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Dépistage organisé du cancer du sein : participer ou non ? Une enquête qualitative en milieu rural en Basse-Normandie Volume 3, numéro 4, Avril 2007

Auteur
CERSE. Université de Caen Basse Normandie

Contexte : Le dépistage organisé du cancer du sein est en France à la fois le plus ancien et le plus étendu. Il est d'une qualité proche, en moyenne, des recommandations européennes. Cependant, la participation des femmes reste nettement inférieure àcelle qui est recommandée, plus dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Objectif : Mettre àjour les « logiques » qui conduisent les femmes habitant en zone rurale àparticiper ou non au dépistage organisé du cancer du sein. Méthode : Enquête qualitative par interview en face àface de femmes des départements de l'Orne et du Calvados. Résultats : Quel que soit leur statut par rapport au dépistage, les femmes interrogées savaient que le dépistage précoce du cancer permettait de mieux soigner cette pathologie. Diverses logiques de participation peuvent s'intriquer pour expliquer la participation : logique de « vigilance », d'« expérience », d'« obéissance », de « prestation offerte », de « retour » àl'égard de la collectivité ; de même pour les logiques du dépistage individuel : logiques de « différenciation sociale » et de « double emploi », parfois opposition plus ou moins formulée des médecins. Le refus du dépistage s'appuie également sur des logiques très fortes et cohérentes : c'est pour ces femmes une entreprise dont elles ne partagent ni les objectifs ni les fondements, elles ne craignent pas particulièrement le cancer du sein et considèrent parfois l'examen comme dangereux, éventuellement porté par une institution dont elles ne s'en sentent pas proches. Discussion : Il s'agit surtout de réfléchir sur les implications du concept de « patient-sentinelle » et les limites de sa collaboration avec le corps médical. Quelques pistes peuvent être envisagées : unifier le dispositif de dépistage, mieux impliquer les médecins généralistes et prendre en compte les difficultés de terrain. Conclusion : Deux pistes s'offrent pour améliorer la participation au dépistage organisé : tenir compte des « logiques » spécifiques àtravers lesquelles les connaissances sur ce dépistage sont réinterprétées ; agir de telle sorte que la différence entre démarche individuelle et collective de dépistage devienne plus claire. Le dépistage organisé du cancer du sein est en France àla fois le plus ancien (les premières expériences datent des années 80) et le plus étendu puisque, depuis 2004, il a été généralisé àl'ensemble des départements métropolitains. Il s'adresse actuellement à« des femmes non touchées par le cancer du sein et sans prédispositions familiales, ��gées de 50 à69 ans, avec une poursuite du dépistage jusqu'à74 ans pour les femmes qui en bénéficiaient précédemment, par mammographie à2 incidences par sein, tous les 2 ans et double lecture des clichés » [1]. Son évaluation par l'Institut de Veille sanitaire (InVS), montre qu'il est d'une qualité proche, en moyenne, des recommandations européennes. Cependant, malgré cette qualité technique globalement satisfaisante, la participation des femmes reste nettement inférieure àcelle qui est recommandée : « en 2000, 478 751 mammographies ont été réalisées dans le cadre du programme de dépistage, ce qui signifie que globalement, 38,3 % des femmes invitées ont participé. Cette moyenne est insuffisante (selon les recommandations européennes, le taux ciblé est d'au moins 70 %) et masque des disparités importantes » [2]. De nombreuses études montrent que la participation est globalement moindre dans les zones rurales que dans les zones urbaines [3]. Les méthodes quantitatives mettent en évidence les caractéristiques (socio-économiques, familiales, professionnelles, etc.) qui déterminent à un niveau « macro » la participation (ou non) au dépistage. Mais seule une approche qualitative, basée sur des entretiens avec les acteurs, peut donner accès àleur processus de décision d'acceptation ou de refus du dépistage [4], et permet de mettre en évidence, au-delàde la rationalité médicale, la multiplicité, la cohérence et la force des « logiques » des usagers face àces propositions.