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Journal de Pharmacie Clinique

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Dermatomyosite secondaire à l’administration de trastuzumab (Herceptin ®) Volume 32, numéro 1, Mars 2013

Auteurs
Service pharmacie, Centre hospitalier Layné, Mont-de-Marsan, France, Service de médecine interne, Centre hospitalier Layné, Mont-de-Marsan, France, Service d’oncologie, Centre hospitalier Layné, Mont-de-Marsan, France

Les dermatomyosites sont des connectivites rares dont l’origine médicamenteuse n’est qu’exceptionnellement décrite. Notre observation relate l’un des premiers cas de dermatomyosite survenue après la prise de trastuzumab. Une patiente de 39 ans bénéficie en 2008 d’une prescription de trastuzumab en traitement d’un carcinome mammaire. À l’issue de la 8 e injection, elle présente un érythème péri-orbitaire en lunette, un œdème facial, puis des myalgies, un déficit moteur et une élévation des CPK sériques. La confirmation histologique de dermatomyosite conduit à l’instauration d’une corticothérapie puis d’un traitement par azathioprine. Le diagnostic de syndrome paranéoplasique évoqué dans un premier temps est reconsidéré devant le caractère fluctuant de la symptomatologie en lien avec les perfusions mensuelles de l’anticorps monoclonal. Une pause thérapeutique de trois mois est instaurée, suivie d’un amendement de la symptomatologie. L’administration d’une nouvelle dose de charge trois mois plus tard induit une réactivation de la myosite inflammatoire. Le trastuzumab est substitué par l’association lapatinib capécitabine ; la dermatomyosite (DM) évolue dès lors favorablement et demeure à ce jour contrôlée par de faibles doses de corticoïde et d’immunodépresseur en voie de sevrage. Nous avons tenté d’appréhender la responsabilité du trastuzumab dans la survenue d’une affection du système immunitaire en étudiant son mécanisme d’action moléculaire. Nous l’avons comparé à celui du lapatinib afin de tenter de comprendre la raison pour laquelle la DM n’avait pas récidivé avec l’inhibiteur de tyrosne kinase. Trastuzumab et lapatinib ciblent en effet le même récepteur HER2, ainsi que les mêmes voies de signalisation intracellulaires PI3 kinase/AKT. Ils engendrent tous deux une apoptose des cellules tumorales. Mais le trastuzumab est également un médiateur de la cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps (ADCC : antibody-dependent cell cytotoxicity). Nous avons de fait formulé l’hypothèse que l’origine immunitaire de la dermatomyosite de notre patiente serait cohérente avec l’activation de l’immunité par le trastuzumab via l’ADCC. Cette théorie expliquerait ainsi le long délai d’apparition de la symptomatologie (six mois), ainsi que le fait que la myopathie n’ait pas récidivé sous lapatinib, dénué de ce mode d’action. Cet épisode non décrit dans la littérature, nous conforte dans notre démarche thérapeutique pluridisciplinaire de suspicion systématique d’une étiologie médicamenteuse face à une symptomatologie clinique ou biologique équivoque.