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Ces généralistes militants qui méritent d’être connus par leur pratique, leur militantisme ou leurs écrits (2e partie) Volume 14, numéro 10, Décembre 2018

Espagnols et Belges

– Juan Gérvas, praticien rural espagnol retraité devenu « résistant civil » en santé publique, contribue à la formation indépendante des généralistes dans les structures « Escuela Nacional de Sanidad », « Equipo CESCA » et « NoGracias » à Madrid et n’hésite pas à contester publiquement les politiques de santé contraires à l’intérêt commun, notamment en matières de vaccination et de « statinisation », ni de dénoncer les intérêts particuliers qui sous-tendent la laxité méthodologique en recherche clinique [twitter.com/juangrvas].

– Dirk van Duppen, praticien flamand urbain à Anvers dans la Maison médicale pour le peuple, signe « La Guerre des médicaments : Pourquoi sont-ils si chers ? » [1] où il dénonce la flambée des prix et la complicité des autorités. Il défend le modèle Kiwi inspiré de la Nouvelle-Zélande dont un système d’appel d’offre est un volet en vue de réduire sensiblement le prix des médicaments.

Anglophones

– Edward Napke, ce néocanadien d’origine libanaise accepte en 1965 de fonder à Ottawa (Ontario) le premier programme canadien de pharmacovigilance qu’il dirige jusqu’en 1989. Il implante avant l’ère de l’informatique un système manuel (« pigeon hole ») de classification des notifications spontanées. Il conseille et visite régulièrement le Centre mondial de pharmacovigilance de l’OMS [who-umc.org], le Uppsala Monitoring Center en Suède, pour le sensibiliser aux effets indésirables des excipients et y forme un panel d’évaluation des signaux. Son intégrité sans compromis n’est pas appréciée de ses supérieurs mais sa passion au travail et quatre décennies de militantisme en santé publique lui valent le respect de tous. On le surnomme Dr Safety, l’OMS lui rend hommage en publiant en 2011 « A Lifetime in Safety » [2] et, s’il n’a pas reçu l’Ordre du Canada, c’est parce qu’il dérangeait. La proximité croissante entre l’Agence du médicament et l’industrie désole profondément celui qui fut mon mentor en pharmacovigilance.

– Petr Skrabanek, exilé tchèque à Dublin (Irlande), y devint un généraliste et un talentueux écrivain contestataire, dont « La Fin de la médecine à visage humain » [3] et l’arrivée du santéisme coercitif dans la version originale du titre et « Idées folles, idées fausses en médecine » [4] sont bien connus. En plus d’être bien écrite, sa vive critique de l’hygiénisme occidental contemporain ne laisse personne indifférent.

– Mark Abramowicz, de New Rochelle (New York, États-Unis) préside le comité de rédaction de la Medical Letter on Drugs and Therapeutics [medicalletter.org] fondée en 1959 par un ingénieur et un interniste alors qu’il n’y avait pas dans ce pays de bulletin indépendant des firmes et financé par abonnements. On la diffuse maintenant dans une centaine de pays, et il y a des versions française et italienne. Son organisation à but non lucratif publie des manuels comme « Drugs of Choice 2018 Handbook », en plus d’être accréditée en formation médicale continue. Qu’on me pardonne le rappel de la narration de deux souvenirs personnels : Abramowicz se laisse convaincre en 1977 de produire une version-adaptation canadienne-française distribuée durant deux décennies aux pharmaciens du Québec grâce à leur Ordre ; en 1986, son organisme apporte une aide matérielle à la mise en œuvre du Programme conjoint de pharmacovigilance du Québec.

– Malcolm Kendrick est écossais et demeure à Macclesfield au Royaume-Uni. Conférencier, cholestérolo-sceptique, il écrit dans un style enlevant et humoristique « Doctoring Data : How to sort out medical advice from medical nonsense » [5] et « The Great Cholesterol Con : The Truth About What Really Causes Heart Disease and How to Avoid It » [6] pour contester plusieurs dogmes qui sous-tendent la surmédicalisation, et dénoncer les dérives de la médecine factuelle, ainsi que l’arnaque du cholestérol. C’est peut-être son écriture dans un style familier « très écossais » qui rebute les traducteurs à nous livrer des versions françaises pourtant souhaitables.

– Margaret McCartney,de Glasgow, blogueuse, chroniqueuse au BMJ : c’est à son livre « The Patient Paradox : Why Sexed-Up Medicine Is Bad For Your Health » [7] qu’on l’identifie le mieux. Cette Écossaise utilise plusieurs médias pour discuter de toutes les embûches actuelles associées à la pratique de premier recours, notamment les recommandations cliniques produites sous influence mercantile mais endossées par les autorités sanitaires.

