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L'Information Psychiatrique

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Harkis et fils de harkis : le trauma et sa transmission Volume 93, numéro 2, Février 2017

Auteurs
1 Centre d’histoire des sociétés, des sciences et des conflits, Université de Picardie, Amiens, France
2 35 rue Saint Geoffroy, 80000, Amiens, France
* Correspondance

Cet article est issu d’une analyse d’entretiens réalisés avec un harki d’une part, et trois fils de harkis d’autre part. Le but en est la compréhension de la nature du trauma transgénérationnel dans un contexte de filiation paternelle mise à mal par le fait de l’exil, l’opprobre et la déchéance des pères. Cela revient à interroger les modalités de transmission de l’histoire des pères et le rapport à cette histoire chez les fils. La contextualisation des récits dans l’histoire coloniale, et la référence aux conditions faites aux harkis à leur installation en France, nous conduisent vers une hypothèse de liens structurels reliant le traumatisme des pères aux difficultés psychiques observées chez certains de leurs fils. Des convergences de l’ordre d’affects de honte se dessinent lorsqu’on croise ces trajectoires différentes. Les pères ont été confrontés à des conditions mettant à mal la fonction paternelle. Par ricochet, les fils en ont été affectés dans leurs assises identitaires et narcissiques. La mémoire familiale est marquée par une absence de représentations pour la période de la guerre et des débuts de l’exil. Les bribes de représentations dégagées des récits correspondent à des traces d’éprouvés constituant des énigmes. Les troubles psychiques de ceux que nous avons rencontrés portent bien le label de véritables souffrances identitaires. Autant d’éléments pour indiquer que ce qui empêche une élaboration collective, au plan politique, fait également obstacle à la déconstruction puis à la transformation du trauma, à un niveau individuel.