirmer la prévalence d’un tel risque, avec une exposition potentielle au cours d’un quart des consultations. Malgré cela, les règles d’hygiène et de prévention ne semblent que peu respectées dans les cabinets de médecine ambulatoire, en partie expliquées par le fait que les médecins minimisent ce risque.

Pour la pratique

  • 24,9 % des consultations de médecine générale réalisées au cours de cette étude correspondaient à une exposition par voie directe (infections aigues des voies aériennes supérieures, gastro-entérites, grippe.
  • Une majorité de médecins considèrent comme minime le risque d’infection associée aux soins.
  • Les mesures de prévention telles que le lavage des mains entre chaque consultation sont très inconstamment mises en œuvre
  • En 2009 74,8 % des médecins déclaraient s’être fait vacciner contre la grippe.

Liens d’intérêts

les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec cet article.

Licence Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International