– Richard Lehman, de Banbury, Oxfordshire au Royaume-Uni promeut la médecine factuelle appliquée aux soins primaires. Il enseigne la prise de décision en médecine familiale à Oxford et analyse systématiquement la littérature médicale durant deux décennies sur son blogue [blogs.bmj.com] et dans ses articles. Sa retraite imminente sera regrettée par ses lecteurs.

– Derelie (Dee) Mangin est une généraliste néo-zélandaise émigrée à Hamilton (Ontario, Canada) où elle enseigne la médecine générale ; elle est cofondatrice de RxISK [rxisk.org], un blogue de pharmacovigilance indépendant destiné tant aux professionnels qu’aux consommateurs, où l’on dénonce fermement la promotion pharmaceutique sous toutes ses formes, l’abus des psychotropes et la polymédication chez les aînés.

– Peter Mansfield, de Sidney en Australie, fonde et gère Healthy Skepticism [healthyskepticism.org], un observatoire de la publicité pharmaceutique trompeuse nuisible à la santé et au budget de chacun. Les milliers de références de cette veille documentaire sont accessibles à des abonnés disséminés dans 215 pays. Cet organisme de publivigilance à but non lucratif a absorbé No Free Lunch. Desmond Spence, écossais de Glasgow, un promoteur de No Free Lunch, passe ses messages édifiants et influents dans des chroniques très appréciées dans le BMJ et dans PulseToday.co.uk.

– Warren Bell, 40 ans de pratique, cofonde l’Association canadienne des médecins pour l’environnement et cofonde aussi la Wetland Alliance : The Ecological Response. Communicant engagé en politiques de santé et analyste pointu des méfaits de la corruption médico-pharmaceutique sur les guides de pratique destinés aux généralistes, il promeut l’importance d’un lien personnalisé et préfère aux psychotropes la psychothérapie de premier recours. Administrateur chez PharmaWatch Canada [pharmawatchcanada.wordpress.com] et chroniqueur au journal canadien d’enquête NationalObserver.com, son style bien ciselé trahit sa formation en littérature alors qu’il explique l’importance de l’écologie en santé publique. Il est maître de stage rural de l’Université de la Colombie Britannique (Vancouver).

– Julian Tudor Hart, praticien en milieu défavorisé (Glyncorrwg, West Glamorgan, pays de Galles), est à l’origine de la « Règle des soins inversement proportionnels aux besoins » ou « Inverse Care Law » [8] qui exprime bien l’écart dans l’accès aux soins dont souffrent à la fois les pays peu avancés et les populations moins nanties en pays développés.

– John David Abramson, généraliste à Ipswich aux États-Unis, plusieurs fois classé parmi les meilleurs au Massachussetts, enseigne à Harvard la médecine familiale et les politiques de santé, mais c’est son livre à succès « Overdosed America » [9] sur la surmédicamentation, qui le fait connaître à l’international.

– Iain Bamforth, d’origine écossaise (Glasgow), pratique maintenant à Strasbourg. Poète, il édite « The Body in the Library » [10] tour d’horizon philosophique et édifiant de la médecine et de ceux qui la pratiquent. Ce critique littéraire pour le Times et le New York Times a traduit Dr Knock de Jules Romain et nous en a livré dans le BMJ une fine analyse, « Knock: A study in medical cynicism » [11].

– Iona Heath, de Londres, signe le livre «The Mystery of General Practice and Family Medicine: The Classic Papers» [12]. Cette praticienne urbaine devient chroniqueuse au BMJ, conférencière appréciée à tel point qu’on la surnomme la « Grande dame de la médecine générale ». Elle n’a de cesse de dénoncer les dérives d’une médecine préventive qui détourne les fonds publics des pauvres vers les riches et ne cesse de rappeler que le généraliste est le mieux placé pour établir une véritable relation avec la patientèle et « personnaliser » les soins au sens non dévoyé du terme. Son influence dépasse les frontières et ses chroniques valent plus que le détour. Elle mériterait une « Pilule d’Or ».

Liens d’intérêts

l’auteur déclare connaître près de moitié des collègues en question, par rencontres ou échanges en ligne.


1 Biron P. Ces généralistes militants qui méritent d’être connus par leur pratique, leur militantisme ou leurs écrits. Médecine 2018 ; 14 (9) : 427-9.

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